Passage en force de l’Etat pour imposer des « réserves de substitution » dans le Poitou-Charentes

Passage en force de l’Etat pour imposer des « réserves de substitution » dans le Poitou-Charentes

Communiqué de presse du collectif d’associations engagées dans les recours contre les 93 «réserves de substitution» (méga-bassines) du Poitou-Charentes

Le 11 juin 2024

En mars 2023, quelques jours avant les événements de Sainte-Soline, les associations soussignées faisaient le point dans un communiqué de presse sur leurs recours entrepris contre les méga-bassines en Poitou-Charentes. Aujourd’hui, nous déplorons de nouveau le passage en force de l’État pour imposer ces méga-bassines, soumettant l’intérêt général à l’intérêt de quelques-uns. La violence commence ici, dans l’accaparement de l’eau !

1. Le rôle ambigu des services de l’État

Dans nos recours et dans les instances de l’eau, c’est bien l’État qui, manquant à son devoir de neutralité et à son rôle de médiation, agit pour pérenniser l’irrigation intensive d’une minorité d’exploitations agricoles au détriment des milieux, de l’eau potable, des agriculteurs non connectés aux méga-bassines, des autres usagers économiques, de l’environnement et de la nature en général.

Ce passage en force se caractérise ainsi pour les quatre réserves, dites de substitution, construites ou en cours de construction en Deux-Sèvres :

  • Mauzé-sur-le-Mignon : le remplissage de la première méga-bassine est entrepris en décembre 2022 alors que le Mignon est à sec ! Démonstration que les seuils permettant le remplissage sont parfaitement inadaptés.
  • Sainte-Soline : alors que les travaux sont commencés, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) s’autosaisit du dossier pour évaluer si une demande préalable de dérogation espèces protégées aurait été nécessaire. La conclusion est sans appel « les arrêtés préfectoraux d’autorisation de 2017 et de 2020 auraient dû être précédés de la procédure de demande de dérogation espèces protégées ». L’État négligeant vis-à-vis du code de l’environnement !
  • Priaires : possible conflit d’intérêt de Madame la maire de Val-du-Mignon, signataire du permis de construire et future bénéficiaire de la méga-bassine.
  • Épannes : cette réserve, comme l’ensemble des 93 en Poitou-Charentes, pérennise un modèle agricole responsable du déclin de la biodiversité et, plus particulièrement, de l’avifaune de plaine composée des espèces busards cendré et Saint-Martin, oedicnème criard et outarde canepetière.

Plus généralement, le calendrier des travaux de construction des 16 réserves de la Sèvre Niortaise-Mignon étant validé dans une commission présidée par la Préfète des Deux-Sèvres, l’État soutient de fait les démarrages de travaux en ayant connaissance des contentieux juridiques en cours.

2. L’État garant de la concertation pour la gestion de l’eau

Dans d’autres territoires, pour obtenir les subventions publiques pour la construction des méga-bassines, des projets territoriaux pour la gestion de l’eau (PTGE) sont entrepris à la hâte. L’État par l’intermédiaire des préfets est garant de ces procédures de concertation. Les associations soussignées, qui s’impliquent à des degrés divers dans ces PTGE, ont des exigences :

  • L’État doit faire respecter le cadre des instructions gouvernementales et des textes et règlements en vigueur.
  • Les études sur les volumes prélevables et les débits biologiques doivent être intégrées dans les projets de PTGE pour être soumis aux Commissions Locales de l’Eau des SAGE.
  • Avant toute validation, les associations exigent des engagements fermes de la profession agricole sur des économies d’eau et sur des mesures agroenvironnementales chiffrées et planifiées, avec notamment des mesures spécifiques sur les aires d’alimentation des captages en eau potable, ainsi que sur les zones humides et zones soumises à des protections règlementaires (Natura 2000, Arrêtés préfectoraux de protection de biotope, Arrêtés de protection des habitats naturels, …).

Nous sommes, par exemple, particulièrement vigilants sur le PTGE du Clain où le portage a été confié au Conseil Départemental de la Vienne, qui persiste dans son déni quant à l’état préoccupant de la ressource en eau tel que révélé par les études scientifiques. Sur ce bassin, 41 méga-bassines sont en projet (Auxances, Clain moyen, La Clouère, Dive–Bouleure–Clain amont et La Pallu). Or, le Conseil Départemental et le Préfet de la Vienne ont exercé une très forte pression sur l’EPTB Vienne qui avait accepté le principe d’un pilotage du PTGE et qui, de ce fait, y a renoncé.

3. Les données scientifiques remises en cause au profit de l’irrigation

L’état des masses d’eau en Poitou-Charentes est catastrophique. À l’exception de quelques fleuves côtiers, tous les bassins sont classés en Zone de Répartition des Eaux (ZRE), classement justifié par un déséquilibre entre les usages et la ressource en eau. Nous « fêtons » en 2024 les 30 ans de ces classements ZRE pour bon nombre de bassins et, malheureusement, nous ne voyons pas de sortie de crise avant de nombreuses années !

Les études scientifiques, études Hydrologie-Milieux-Usages-Climat (HMUC) pour le bassin Loire-Bretagne et autres études basées sur des débits biologiques pour le bassin Adour-Garonne, démontrent les unes après les autres cet état alarmant de la ressource en eau. Cependant, ces études tant attendues, sont sans cesse repoussées et contestées par les irrigants, voire par les représentants de l’État.

Citons, par exemple :

  • La Commission Locale de l’Eau (CLE) du SAGE Clain du 7 juin 2023 où le Préfet de la Vienne et le Conseil Départemental de la Vienne se sont opposés à la validation de l’étude HMUC sur ce sous-bassin, souhaitant in fine beaucoup plus d’eau pour l’irrigation agricole que ce que préconise l’étude.
  • La Commission Locale de l’Eau (CLE) du SAGE Charente où, dans la révision des seuils estivaux sur l’Aume et la Couture, les scénarios les plus restrictifs pour l’irrigation ont mystérieusement disparu.
  • Sur le bassin du Curé, l’étude HMUC est tout simplement impossible à réaliser par les méthodes classiques car les appareils de mesure des niveaux d’eau n’ont jamais été installés.

4. Notre engagement reste intact

Notre collectif dresse en Annexe 1 l’état des recours contre les 93 méga-bassines en projet dans le Poitou-Charentes et rappelle les raisons de son engagement :

  • Il ne s’agit pas de substitution parce que les réserves permettront de prélever des volumes d’eau d’irrigation supérieurs à ceux prélevés actuellement, alors que la ressource en eau diminue.
  • Il s’agit de l’accaparement de volumes d’eau colossaux par quelques exploitants au détriment d’un accès raisonnable et équitable à l’eau pour tous les usagers. Rappelons que les irrigants ne représentent qu’entre 6 et 10% des agriculteurs alors qu’ils consomment 58% de l’eau douce en France (Chiffres 2010-2019 https://www.notre-environnement.gouv.fr/).
  • Les projets, par leurs dimensions, font courir un risque à la ressource en eau, au détriment des milieux naturels et de l’approvisionnement en eau potable.
  • Les pompages massifs dans les nappes, mêmes hivernaux, conduiront à détériorer encore plus les milieux aquatiques et leur cortège de biodiversité : poissons, amphibiens, odonates…
  • Le modèle agricole sous-jacent aux projets impactera significativement l’avifaune de plaine (outarde canepetière, oedicnème criard, busards cendré et Saint-Martin), espèces patrimoniales qui ont motivé pour leur protection la création de neuf sites Natura 2000 sur le territoire picto-charentais.
  • Les études d’impact des projets sont insuffisantes, inadaptées aux enjeux locaux et le niveau de respect de la réglementation européenne concernant les sites Natura 2000 pose question.
  • L’usage de l’eau pour l’irrigation doit avoir une contrepartie sérieuse en matière d’agroécologie, ce qui n’est pas réellement prévu dans les projets actuels. La façon dont les « protocoles d’accord » Sèvre niortaise-Mignon et Clain ont été établis et mis en oeuvre jusqu’à présent ne peut qu’inquiéter quant à la sincérité des promoteurs des projets concernés. Les engagements pris par les bénéficiaires de méga-bassines ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce point a été clairement mis en évidence dans l’étude indépendante commandité par le Comité de Bassin Loire Bretagne et restituée fin 2023.
  • Les projets représentent une mal-adaptation aux changements climatiques et une contribution supplémentaire au déclin de la biodiversité.

Les associations soussignées renouvellent leur demande d’un moratoire sur les projets de réserves de substitution.

Les signataires :
L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises,
L’Association de Défense de l’Environnement de Migné-Auxances (ADEMA),
L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE),
L’Association Protection et Avenir du Patrimoine en Pays d’Aigre et en Nord Charente (APAPPA),
La Confédération paysanne de la Vienne,
La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN),
La Fédération de Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu Aquatique,
La Fédération des Deux-Sèvres des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA),
Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS),
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),
Nature Environnement 17 (NE17),
SOS Rivières et Environnement,
UFC Que choisir de la Vienne,
Vienne Nature.

Voir document annexe pour le détail sur les recours.

Lire aussi :

La méga-bassine de Sainte Soline détruit l’habitat d’une espèce en danger

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Communiqué de presse du 9 janvier 2024
Plainte inter-associative contre la méga-bassine de Sainte-Soline pour destruction d’habitat d’une espèce protégée

En accord avec l’avis du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), nous portons plainte pour destruction de 17 hectares d’habitat d’une espèce protégée du fait des travaux exécutés sur la méga-bassine de Sainte-Soline en l’absence de dérogation espèce protégée.

Depuis 2018, nos associations sont engagées dans des recours administratifs contre le projet des 16 réserves de substitution sur la Sèvre Niortaise. Si nous dénonçons des impacts en termes de gestion de l’eau, nous signalons également des atteintes à la biodiversité. La localisation de certains ouvrages est en effet problématique au regard de la préservation d’espèces protégées.

Tel est le cas de la méga-bassine de Sainte-Soline, dite « SEV15 ». D’une surface de 160 894 m², cet ouvrage se situe sur un habitat sensible abritant des espèces protégées (Outarde canepetière, Busard cendré, Courlis cendré, OEdicnème criard …).

A ce titre, conformément au code de l’environnement, nos associations soulignent depuis des années la nécessité pour le porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèce protégée » conformément à l’article L.411-2 du code de l’environnement. Le respect de cette procédure n’aurait pas porté atteinte à l’existence de la bassine mais aurait permis de mettre en place des mesures compensatoires adéquates pour compenser la perte d’habitat du fait de la construction de la bassine de Sainte-Soline.

Le porteur de projet, la Société Coopérative Anonyme de l’Eau des Deux-Sèvres, a toujours refusé de déposer une telle demande. Les Préfectures ne l’ont pas non plus imposé.

Or, après s’être auto-saisi du dossier, le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a rendu un avis le 22 novembre 2023 sur les enjeux biodiversité entourant la méga-bassine de Sainte-Soline (pièce jointe).

Dans cet avis, les experts du CNPN ont démontré que les impacts directs et indirects sur l’Outarde canepetière étaient bien réels. Le CNPN en a déduit, d’une part, qu’il aurait dû être sollicité par le porteur de projet et, d’autre part, qu’une dérogation espèce protégée aurait dû être déposée et obtenue avant tout travaux.

Sur la base de cet avis du CNPN, le 3 janvier 2024, nos associations ont déposé plainte pour destruction de 17 hectares d’habitat protégé auprès du Procureur de la République du Tribunal Judiciaire de Niort du fait des travaux exécutés sur la méga-bassine de Sainte-Soline en l’absence de dérogation espèce protégée. Il s’agit d’un délit prévu à l’article L.415-3 du code de l’environnement.

Informations sur les enjeux :

Les dernières outardes migratrices en Europe ne subsistent que dans le centre-ouest de la France (Poitou-Charentes, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire et Indre). Pourtant, lors du recensement national de 1978-1979, cette population était évaluée à 6 800 mâles sur les terres agricoles céréalières du centre-ouest à l’est de la France. 22 ans plus tard, lors du recensement de 1999-2000, seulement 460 mâles ont été dénombrés, soit un déclin de 94 %. Pour protéger cette espèce, des mesures agro-environnementales (MAE) sont mises en place depuis les années 2000. Nous remercions les agriculteurs engagés dans les MAE qui ont permis de stabiliser l’effectif autour de 350 mâles chanteurs.

La commune de Sainte-Soline et la réserve dite « SEV15 » se situent dans une Zone de Protection Spéciale (ZPS/Natura 2000) désignée pour la protection de l’avifaune de plaine et pour l’Outarde canepetière. Les outardes nichant à proximité de la zone d’emprise de SEV15 fréquentent régulièrement cette zone d’emprise, comme l’attestent les suivis GPS (voir carte ci-contre ; Données sur trois outardes équipées).

Plus généralement, en plus d’impacter les espèces protégées, nous considérons que les 93 méga-bassines en projet dans le Poitou-Charentes permettront de pérenniser le modèle agricole responsable du déclin de la biodiversité comme le montre l’étude du CNRS et du MNHN à l’échelle européenne.

Des noyaux de populations d’outardes subsistent dans certaines zones éligibles aux mesures MAE mentionnées ci-avant (voir les zones vertes sur la carte ci-contre). Ce zonage couvre les 9 ZPS/Natura 2000 « oiseaux de plaine » et les territoires où l’outarde est potentiellement ou a été historiquement présente.

L’Outarde canepetière est une espèce philopatrique : elle revient instinctivement à l’endroit où elle est née pour se reproduire. Par conséquent, le renforcement des populations passe nécessairement par le maintien des zones de reconquête favorables pour l’espèce : zonages MAE et leur périphérie. Nous observerons tous les autres projets de réserves avec la même attention.

Nous sommes prompts à vouloir sauver des espèces en danger à l’autre bout de la planète… nous en avons une à sauver en Poitou-Charentes !

Les signataires :
L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises,
L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE),
La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN),
La Fédération de Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu Aquatique,
La Fédération des Deux-Sèvres des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA),
Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS),
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),
Nature Environnement 17 (NE17),
SOS Rivières et Environnement,
Vienne Nature.

Crédit photo : Philippe Jourde

Lire aussi :

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Communiqué de presse du mercredi 15 mars 2023 (format pdf)

Dans un recours hiérarchique adressé au Préfet de Région, les associations de protection de l’environnement dénoncent le récit orchestré par l’Etat pour faire taire le débat public et l’expression citoyenne sur le sujet des méga-bassines en Poitou-Charentes et dans les Deux-Sèvres.

Des sanctions totalement dénuées de fondement

Suite à la dernière manifestation contre une méga-bassine à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres fin octobre 2022, l’Etat s’emploie à instrumentaliser les évènements pour faire taire tout débat de fond sur le stockage de l’eau.

Après avoir retiré une subvention pour l’éducation à l’environnement à l’Association de Protection d’Information et d’Etudes de l’Eau et de son Environnement (APIEEE), celle-ci vient de recevoir la notification par la Préfète des Deux-Sèvres, de son exclusion de toutes les instances de concertation liées à l’eau du département dans lesquels elle siégeait !

Une double sanction donc contre une association totalement extérieure à l’évènement puisqu’elle n’avait ni organisé la manifestation, ni appelé à y participer, que ce soit avant ou après la décision de son interdiction.

Son tort ? Avoir semble-t-il exprimé après la manifestation dans un post sur un réseau social, le fait que le climat anxiogène (construit par les organisateurs comme par les forces de l’ordre) ait empêché l’association d’y participer. D’avoir dénoncé également la démesure de la présence de gendarmerie et de la répression policière, comme les mensonges de communication officielle sur le caractère « légal » des bassines contestées. Et d’avoir rappelé que l’Etat n’était pas aussi prompt à la réaction médiatique et policière quand le monde agricole productiviste saccageait les locaux associatifs ou agressait les militants associatifs comme c’est régulièrement le cas[1].

Actrices du débat et de l’éducation autour des questions de l’eau

Les associations de protection de la nature et de l’environnement du mouvement FNE en Nouvelle-Aquitaine, Poitou-Charentes Nature et Deux-Sèvres Nature Environnement participent au débat public autour de la gestion de l’eau sur le territoire, dans l’ensemble des comités et commissions, lieux de ces débats. Elles assurent aussi une information et l’éducation de tous les publics sur les enjeux de l’eau et de leur gestion, et sont reconnues pour cela comme participant à la défense de la ressource et à des actions d’intérêt général. Elles contestent également devant les tribunaux certaines décisions de l’Etat qu’elles jugent non conformes au droit et à l’enjeu de préservation de la ressource. Comme le 7 mars dernier encore devant la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux[2], elles gagnent ces procès et montrent aussi que l’Etat commet des erreurs d’appréciation dans ses décisions liées à l’eau et ne respecte pas lui-même le droit.

C’est tout cela aussi « L’Etat de droit » brandi par la Préfecture pour sanctionner aujourd’hui nos associations ! C’est tout cela l’action depuis des décennies, de nos associations sur le terrain, tous les jours, toute l’année !

Les associations locales du mouvement de FNE dénoncent aujourd’hui l’instrumentalisation, des évènements de Sainte-Soline par l’Etat comme moyen de porter atteinte au débat public sur l’eau.

Un recours contentieux administratif a été déposé très récemment contre la décision de suppression de la subvention ainsi que contre celle exigeant remboursement d’une partie des montants versés pour l’année 2022.

Nous continuerons de porter nos messages et la défense de l’intérêt général face aux appétits de l’agro-industrie qui nous mène dans le mur. Oui, deux modèles s’affrontent. Nos armes à nous sont ancrées dans la démocratie.

Pour aller plus loin

Un appel à dons est lancé à cette adresse :
https://www.helloasso.com/associations/apieee/collectes/suppression-de-subvention-pour-cause-de-militantisme

Ainsi qu’une pétition de soutien ici :
https://agir.greenvoice.fr/petitions/non-au-muselage-de-notre-association-de-defense-de-l-eau

[1] https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/mouvement-anti-bassines-agresse-et-insulte-chez-lui-un-militant-porte-plainte-13113049.php

[2] https://bordeaux.cour-administrativ-appel.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/la-cour-annule-encore-une-autorisation-de-prelevement-d-eau-pour-l-irrigation-d-exploitations-agricoles-en-charente-maritime

Les associations unies dans l’action juridique contre les 93 « réserves de substitution » (méga-bassines) du Poitou-Charentes

Les associations unies dans l’action juridique contre les 93 « réserves de substitution » (méga-bassines) du Poitou-Charentes

Communiqué de presse du collectif d’associations engagées dans les recours contre les 93 « réserves de substitution » (méga-bassines) du Poitou-Charentes
Le 8 mars 2023

Format pdf

Les associations soussignées font le point sur leurs recours entrepris contre les méga-bassines en Poitou-Charentes.

Aujourd’hui, 93 réserves de substitution sont en projet sur les quatre départements de Charente, de Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Ces projets sont regroupés sur neuf sous-bassins comme suit : Aume-Couture (9 réserves) ; Auxances (6) ; Boutonne (21) ; Clain moyen (15) ; Dive-Bouleure-Clain amont (6) ; La Clouère (8) ; La Pallu (6) ; Le Curé (6) et Sèvre niortaise-Mignon (16).

Hormis le projet de La Clouère, tous les projets font l’objet de recours juridiques en cours. Le détail de ceux-ci est donné dans l’Annexe 1 du présent document.

Notre collectif est engagé dans ces combats juridiques pour les raisons suivantes :

  • Il ne s’agit pas de substitution en ce sens que les réserves permettront de prélever des volumes d’eau d’irrigation supérieurs à ceux prélevés actuellement alors que la ressource en eau diminue.
  • Il s’agit de l’accaparement de volumes d’eau colossaux par quelques exploitations au détriment d’un accès à l’eau pour tous.
  • Les pompages en nappe, mêmes hivernaux, conduiront à détériorer encore plus les milieux aquatiques et leur cortège de biodiversité : poissons, amphibiens, odonates… Ce sont les dernières zones humides de plaines cultivées intensivement (exemple de La Pallu et de l’Auxances) et les zones humides du Marais poitevin qui sont directement menacées par ces aménagements.
  • Le modèle agricole sous-jacent aux projets impactera significativement l’avifaune de plaine (outarde canepetière, oedicnème criard, busards cendré et Saint-Martin), espèces patrimoniales qui ont motivé pour leur protection la création de neuf sites Natura 2000 sur le territoire picto-charentais.
  • Les études d’impact des neufs projets sont insuffisantes, inadaptées aux enjeux locaux et le respect de la réglementation européenne concernant les sites Natura 2000 pose question.
  • Les projets, par leurs dimensions, font courir un risque à la ressource en eau, au détriment des milieux naturels et de l’approvisionnement en eau potable.
  • L’usage de l’eau pour l’irrigation doit avoir une contrepartie en matière d’agroécologie, ce qui n’est pas prévu dans les projets actuels. La façon dont les « protocoles d’accord » Sèvre niortaise-Mignon et Clain ont été établis et mis en oeuvre, jusqu’à présent, ne peut qu’inquiéter quant à la sincérité des promoteurs des projets concernés. Les engagements pris par les bénéficiaires de méga-bassines ne sont pas à la hauteur des enjeux.
  • Les projets représentent une mal-adaptation aux changements climatiques et une contribution supplémentaire au déclin de la biodiversité.
  • Les conditions météorologiques telles qu’observées, notamment depuis début 2022 (canicules et sécheresse estivales, grave déficit pluviométrique en automne et hiver, niveau alarmant des nappes phréatiques début 2023), renforcent la nécessité de reconsidérer la pertinence de l’ensemble des projets concernés.
  • Des études impartiales HMUC (hydrologie, milieux, usages, climat) sont des préalables à tout projet de stockage pour déterminer la ressource disponible. Des vrais PTGE (projet territorial pour la gestion de l’eau) respectant l’Instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 restent les seuls cadres dans lesquels il est possible de décider de stockage de l’eau.

Notre collectif considère que la réponse aux épisodes de sécheresse et au manque d’eau réside dans une évolution des pratiques agricoles. Les cultures doivent être choisies en fonction des sols et du climat du territoire. Les financements publics considérables, déployés ou annoncés pour les projets de méga-bassines, devraient prioritairement être réorientés :

  • Vers leur destination réglementaire avec la priorisation donnée par la loi (eau potable, milieux, usages économiques) ;
  • Vers l’augmentation du stockage naturel (renaturation des cours d’eau, recréation de zones humides…).

La crise environnementale et climatique, la protection et le partage de l’eau, bien commun indispensable à la vie, la production alimentaire, tous ces grands sujets doivent être débattus dans la société, faute de quoi les conflits risquent de se multiplier et personne n’y gagnera.

Les associations soussignées demandent un moratoire immédiat sur les projets de réserves de substitution et dénoncent le passage en force que constitue la construction des réserves de Mauzé-sur-le-Mignon et de Sainte-Soline malgré les recours. L’exemple des réserves illégales construites par l’ASA de Benon et l’ASAI des Roches présenté en Annexe 2 démontre l’impasse dans laquelle s’engagent les porteurs de projet et l’État.

Les signataires :
L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises,
L’Association de Défense de l’Environnement de Migné-Auxances (ADEMA),
L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE),
L’Association Protection et Avenir du Patrimoine en Pays d’Aigre et en Nord Charente (APAPPA),
La Confédération paysanne de la Vienne,
La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN),
La Fédération de Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu Aquatique,
La Fédération des Deux-Sèvres des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA),
Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS),
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),
Nature Environnement 17 (NE17),
SOS Rivières et Environnement,
UFC Que choisir de la Vienne,
Vienne Nature.


Annexe 1 : Détails des recours en cours contre les 93 réserves de substitution du Poitou-Charentes

Projet Aume-Couture (9 réserves) :

  • Recours porté par Poitou-Charentes Nature, la LPO et l’APAPPA en janvier 2021 au TA de Poitiers. En cours d’instruction.
  • Recours (contre le permis d’aménager) porté par l’APAPPA en février 2021 au TA de Poitiers. En cours d’instruction.

Projet Auxances (6 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne, ADEMA et VIVRENCLAIN en mars 2018 au TA de Poitiers. Recours perdu en juin 2020.
  • Appel du jugement en août 2020 porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, la Confédération paysanne et ADEMA au CAA de Bordeaux. Intervention volontaire de la LPO en juillet 2021. L’instruction se termine en mars 2023.

Projet Boutonne (21 réserves) :

  • Deux recours (Autorisation environnementale et Déclaration d’intérêt général) portés par Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et la LPO en décembre 2018 au TA de Poitiers. Deux recours gagnés en février 2021.
  • Appel du jugement sur l’autorisation environnementale interjeté par le Ministère de la transition écologique et le SYRES 17 devant la CAA de Bordeaux.

Projet Clain moyen (15 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne, ADEMA et VIVRENCLAIN en avril 2018 au TA de Poitiers. Recours perdu en juin 2020.
  • Appel du jugement en août 2020 porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, la Confédération paysanne et VIVRENCLAIN au CAA de Bordeaux. Intervention volontaire de la LPO en juillet 2021. L’instruction se termine en mars 2023.

Projet Dive – Bouleure – Clain amont (6 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne, ADEMA et VIVRENCLAIN en avril 2018 au TA de Poitiers. Recours perdu en juin 2020.
  • Appel du jugement en juillet 2020 porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, la Confédération paysanne et VIVRENCLAIN au CAA de Bordeaux. Intervention volontaire de la LPO en juillet 2021. L’instruction se termine en mars 2023.

Projet La Clouère (8 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature et UFC Que choisir en novembre 2017 au TA de Poitiers. Recours gagné en mai 2019.
  • Appel du jugement en août 2019 porté par le Ministère de la transition écologique au CAA de Bordeaux. Le jugement du TA de Poitiers est annulé en juin 2020
  • L’arrêté d’autorisation de la création et l’exploitation de 8 réserves est libre de toute contrainte judiciaire.

Projet La Pallu (6 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne et la LPO en septembre 2021 au TA de Poitiers. En cours d’instruction.

Projet Le Curé (6 réserves) :

  • Deux recours (Autorisation environnementale et Déclaration d’intérêt général) portés par Nature Environnement 17 au TA de Poitiers. Deux recours gagnés en juin 2021.
  • Appel du jugement sur l’autorisation environnementale porté par le SYRES 17. La CAA de Bordeaux a confirmé l’annulation de l’autorisation en février 2023.

Projet Sèvre niortaise – Mignon (16 réserves) :

  • Recours contre un premier arrêté portant sur 19 réserves, recours porté par Poitou-Charentes Nature, le GODS, Nature Environnement 17, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en février 2018 au TA de Poitiers.
  • Recours contre un arrêté complémentaire n°1 portant sur 16 réserves, recours porté par Nature Environnement 17, Poitou-Charentes Nature, la LPO, le GODS, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en novembre 2020 au TA de Poitiers. Affaires jointes. Jugement avant dire droit du TA de Poitiers en mai 2021 exigeant le redimensionnement à la baisse de 9 des 16 réserves.
  • Appel du jugement de sursis à statuer de mai 2021 porté par Nature Environnement 17, Poitou-Charentes Nature, la LPO, le GODS, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en juillet 2021 au TA de Poitiers. Instruction en cours.
  • Recours contre un arrêté complémentaire n°2 portant sur 16 réserves, recours porté par Nature Environnement 17, Poitou-Charentes Nature, la LPO, le GODS, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en juillet 2022 au TA de Poitiers.

Annexe 2 : Détails des recours gagnés

Contre ASA de Benon (2 réserves)

  • Recours porté par Nature Environnement 17 devant le TA de Poitiers. Le TA Poitiers a fait droit à demande de NE17 et a annulé l’autorisation en octobre 2015.
  • Appel du jugement par l’ASA de Benon. CAA Bordeaux du 22 décembre 2017 confirme l’annulation de l’autorisation.
  • Pourvoi devant le Conseil d’État par l’ASA de Benon. Conseil d’État, 29 septembre 2019 confirme l’annulation de l’autorisation.

Contre ASAI des Roches (5 réserves)

  • Recours porté par Nature Environnement 17 devant le TA de Poitiers. Le TA Poitiers a fait droit à demande de NE17 et a annulé l’autorisation en juin 2018.
  • Appel du jugement par l’ASAI des Roches. Par un arrêt avant dire droit du 17 novembre 2020, la CAA Bordeaux a sursis à statuer pour six mois pour laisser à l’ASAI des Roches la possibilité de régulariser les irrégularités contenues dans son autorisation via un complément d’étude d’impact. CAA Bordeaux 17 mai 2022 : malgré le complément d’étude, toujours lacunes et insuffisances donc confirme l’annulation de l’autorisation.
  • Pourvoi devant le Conseil d’État par l’ASAI des Roches. Conseil d’État, 4 février 2023 : non-admission du pourvoi.
Mégabassines : des remplissages autorisés alors que la rivière le Mignon est à sec

Mégabassines : des remplissages autorisés alors que la rivière le Mignon est à sec

Le 14 décembre, l’association Nature Environnement 17 a publié un communiqué de presse au sujet des mégabassines « Des remplissages autorisés alors que la rivière le Mignon est à sec ».

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