Lagunes

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

Les lagunes naturelles correspondent à des plans d’eau côtiers séparés du milieu marin par un cordon de sable ou de galets. Les échanges avec la mer se font soit par l’intermédiaire d’un chenal (le « grau » des lagunes méditerranéennes), soit par percolation sous le cordon soit, dans le cas des lagunes fermées, par incursions lors de tempêtes hivernales ou printanières lorsque les hautes mers de vives eaux peuvent submerger le cordon, poussées par de forts vents d’Ouest et dans un contexte de basses pressions (gonflement barymétrique de l’océan). La profondeur de l’eau est variable mais n’excède généralement pas 1m. La salinité des eaux lagunaires subit de fortes variations saisonnières en fonction du bilan entre les entrées (pluviométrie, apports du bassin versant, incursions marines) et les sorties (évaporation) : minimal en hiver, le taux de chlorures peut dépasser celui de l’eau de mer (sursalure) en fin d’été, lorsque les niveaux sont au plus bas. A cette période, les eaux subissent également un échauffement important qui a des répercussions essentielles sur les organismes vivants présents. Dans tous les cas, la variabilité de ces paramètres – salinité, température – est d’autant moins forte que la lame d’eau est importante et permet un tamponnage des pics. L’assec partiel ou total est possible mais non indispensable au fonctionnement des systèmes lagunaires bien qu’il constitue évidemment une contrainte écologique sévère supplémentaire.

Comme sur l’ensemble de la façade atlantique où la majorité des lagunes ont été aménagées par l’Homme à des fins de production, les lagunes naturelles du littoral charentais ont presque totalement disparu. Le seul type subnaturel subsistant se trouve dans l’Anse des Boucholeurs à mi-chemin entre Rochefort et La Rochelle où il est intégré au périmètre de la Réserve Naturelle du Marais d’Yves : cette lagune, formée de 3 bassins, couvre une superficie de 40 ha ; elle est isolée de l’océan par un cordon sableux peu épais que la mer franchit régulièrement lors des tempêtes hivernales. Les niveaux d’eau maximaux (40-50cm) sont atteints en fin d’hiver (fin mars) lorsque se conjuguent les apports pluviométriques et les entrées dues aux tempêtes, et l’étiage est atteint à partir de la fin juillet où un assec partiel ou total peut se prolonger jusqu’en fin septembre, voire en novembre lors des automnes déficitaires (année 2007). Avec un taux de 5 à 15gr/l selon les bassins, la salinité connaît un creux en hiver (décembre à mars) et remonte à 17-32gr/l lors du pic estival (juillet-août).

Hormis sur ce site privilégié, la totalité des autres lagunes charentaises sont exploitées depuis des décennies, voire des siècles, par l’Homme pour diverses productions – saliculture, ostréiculture, conchyliculture (palourdes, coques), pénéiculture (crevettes), pisciculture – au sein de marais endigués où les entrées d’eau salée sont finement régulées en fonction des besoins propres à chaque production. Selon la nature de l’activité pratiquée, son niveau d’intensivité et la vocation des bassins dans l’exploitation, certains bassins se rapprochent beaucoup par leur fonctionnement et leurs communautés végétales ou animales des lagunes naturelles : c’est le cas, par exemple, dans une exploitation salicole, des bassins situés en amont de la récolte (vasais, métières, tables courantes) par opposition aux champs de marais où s’effectue la récolte et l’essentiel des manipulations. C’est le cas également dans une exploitation ostréicole traditionnelle des claires anciennes, de petite taille (unités de 300-500m²), séparées de nombreuses diguettes (les abotteaux des anciens marais salants, souvent conservés) et de faible profondeur (50-60cm), par opposition aux claires remembrées récentes de grande surface (600-1500m²), avec disparition d’un grand nombre de diguettes et stabilisation par des remblais des digues restantes pour permettre la mécanisation des travaux et le roulage. C’est le cas enfin de certains marais récemment abandonnés, tant que l’hydraulique reste suffisamment fonctionnelle pour permettre un renouvellement de l’eau et éviter le confinement qui favorise les crises de dystrophie. Malgré leur intérêt sur le plan de la biodiversité, ces situations ont cependant un caractère transitoire et ne perdurent pas au-delà de quelques décennies.

La végétation frangeant l’habitat sous forme de linéaires (lagunes aménagées) ou de ceintures (lagunes naturelles) se rapporte à divers habitats de biotopes salés ou saumâtres : salicorniaies annuelles (15.1), prés salés atlantiques (15.3), fourrés des prés salés (15.6), prés salés thermo-atlantiques (15.52), scirpaie maritime (53.7), phragmitaie (53.1). Des herbiers infra-aquatiques dominés par la Ruppie Ruppia maritima sont souvent présents dans les faciès aménagés : ils sont étudiés dans la fiche « Milieux salés artificiels ou fortement anthropisés ».

Les espèces faunistiques sont peu diversifiées mais peuvent être très abondantes (Polychètes, Mollusques bivalves, Crustacés, Hydraires, larves de Diptères). Il s’agit pour la plupart d’espèces se nourrissant de phytoplancton et de débris végétaux (détritivores phytophages). Elles constituent des proies de choix pour divers Vertébrés tels que les Poissons ou les Oiseaux.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

RUPPIETEA MARITIMAE J.Tüxen 1960

  • Végétation enracinée des eaux saumâtres eury- à polyhalines
    • Ruppion maritimae J.Tüxen 1960 : communautés filiformes, hivernales à vernales, souvent desséchées en été
    • Zannichellion pedicellatae Schaminée, B.Lanjouw & Schipper 1992 : communautés poldériennes et sublittorales des eaux oligohalines

COR 1991

  • 21 Lagunes
  • 23.1 Eaux saumâtres ou salées sans végétation
  • 23.2 Eaux saumâtres ou salées végétalisées
    • 23.21 Formations immergées des eaux saumâtres ou salées
      • 23.211 Groupements à Ruppia

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1150 Lagunes côtières
    • 1150-1 Lagunes en mer à marées (façade atlantique)

Confusions possibles

Par l’originalité de leur localisation physiographique, les lagunes naturelles ne sauraient être confondues avec un autre habitat. Il n’en va pas de même pour les lagunes aménagées : selon les situations, le fonctionnement écologique et les communautés biologiques se rapporteront plutôt à ceux d’une véritable lagune alors que dans d’autres cas, les critères fondamentaux définissant les lagunes – profondeur, température, salinité, communautés de micro-invertébrés – ne seront plus remplis et il sera alors préférable de référer le bassin étudié à l’habitat « Milieux salés artificiels ou fortement anthropisés » (89).

Espèces indicatrices

[plante2] *Althenia filiformis, Potamogeton pectinatus, Ranuncuus baudotii, Ruppia cirrhosa, Ruppia maritima, Zanichellia pedicellata
[algues] Chara alopecuroides
[oiseaux] Anas acuta, Anas clypeata, Anas crecca, Anas penelope, Anas platyrhynchos, Branta bernicla, Calidris alba, Calidris alpina, Calidris canutus, Calidris minuta, Charadrius alexandrinus, Charadrius dubius, Charadrius hiaticula, Egretta garzetta, Gallinago gallinago, Haematopus ostralegus, Himantopus himantopus, Limosa lapponica, Limosa limosa, Numenius arquata, Platalea leucorodia, Pluvialis squatarola, Recurvirostra avosetta, Sterna hirundo, Tadorna tadorna, Tringa erythropus, Tringa nebularia, Tringa totanus, Vanellus vanellus
[poissons] Anguilla anguilla, Atherina boyeri, Chelon labrosus, Dicentrarchus spp., Gambusina affinis, Gasterosteus aculeatus, Lepomis gibbosus, Liza aurita, Liza ramada, Mugil cephalus, Platichthys flesus, Pomatoschistus spp., Sparus aurata, Synthagnus abaster
[coleopteres] Chironomus salinarius, Halocladius varians, Sigara selecta
[mollusques] Abra ovata, Cerastoderma glaucum, Hydrobia ventrosa, Potamopyrgus jenkinsi
[crustaces] Artemia salina, Corophium insidiosum, Corophium multisetosum, Gammarus chevreuxi, Gammarus insensibile, Idotea chelipes, Corophium insidiosum, Microdeutopus grillotalpa, Palemonetes varians, Sphaeroma hookeri
Hydraires : Cordylophora caspia, Odessia maerotica
Polychètes : Ficopotamus enigmaticus, Hediste versicolor, Polydora ligni

Dynamique

La dynamique des lagunes naturelles est entièrement tributaire de l’action des facteurs qui ont contribué à leur formation et, notamment, du bilan sédimentaire du cordon isolant la lagune de la mer : en cas d’érosion, les entrées d’eau marine se font plus fréquentes et on assiste alors à une « salinisation » du milieu lagunaire qui évolue de plus en plus vers un milieu franchement marin ; en cas d’engraissement du cordon, au contraire, les incursions d’eau salée se raréfient, voire disparaissent totalement, et le milieu évolue alors souvent vers une continentalisation des communautés, avec un atterrissement progressif. Les voies dynamiques des lagunes aménagées sont plus complexes : tant que l’exploitation perdure, les modalités de la gestion hydraulique adaptée au type de production permettent la persistance de conditions lagunaires plus ou moins typiques. En cas d’abandon, en revanche, la défaillance progressive de la desserte hydraulique entraîne inéluctablement un adoucissement des eaux et la dérive des communautés vers des peuplements plus typiques des milieux dulcicoles ; dans ces conditions, un assèchement durable du bassin se produit fréquemment, marquant une sortie souvent définitive du milieu de la zone humide à laquelle il appartenait.

Valeur biologique

L’habitat est considéré comme menacé prioritaire selon l’Annexe I de la Directive 92/43, dite « Directive Habitats ». Sa forte production primaire en fait un support pour de riches populations d’invertébrés, elles-mêmes consommées par différents consommateurs de niveau supérieur : Poissons (Anguille, Bar, Daurade, Flet, Muges spp., Epinoche, Gambusie etc..), Oiseaux. De fait, l’intérêt ornithologique des lagunes – tant naturelles qu’aménagées – est exceptionnel : l’habitat est ainsi un site privilégié tout au long de l’année pour de nombreuses espèces d’oiseaux d’eau – Anatidés, Limicoles, Laridés surtout – qui utilisent les bassins pour accomplir différentes phases essentielles de leur cycle biologique comme la reproduction, l’alimentation ou le repos.

En raison des fortes contraintes écologiques, la flore des lagunes est très peu diversifiée : elle abrite néanmoins plusieurs phanérogames qui leur sont plus ou moins étroitement liées dont, notamment l’Althénie filiforme Althenia filiformis, Potamogétonacée méditerranéenne présente jusqu’aux années 1950 dans les marais salants de l’île de Ré et d’Oléron mais non revue depuis et peut-être disparue.

Menaces

Bien que située au sein d’un espace naturel protégé, l’unique lagune naturelle subsistant en Poitou-Charentes est exposée à diverses menaces naturelles dont la principale semble être l’érosion du trait de côte sous l’effet de divers aménagements périphériques et de l’élévation générale du niveau marin : la fragilisation du cordon séparant la lagune de la mer expose celle-là à des incursions d’eau salée de plus en plus fréquentes et à une modification des paramètres écologiques fondamentaux que sont la salinité ou la température.

Les menaces pesant sur les lagunes aménagées sont d’un tout autre ordre : utilisées depuis des siècles parfois pour des activités traditionnelles comme la saliculture, la pisciculture ou la conchyliculture, elles sont soumises selon les situations à des évolutions contrastées : l’abandon des pratiques d’exploitation et d’entretien qui permettaient une circulation régulière de l’eau entraine une ruine rapide du circuit hydraulique, suivie de crises dystrophiques dans les bassins (disparition de l’oxygène dissous dans l’eau) provoquant une mortalité massive et un appauvrissement rapide des communautés ; un assec de plus en plus prolongé peut également faire disparaitre la totalité des organismes aquatiques ; la menace inverse réside au contraire dans une modernisation des pratiques qui transforme des milieux originellement extensifs en unités d’exploitation intensive où les communautés s’appauvrissent au point de ne plus pouvoir être considérées comme « lagunaires » mais comme relevant d’un autre habitat : les milieux salés artificiels ou fortement anthropisés (89)

Statut régional

L’habitat n’est présent que sur la façade littorale de Charente-Maritime

17 :

lagunes naturelles : anse des Boucholeurs dans la baie d’Yves (RN du Marais d’Yves) ;

lagunes aménagées : tous les grands sites d’anciens marais salants, abandonnés ou reconvertis pour partie en marais conchylicoles : marais du pourtour du Fier d’Ars (île de Ré), marais de St Pierre, de Grand-Village (Oléron), marais de Seudre

 

Fleuves et rivières soumis à marée

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

Géographiquement parlant, un estuaire correspond à la partie aval d’une vallée fluviale subissant le jeu des marées et, sur le plan écologique, à la zone où les eaux salées poussées par le flot rencontrent les – et se mélangent aux – eaux douces en provenance du bassin versant. Cette définition générale ne saurait suffire toutefois à préciser les limites exactes de l’habitat et, de fait, en fonction de critères différents – administratifs, hydrologiques, commerciaux – l’estuaire peut comprendre des enveloppes très différentes :

  • la LTM (Limite Transversale de la Mer) sépare ainsi le DPM (Domaine Public Maritime) du DPF (Domaine Public Fluvial) ; elle oppose ainsi une partie salée de l’estuaire à une partie saumâtre à douce (elle sert par ex. de référence pour définir quelles sont les communes riveraines de la mer au sens de la Loi Littoral) ;
  • la LSE (la limite de salure des eaux), utilisée pour réglementer la chasse et la pêche, sert à définir les communes estuariennes rentrant dans le champ d’intervention du Conservatoire du Littoral ;
  • la limite du front de salinité définie par la zone où la salinité moyenne est égale ou supérieure à 1gr/l règlemente les installations d’ouvrages ayant une forte influence sur le milieu aquatique (loi sur l’Eau, 1992) ;
  • la limite de l’inscription maritime correspond au premier obstacle à la navigation maritime sur un fleuve (en amont, la navigation est fluviale, alors qu’elle est maritime en aval) ;
  • la limite des masses d’eau telles que définies par la Directive Cadre sur l’Eau (« eaux côtières », « eaux de transition » etc..) et qualifiées par les SDAGE (Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux).
    De plus, dans un estuaire, on distingue la marée saline qui correspond à l’extension maximale de l’eau marine et de son mélange avec l’eau douce et la marée dynamique qui correspond à la propagation de l’onde de marée dans la vallée fluviale jusqu’au point où le courant du fleuve vers l’aval n’est plus inversé par les marées.

    Quelle que soit la définition retenue pour l’habitat, l’estuaire apparaît comme un écosystème d’écotone subissant de fortes variations environnementales – salinité, débit, turbidité – selon des fréquences variées (quotidiennes, saisonnières) et qui influent fortement sur les communautés biologiques présentes. La rencontre de flots de directions opposées et de densités différentes entraîne le dépôt de fins sédiments qui forment des replats plus ou moins larges en fonction du profil des berges et de l’importance du marnage.
    La partie purement maritime des estuaires (celle sous l’influence de la marée saline) étant traitée dans une autre fiche (VASIERES ET ESTUAIRES), il ne sera question ici que de la partie amont des estuaires, celle située dans la zone d’influence de la marée dynamique.

    La façade littorale de la région Poitou-Charentes est concernée par 2 estuaires majeurs :

  • l’estuaire de la Gironde : long de 76km (en incluant la partie située en Aquitaine), mesurant jusqu’à 11km de large pour une superficie totale de 635km², c’est le plus grand estuaire français. De faible salinité dans la partie girondine de l’estuaire, les eaux deviennent mésohalines (salinité comprise entre 5-18gr/l) entre Vitrezay et les Monards, et polyhalines (salinité de 18-30gr/l) en aval des Monards, la LTM étant situé au niveau de la Pointe de Suzac ;
  • l’estuaire de la Charente : la limite de pénétration de la marée saline (donc de la partie maritime de l’estuaire) se situe entre Tonnay-Charente et Martrou selon la saison, alors que la marée dynamique se fait naturellement sentir jusqu’à 82km de l’embouchure (jusqu’en Charente) ; cette limite a été descendue vers l’aval à la suite de la mise en service du barrage de St Savinien en 1968 bien que, lors des périodes de vives eaux, le barrage soit ouvert pour éviter la submersion des zones en aval.

L’estuaire de la Seudre constitue le 3ème grand estuaire charentais : ses 25km en aval du barrage de Ribérou à Saujon, sont cependant soumis aux marées salées et appartiennent donc entièrement aux estuaires maritimes (fiche VASIERES ET ESTUAIRES).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

RUPPIETEA MARITIMAE J.Tüxen 1960

Végétation enracinée des eaux saumâtres eury- à polyhalines

  • Ruppion maritimae J.Tüxen 1960 : communautés filiformes, hivernales à vernales, souvent desséchées en été
  • Zannichellion pedicellatae Schaminée, B.Lanjouw & Schipper 1992 : communautés poldériennes et sublittorales des eaux oligohalines

POTAMETEA PECTINATI Klika & Novack 1941

Herbiers enracinés, vivaces, des eaux douces à subsaumâtres, mésotrophes à eutrophes, courantes à stagnantes

  • Potamion pectinati (Koch 1926) Libbert 1931 : communautés plus ou moins pionnières
  • Nymphaeion albae Oberdorfer 1957 : communautés complexes

BIDENTETEA TRIPARTITAE Tüxen, Lohmeyer & Preising 1950

Végétation pionnière annuelle et hygrophile des sols enrichis en azote

  • Bidention tripartitae Nordhagen 1940 : communautés des sols limoneux et argileux

COR 1991

  • 13.1 Fleuves et rivières soumis à marée
    • 13.11 Eau saumâtre des cours d’eau soumis à marée
    • 13.12 Eau douce des cours d’eau soumis à marée

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 3260 Rivières des étages planitiaire à montagnard
    • 3260-5 Rivières eutrophes (d’aval), neutre à basiques, dominées par des Renoncules et des Potamots
  • 3270 Rivières avec berges vaseuses
    • 3270-1 Bidention et Chenopodion rubri des rivières hors Loire

Confusions possibles

Le problème majeur vient de la distinction entre la partie maritime des estuaires (13.2) et l’habitat « Fleuves et rivières soumis à marée » (13.1). L’observation de la végétation riveraine constitue le moyen le plus pratique pour séparer les 2 secteurs : on reconnaîtra la partie maritime de l’estuaire à la présence sur les hautes slikkes et les schorres de végétations de prés salés (15.1, 15.2, 15.3, 15.6), la partie seulement saumâtre étant soulignée par la disparition d’espèces aussi significatives que l’Obione et l’Aster maritime et leur remplacement par divers types de roselières dont la plus spectaculaire est la phragmitaie saumâtre à Angélique des estuaires (de Rochefort à Taillebourg).

Espèces indicatrices

[plante2] eau : Ceratophyllum demersum, Myriophyllum spicatum, Potamogeton nodosus, Potamogeton pectinatus
berges : *Angelica heterocarpa, Apium graveolens, (Eleocharis bonariensis), *Oenanthe foucaudii, *Schoenoplectus triqueter
[plante1] eau : *Naias marina, Ruppia maritima, Sparganium emersum, Zanichellia pedicellata
berges : Althaea officinalis, Bidens tripartita, Bolboschoenus maritimus, Calystegia sepium, Leersia oryzoides, Lythrum salicaria, Phalaris arundinacea, Phragmites australis, Polygonum hydropiper, Polygonum lapathifolum, Polygonum mite, Ranunculus sceleratus
[oiseaux] Ardea cinerea, Egretta garzetta, Larus argentatus, L.fuscus, L. marinus, L. michahellis, L. ridibundus, Phalacrocorax carbo
[poissons] Acipenser sturio, Anguilla anguilla, Alosa alosa, Alosa fallax, Dicentrarchus labrax, Gastereosteus aculeatus, Lampetra fluviatilis, Liza ramada, Osmerus eperlanus, Petromyzon marinus, Platichthys flesus, Pomatoschistus minutus, Salmo salar, Salmo trutta, Solea vulgaris, Sprattus sprattus, Syngnathus rostellatus
[crustaces] Crangon crangon, Eriocheir sinensis (exotique), Palaemon longirostris
[mollusques] Assiminea grayana (espèce exotique)

Dynamique

Le déplacement du front de salinité par divers aménagements, la réduction de la remontée de l’onde de marée vers l’amont (construction de barrages) constituent les facteurs les plus perturbants pour l’habitat, de même que l’artificialisation des berges ou la pollution des eaux et des sédiments par les effluents en provenance du bassin versant.

Valeur biologique

Les estuaires constituent des lieux de haute productivité biologique : à l’origine de nombreuses chaînes alimentaires, ils constituent une zone d’alimentation et de reproduction cruciale pour de nombreuses espèces animales et végétales.

Au titre des premières, on retiendra surtout les poissons : la faune piscicole estuarienne, très variée, comprend à la fois des espèces autochtones comme la Gobie buhotte Potamoschistus minutus ou l’Epinoche Gastereosteus aculeatus, des espèces euryhalines (d’origine marine mais tolérant une légère dessalure) telles que la Sole, le Bar, l’Anchois (stades larvaires et juvéniles) et, surtout, des espèces amphihalines : il s’agit de poissons migrateurs qui effectuent une partie de leur cycle en eau douce et une autre en eau salée, le transit plus ou moins long par l’estuaire étant obligatoire. On oppose ainsi les poissons thalassotoques (qui se reproduisent en mer) tels l’Anguille et les poissons potamotoques (qui se reproduisent en eau douce), plus nombreux, tels que le Saumon atlantique, l’Alose feinte, la Grande Alose, la Lamproie marine, la Lamproie fluviatile et, bien sûr, l’Esturgeon d’Europe, le plus célèbre d’entre eux, malheureusement au bord de l’extinction (l’estuaire de la Gironde constitue la dernière population naturelle au monde de cette espèce).
Certaines des végétations latérales de l’estuaire – et sous la dépendance des facteurs écologiques de celui-ci – présentent également un intérêt considérable comme biotope exclusif d’espèces végétales endémiques : c’est le cas de l’Angélique des estuaires Angelica heterocarpa connue seulement des estuaires de la Loire, de la Charente, de la Gironde et de l’Adour, et de l’Oenanthe de Foucaud Oenanthe foucaudii, présent sur les estuaires de la Sèvre Niortaise, de la Charente et de la Gironde. Quant à la Glycérie de Foucaud Puccinellia foucaudii, elle est liée aux prés salés qui bordent la partie maritime de l’estuaire de la Charente.

Menaces

Situés à l’interface entre milieu marin et cours d’eau fluviaux, les estuaires sont des lieux hautement prisés par l’Homme depuis des millénaires et de nombreux aménagements y ont été réalisés au fil des siècles : urbanisation sub-littorale, installations portuaires, endiguements… La navigation, marchande, halieutique ou touristique, parfois importante, peut avoir des effets directs (érosion des berges, pollution) ou indirects (dragages de chenaux de navigation) non négligeables. En tant que réceptacles des pollutions situées en amont, les estuaires sont d’autre part très sensibles à la qualité de la gestion de leur bassin versant. Enfin, de nombreuses activités récréatives – pêche, chasse, tourisme – y sont pratiquées, dont certaines peuvent modifier la physionomie de zones particulières (installation de carrelets, creusement de mares cynégétiques…).

Statut régional

17 : estuaire de la Charente (en amont de Rochefort), estuaire de la Gironde

Roselière saumâtre estuarienne aux environs de Rochefort : l’important marnage entre les hautes et les basses mers de vives-eaux atteint plusieurs mètres

Deux Apiacées endémiques des estuaires franco-atlantiques

 

Vasières et estuaires

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

Cet habitat s’étend de l’étage médio-littoral (zone de balancement des marées) au supra-littoral, soit entre le niveau des pleines mers de vives-eaux et le niveau moyen des basses mers. Sa grande variabilité tient à la diversité des sédiments concernés, eux-mêmes dépendants du mode d’exposition (abrité ou battu), de l’amplitude des marées et du profil topographique : sables, vases, graviers, cailloutis, galets…La végétation supérieure est en général absente (sauf dans certains faciès à herbiers de la phanérogame marine Zostera noltii) et la typologie s’appuie plutôt sur la granulométrie du substrat et les populations d’invertébrés, très diversifiées.

7 habitats élémentaires sont reconnus sur la façade atlantique et tous sont présents sur la façade maritime du Poitou-Charentes :

  • les sables de haut de plage à Talitres : cet habitat englobe la partie supérieure des plages de sable fin, humectées par les embruns salés et remaniées régulièrement par le vent ; le dépôt de matières organiques par les marées hautes (et, de plus en plus, de macro-déchets non biodégradables : objets en plastique, filets, flotteurs..) est une caractéristique importante : ces déchets sont consommés et recyclés par diverses espèces de crustacés amphipodes dont les plus connus sont les Puces de mer ou Talitres ;
  • les estrans de sable fin : cet habitat correspond aux vastes étendues sableuses des plages à pente faible, subissant des alternances de submersion et d’émersion au gré des marées ; la saturation en eau varie selon le niveau et la résurgence d’eau douce transitant sous un cordon dunaire voisin peut faire baisser la salinité. Les populations d’invertébrés sont variées et dépendent principalement de l’hydrodynamisme : polychètes, amphipodes fouisseurs, mollusques bivalves tels que les Tellines (genres Tellina, Donax) ;
  • galets et cailloutis des hauts de plage à Orchestia  : cet habitat comprend les galets de hauts de plage, atteints seulement par les vagues des tempêtes hivernales, qui piègent les débris végétaux rejetés par le flot et peuvent ainsi conserver une forte humidité ; le peuplement d’invertébrés est dominé par des Puces de mer du genre Orchestia (crustacés amphipodes) ainsi que par quelques Gastéropodes (Ovatella, Truncatella) ;
  • sables dunaires : cet habitat concerne des accumulations de sable formées par les marées dans la zone intertidale ; ces sables mobiles qui forment des reliefs sur les plages de sable fin constituent un substrat mou où l’on s’enfonce aisément. Le peuplement d’invertébrés est dominé par des vers fouisseurs (notamment du genre Ophelia), accompagnés de quelques amphipodes et bivalves. Le Lançon (genre Ammodytes), un poisson qui vit enfoui dans le sable, est également fréquent dans cet habitat ;
  • estrans de sables grossiers et graviers : estrans composés de sédiments grossiers et de petits graviers entre les gros blocs sur les côtes rocheuses ; la stabilité de l’habitat permet l’installation de Mollusques bivalves tels que la Palourde ou Dosinia ; quelques grands Polychètes sont également présents ;
  • sédiments hétérogènes envasés : fonds hétérogènes de cailloutis et galets à base prise dans une matrice vaseuse, en bordure des côtes rocheuses ; de nombreux débris algaux sont piégés entre les blocs ; les peuplements faunistiques sont dominés par des espèces détritivores : Polychètes, Crustacés herbivores (amphipodes, Isopodes) ;
  • les slikkes d’estuaires : elles sont localisées à la partie aval d’une vallée fluviale soumise aux marées, à partir de la zone de remontée maximale de la « marée saline » et, donc, du début des eaux saumâtres ; le mélange de l’eau douce avec l’eau de mer provoque les dépôts de sédiments fins qui forment de larges étendues de replats boueux ou sableux ; la micro-faune est dominée par des communautés de Mollusques fouisseurs dont notamment, Macomia baltica et Scrobicularia plana accompagnés de Polychètes et de Crustacés amphipodes, numériquement très abondants.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

ZOSTERETEA MARINAE Pignatti 1954

Herbiers sous-marins phanérogamiques en complexe avec des Algues marines, immergés ou à émersion temporaire des eaux euhalines à polyhalines

Zosterion marinae Christiansen 1934 : communautés atlantiques et méditerranéennes

COR 1991

  • 14 Vasières et bancs de sable sans végétation
  • 13.2 Estuaires

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1130 Estuaires
    • 1130-1 Slikke en mer à marée
  • 1140 Replats boueux ou sableux exondés à marée basse
    • 1140-1 Sables hauts de plage à Talitres
    • 1140-2 Galets et cailloutis des hauts de plage à Orchestia
    • 1140-3 Estrans de sable fin
    • 1140-4 Sables dunaires
    • 1140-5 Estrans de sables grossiers et graviers
    • 1140-6 Sédiments hétérogènes envasés

Confusions possibles

L’originalité des habitats élémentaires décrits rend peu probable leur confusion. On veillera toutefois à bien séparer les galets et cailloutis des hauts de plage à Orchestia appartenant au supra-littoral et, en principe, jamais ou très rarement atteints par la mer et les sédiments hétérogènes envasés qui sont eux localisés à l’étage médio-littoral et subissent donc des submersions régulières.

Espèces indicatrices

[plante2] Zostera noltii
[oiseaux] Anas acuta, Anas clypeata, Anas crecca, Anas penelope, Anas platyrhynchos, Arenaria interpres, Branta bernicla, Calidris alba, Calidris alpina, Calidris canutus, Calidris maritima, Calidris minuta, Charadrius alexandrinus, Charadrius hiaticula, Haematopus ostralegus, Limosa lapponica, Limosa limosa, Numenius arquata, Pluvialis squatarola, Recurvirostra avosetta, Tadorna tadorna, Tringa nebularia, Tringa totanus, Vanellus vanellus
[poissons] Ammodytes tobianus, Psetta maxima
[coleopteres] Bledius spp.
[mollusques] Abra tenuis, Akera bullata, Bittium reticulatum, Cerastoderma edule, Cerastoderma lamarkii, Donax trunculus, Donax vittatus, Dosinia exoleta, Hydrobia spp., Littorina littorea, Macoma baltica, Mesodesma corneum, Mya arenaria, Ovatella bidentata, Paphia aurea, Scrobicularia plana, Spisula spisula, Tapes decussatus, Tellina fibula, Tellina tenuis, Truncatella subcylindrica, Venerupis pullastra
[crustaces] Crustacés amphipodes : Bathyporeia sp., Corophium arenarium, Corophium volutator, Gammarus spp, .Haustorius arenarius, Orchestia gammarella, Pontocrates ssp., Talitrus saltator, Talorchestia brito, Talorchestia deshayesi, Urothoe sp.
Crustacés isopodes : Cyathura carinata, Eurydice pulchra, Sphaeroma spp., Tylos europaeus
Crustacés décapodes : Carcinus maenas, Thia scutellata
Polychètes Arenicola marina, Cirratulus cirratus, Cirriformia tentaculata, Hediste diversicolor, Manayunkia aestuarina, Marphysa sanguinea, Nephtys cirrosa, Nerine bonnieri, Nerine cirratulus, Ophelia ssp., Perinereis cultrifera, Scoloplos armiger, Spio martinensis

Dynamique

Cet habitat est assez stable car les espèces qui le structurent sont adaptées à de fortes variations écologiques. Toutefois, l’envasement des fonds et la détérioration de la qualité des eaux estuariennes (surcharge en matière organique, pollutions diverses, artificialisation des berges) ont fortement modifié sa dynamique naturelle au cours des dernières décennies.

Valeur biologique

Au niveau générique, l’habitat est considéré comme menacé en Europe (inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats). Parmi les 7 habitats élémentaires décrits, 2 présentent une forte valeur biologique et écologique : les estrans de sables fin (grande diversité et populations abondantes d’Invertébrés, point de départ d’une chaîne alimentaire menant aux Vertébrés tels que les Poissons et les Oiseaux) et les sables dunaires (faible diversité mais habitat très original).
En dehors de sa production primaire très importante participant à la productivité globale des écosystèmes littoraux, l’habitat est d’une importance cruciale pour les oiseaux migrateurs et hivernants et, particulièrement, pour les Limicoles, certains Anatidés et grands échassiers, dont le régime alimentaire se concentre sur les mollusques, les annélidés et les crustacés, chaque espèce d’oiseau ciblant des proies de tailles et d’accessibilité différentes en fonction de la longueur de son bec et des besoins de son métabolisme. Les bécasseaux (genre Calidris), dont plus de 120 000 individus hivernent sur les diverses vasières tidales de Charente-Maritime, les gravelots (Charadrius), les pluviers (Pluvialis), les barges (Limosa), les chevaliers (Tringa) forment ainsi une part importante des quelque 350 000 oiseaux d’eau qui s’alimentent sur les vasières littorales de Charente-Maritime durant les 6 mois d’hiver : la Baie de l’aiguillon avec 98 000 oiseaux est le 1er site régional, devant la Réserve Naturelle des Marais de Moëze (86 000) et l’île de Ré (42 000), tous ces sites ayant été décrits comme Zones d’Intérêt Communautaire pour les Oiseaux (ZICO) au titre de la Directive Oiseaux (Bruxelles 1979) et, plus récemment, comme Zones de Protection Spéciale (ZPS) au titre de la Directive CEE 92/43 dite « Directive habitats ».

Menaces

Les menaces pesant sur l’habitat dans son ensemble concernent notamment l’eutrophisation provoquée par les apports croissants de matières organiques en provenance du bassin versant, les marées noires et les dépôts de macro-déchets non biodégradables.
Les habitats élémentaires peuvent être touchés par des menaces plus spécifiques : nettoyage mécanique des hauts de plages après les dernières tempêtes de printemps pour les rendre « propres » et « accueillantes » au tourisme balnéaire, circulation d’engins lourds professionnels ou récréatifs sur des substrats fragiles, pêche à pied surexploitant les estrans lors des grandes marées et bouleversant le milieu (retournement des cailloux et blocs, labourage des fonds à l’aide d’engins manuels pour extraire les palourdes, les vers servant d’appâts…), dérangements occasionnés à l’avifaune par le développement de nouveaux loisirs (char à voile), anthropisation et artificialisation des berges d’estuaires etc..

Statut régional

L’habitat générique est répandu sur la façade littorale de Charente-Maritime mais la répartition précise des habitats élémentaires demande à être précisée :

17 : baie de l’Aiguillon, baie du Fier d’Ars (île de Ré), côte est de l’île d’Oléron, baie de Moëze, baie de Bonne-Anse, presqu’île d’Arvert, plages de la côte ouest de l’île d’Oléron, estuaires de la Charente, de la Seudre, de la Gironde

 

Dépressions humides arrière-dunaires

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

L’habitat générique regroupe l’ensemble des végétations des dépressions humides arrière dunaire. Le substrat sableux, meuble, très filtrant permet l’émergence de la nappe phréatique superficielle en période hivernale. Les eaux plus ou moins oligotrophes à mésotrophes sont souvent légèrement chlorurées. Le battement de la nappe étant souvent important, il en résulte un assèchement estival de la dépression. Seules les rares secteurs les plus bas ou ceux qui ont été artificiellement creusées restent en eau durant la saison sèche (mares aménagées par les chasseurs pour l’abreuvement du gibier par ex.). L’habitat se décline en 5 habitats élémentaires :

  • les fourrés à Saule des sables Salix arenaria (COR 16.26) occupent certaines dépressions arrière dunaires dont la nappe phréatique, alimentée par les pluies hivernales, inonde le fond de manière plus ou moins prolongée en hiver et au printemps. L’habitat forme une brousse basse de 1 à 1.5m de hauteur, souvent très dense, que n’arrivent à pénétrer que quelques rares espèces de bas-marais ainsi que, typiquement, la liane thermophile Rubia peregrina ;
  • les mares (COR 16.31) correspondent aux dépressions inondées de manière quasi permanente (un court assec estival reste possible) par des eaux oligotrophes, douces à saumâtres connaissant de fortes variations saisonnières de niveau. Elles hébergent une végétation aquatique se développant sous forme d’herbiers enracinés plus ou moins denses, pauvres en espèces, où les Characées et certains potamots halo-tolérants forment l’essentiel de la biomasse ;
  • les bas marais dunaires (COR 16.33) se présentent comme des jonçaies physionomiques ou des jonçaies-cariçaies où le Choin Schoenus nigricans forme parfois faciès et où l’Ecuelle d’eau Hydrocotyle vulgaris et, surtout, le Scirpe choin Holoschoenus romanus, sont rarement absents. En raison de la nature généralement basique du substrat (calcaires coquilliers), la flore présente de fortes affinités avec celles des bas-marais alcalins non littoraux (plusieurs orchidées rares, notamment, leur sont communes). La variabilité régionale de cet habitat élémentaire est remarquable (3 associations végétales connues) et son originalité floristique exceptionnelle (nombreuses plantes rares/ou protégées) ;
  • les prairies humides dunaires (COR 16.34) correspondent à des prairies basses, inondables temporairement lors des remontées de la nappe mais en général exondées, dominées par des Poacées (Agrostis, Cynodon) et diverses dicotylédones comme l’Oenanthe de Lachenal Oenanthe lachenalii, la Germandrée des marais Teucrium scordioides ou le Trèfle faux-fraisier Trifolium fragiferum ;
  • les roselières et cariçaies dunaires (COR 16.35) bordent les plans d’eau arrière-dunaires doux à saumâtres, à niveau variable. Elles forment en général des peuplements pauci- à monospécifiques dominés tantôt par le Phragmite, tantôt par le Scirpe maritime Bolboschoenus maritimus, plus rarement par de grands Carex ou par le Marisque Cladium mariscus.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Salicion arenariae Tüxen ex Passarge in Scamoni 1963 : fourrés à Saule des sables

Charion canescentis Krausch 1964 et Potamion pectinati (Koch 1926) Libbert 1931 : mares douces à saumâtres dunaires

Hydrocotylo vulgaris-Schoenion nigricantis de Foucault 1984 : bas-marais dunaires

Molinio arundinaceae-Holoschoenion vulgaris Br.-Bl. ex Tchou 1948 : prairies humides dunaires

Scirpion compacti Dahl & Hadac 1941 cor. Rivas-Martinez 1980 : roselières et cariçaies dunaires

COR 1991

16.26 Formations à Salix arenaria des dépressions dunaires
16.31 Mares des lèdes dunaires
16.32 Pelouses pionnières des lèdes
16.33 Bas-marais des lèdes
16.34 Prairies des lèdes
16.35 Roselières et cariçaies des lèdes

Directive Habitats 1992

  • 2170 Dunes à Salix repens ssp.argentea
  • 2190 Dépressions humides intradunales
    • 2190-1 Mares dunaires
    • 2190-3 Bas-marais dunaires
    • 190-4 Prairies humides dunaires
    • 2190-5 Roselières et cariçaies dunaires

Confusions possibles

La situation et l’écologie qui conditionnent l’habitat générique ne laissent la place à aucune confusion possible. En revanche, la distinction sur le terrain entre les prairies et les bas-marais requiert parfois une approche phytosociologique fine.

Dynamique

Ces habitats sont très étroitement liés au fonctionnement hydraulique général : périodicité et amplitude des fluctuations de la nappe phréatique, nature physico-chimique des eaux. La ségrégation des différents habitats élémentaires s’opérant sur un fin gradient d’hydromorphie, des modifications mêmes mineures de celle-ci (suite d’hivers et de printemps secs, par exemple) suffisent à précipiter un habitat vers un autre : l’enfoncement durable du plafond de la nappe provoque ainsi une perte de typicité du faciès de bas-marais et son introgression par diverses plantes banales, voire son boisement par des ligneux nomades (saules, ronces, frênes).

Espèces indicatrices

[plante2] *Blackstonia imperfoliata, Calamagrostis epigeios, *Carex serotina, *Carex trinervis, Centaurium erythraea, Centaurium pulchellum, *Dactylorhiza incarnata, *Epipactis palustris , Holoschoenus romanus, Hydrocotyle vulgaris, *Juncus anceps, Juncus maritimus, Juncus subnodulosus, *Liparis loeselii, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Ophioglossum vulgatum, *Orchis coriophora ssp.fragrans, *Orchis palustris, *Salix arenaria, Samolus valerandi, *Spiranthes aestivalis, Sonchus maritimus, Schoenus nigricans, *Teucrium scordium ssp.scordioides, *Trifolium lappaceum
[plante1] Anagallis tenella, Apium inundatum, Baldellia ranunculoides, Blackstonia perfoliata, Bolboschoneus maritimus, *Callitriche truncata, Carex flacca, *Juncus striatus, Oenanthe lachenalii, Phragmites australis, *Potamogeton coloratus, P.pectinatus
[amphibiens] Hyla meridionalis, Pelobates cultripes
[oiseaux] Acrocephalus arundinaceus, Acrocephalus scirpaceus, Cettia cetti, Ixobrychus minutus

Valeur biologique

Certains faciès de l’habitat possèdent une valeur biologique exceptionnelle dans le contexte du Poitou-Charentes : c’est le cas du bas-marais qui abrite une flore très originale, comprenant plusieurs espèces ayant virtuellement disparu des tourbières alcalines régionales ou, tout simplement, pratiquement inconnues ailleurs du territoire régional. Les orchidées sont particulièrement bien représentées avec 6 espèces, toutes plus ou moins rares et/ou bénéficiant d’un statut de protection régional ou national. Certaines Gentianacées (genres Blackstonia et Centaurium) y sont très diversifiées, de même les Joncacées (le Jonc à feuilles tranchantes Juncus anceps est strictement lié à cet habitat en PC). Les dépressions arrière-dunaires constituent aussi un habitat important pour plusieurs espèces animales rares : amphibiens tels que le Pélobate Pelobates cultripes et oiseaux (genre Acrocephalus, Blongios nain Ixobrychus minutus).

Menaces

Ces habitats déjà fort peu répandus sur le littoral charentais maritime ont subi des atteintes irréversibles du fait de remblaiements, de décharges, d’aménagements touristiques ou urbanistiques. En effet, situés en arrière de la dune grise, à l’abri des atteintes directes de la mer et des embruns, ils ont souvent été les premiers touchés par les aménagements. La sensibilité de l’habitat aux variations de la nappe phréatique le rend par ailleurs très dépendant des pompages agricoles et prélèvements divers effectués à proximité immédiate des cordons dunaires. L’invasion par des xénophytes (Séneçon en arbre) est une cause identifiée de l’extinction d’un des sites majeurs de cet habitat en arrière de la baie de Bonne Anse quelques années seulement après la réalisation de la station de la Palmyre.
Des causes plus accidentelles telles que le ras de marée qui a accompagné l’ouragan « Martin » de décembre 1999 sont susceptibles également de perturber durablement l’habitat (salinisation de la nappe, apport de vases et matières organiques dans des systèmes naturellement oligotrophes etc..).

Statut régional

Habitat présent uniquement sur le littoral de Charente-Maritime et des îles où il est partout très menacé. Toutes les sites de quelque importance ont été intégrés dans les inventaires ZNIEFF et NATURA 2000.

Sites remarquables et/ou représentatifs

17 : Réserve Naturelle des Marais d’Yves, Aytré, arrière-dune de la forêt de Saint-Trojan et des Saumonards sur Oléron

 

Dunes

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Il y a là toute une série d’habitats présentant un ensemble de caractéristiques communes. Ce sont des habitats littoraux, sur substrat meuble de sables coquilliers de formation récente (quelques milliers d’années pour les plus anciens), modelés par le vent et plus ou moins stabilisés.
Plusieurs facteurs permettent cependant de les différencier. L’influence de la mer, des apports de sel et du vent, diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la plage en même temps que la stabilité du substrat augmente. On peut passer ainsi rapidement de conditions d’aridité extrême à des milieux franchement hydromorphes.
Les types de végétations qui se succèdent selon des bandes plus ou moins parallèles au rivage vont des annuelles pionnières (haut de plage) aux boisements plus ou moins âgés (arrière-dune boisée, objet d’une fiche spécifique : « Forêts de Pin maritime »), en passant par des milieux où dominent les cryptogames, lichens et mousses. Il en résulte des adaptations spécifiques causes d’une endémicité relativement importante. L’influence de l’homme sur ces habitats pour avoir été assez tardive n’en est pas moins grandissante depuis plus d’un siècle.
Immédiatement au contact supérieur des laisses de haute mer apparaît un habitat linéaire assez instable et par conséquent plus ou moins développé au sein duquel dominent des populations parfois denses de Chiendent à feuilles de jonc Elymus farctus, c’est la dune embryonnaire. Localement, le Pourpier de mer Honckenia peploides peut être abondant. L’apparition de l’Oyat des sables Ammophila arenaria, celle de l’Euphorbe des dunes Euphorbia paralias et celle du Panicaut des dunes Eryngium maritimum permettent de définir la dune blanche. Ces deux premiers habitats sont regroupés sous l’appellation générique de « dunes mobiles » (COR 16.21).
L’halonitrophilie y est très variable, le recouvrement au sol toujours faible de l’ordre de 20 à 30%, la végétation dominée par des espèces vivaces, géophytes à rhizomes et hémicryptophytes. Les adaptations assurent une grande résistance au vent et à la forte mobilité du substrat en même temps qu’à l’aridité résultant de l’extrême perméabilité de la dune. On observe ainsi le très grand développement d’un double système racinaire (horizontal et vertical). Plusieurs espèces patrimoniales trouvent ici leur développement optimum, la Linaire à feuilles de thym, Linaria thymifolia, la Silène de Thore, Silene thorei ainsi que l’Armoise de Lloyd, Artemisia Lloydii ou encore l’Œillet de France, Dianthus gallicus.
À l’arrière, apparaissent des végétations pelousaires pérennes à mousses et lichens ou à dominante de phanérogames annuelles et vivaces selon les synusies saisonnières. L’ensemble prend un aspect qui lui a fait donner le nom générique de « dune grise ou dune fixée » (COR 16.22). Sur le littoral de la Charente Maritime on y distingue deux habitats, tous les deux considérés comme prioritaires par la Directive européenne des Habitats : les dunes grises des côtes atlantiques et les pelouses annuelles arrière dunaires. Les végétaux appartiennent à une seule strate basse au sein de laquelle dominent les chaméphytes associés à diverses herbacées. La présence des mousses et des lichens formant un tapis dense est susceptible d’entraîner un recouvrement important (jusqu’à 100%). Si la quantité d’eau disponible peut être suffisante durant les mois humides assurant par-là même le développement de nombreuses plantes annuelles qui germent avant l’hiver, fleurissent et fructifient au printemps suivant, l’aridité est extrême durant les mois d’été. Les lichens du genre Cladonia réduisent leur métabolisme,les graminées (Koeleria, Corynephorus…) cherchent à recueillir la moindre humidité en enroulant leurs feuilles en forme de gouttière, d’autres espèces comme l’Immortelle des sables Helichrysum stoechas limitent leur évapotranspiration foliaire, d’autres enfin (Sedum) ont accumulé lors de la saison des pluies l’eau dont elles ont besoin. Une espèce patrimoniale trouve ici son développement optimum, le Cynoglosse des dunes, Omphalodes littoralis.
À la lisière de la dune boisée, il est possible parfois d’observer une végétation arbustive moyenne à haute, formant une broussaille impénétrable ou un fourré dense au sein duquel deux espèces sont dominantes : le Troëne Ligustrum vulgare et le garou ou sain bois Daphne gnidium, il s’agit d’un habitat équivalent aux broussailles à Argousier (Hippophae rhamnoides) et Troëne des côtes de la Manche et de la mer du nord, ici dans une variante thermophile. Ces dunes avec fourrés et bosquets (COR 16.25) se rencontrent sur l’ile d’Oléron, ailleurs cet habitat est très fragmentaire.

Phytosociologie et correspondance typologiques

PVF 2004
Euphorbio paraliae-Ammophiletea australis Gehu & Géhu-Franck 1988 : dunes mobiles
Ammophiletalia australis Br.Bl.
Ammophilion arenariae Géhu 1988
EUPHORBIO PARALIAE-AGROPYRETUM JUNCEI
EUPHORBIO PARALIAE-AMMOPHILETUM ARENARIAE
SILENO THOREI-AMMOPHILETUM ARENARIAE
FESTUCO DUMETORUM-GALIETUM ARENARII
Koelerio glaucae-Corynephoretea canescentis Klika & Novak 1941 : dunes fixées
Artemisio lloydii-Koelerietalia albescentis Sissingh 1974
Euphorbio portlandicae-Helichrysion staechadis Géhu & Tüxen ex Sissingh 1974
ARTEMISIO LLOYDII-HELICHRYSETUM STAECHADIS
Thero-Airion Tüxen ex Oberdorfer 1957
Crataego monogynae-Prunetea spinosae Tüxen 1962
DAPHNO GNIDII-LIGUSTRETUM VULGARIS

COR 1991

16.21 Dunes mobiles
16.22 Dunes fixées
16.25 Dunes avec, fourrés, bosquets

Directive Habitats 1992

2110 Dunes mobiles embryonnaires
2120 Dunes mobiles du cordon littoral à Ammophila arenaria (dunes blanches)
2130 Dunes côtières fixées à végétation herbacée (dunes grises)
2130-2 Dunes grises des côtes atlantiques
2130-5 Pelouses rases annuelles arrière-dunaires

Confusions possibles

Excepté dans les secteurs fortement dégradés ou à évolution rapide, les systèmes dunaires sont assez facilement identifiables, néanmoins il est parfois difficile de fixer précisément les limites des habitats entre eux. Les cordons dunaires fossiles en situation côtière interne (=non strictement littoraux) peuvent parfois poser problème car le modelé est en général très atténué et la végétation de type prairial mésophile se trouve en continuité aves les systèmes prairiaux alentour.
Par ailleurs, au niveau de la dune fixée peuvent exister des risques de confusion des dunes grises des côtes atlantiques avec celles de la Mer du Nord et de la Manche qui appartiennent à d’autres groupements.

Dynamique

Les milieux dunaires sont soumis à une dynamique naturelle parfois très intense entraînant ici une sédimentation, ailleurs une érosion. De fait cette intensité varie beaucoup d’un secteur à l’autre et peut varier également au cours du temps, d’autant que l’homme cherche souvent à intervenir essentiellement dans la recherche d’une stabilisation de la dynamique sédimentaire (gestionnaire : l’ONF).

Espèces indicatrices

[plante2] Aetheorhiza bulbosa, Ammophila arenaria, Arenaria serpyllifolia ssp.macrocarpa, Artemisia campestris ssp.maritima var.lloydii, *Asparagus officinalis ssp. prostratus,*Avellinia michelii, Calystegia soldanella, Carex arenaria, Centaurea aspera, Clematis flammula, Corynephorus canescens, *Crepis suffreniana, *Dianthus gallicus, Elymus farctus, Ephedra distachya, Erodium lebelii, Eryngium maritimum, Euphorbia paralias, Euphorbia portlandica, Festuca juncifolia, *Galium arenarium, *Galium neglectum, Helichrysum stoechas, Herniaria ciliolata, Honckenia peploides, Koeleria albescens, *Linaria arenaria, *Linaria thymifolia, Matthiola sinuata, *Medicago marina, *Omphalodes littoralis, Ononis repens var.maritima, *Pancratium maritimum, Phleum arenarium, Senecio vulgaris fo.littoralis, *Silene vulgaris ssp. thorei, Viola kitaibeliana
[plante1] Aira praecox, Arenaria leptoclados, *Asterolinon linum-stellatum, Bupleurum baldense, *Carex liparocarpos, Cerastium diffusum, Cerastium semidecandrum, Desmazeria marina, Erodium cicutarium ssp.dunense, Lagurus ovatus, Leontodon taraxacoides, Mibora minima, Sedum acre, Stellaria pallida, Tuberaria guttata, Vulpia fasciculata, V.membranacea, *V.ciliata ssp ambigua
[briophytes] Rhynchostegium megapolitanum, Tortella flavovirens, Tortula ruraliformis
[lichens] Cladonia ciliata, Cladonia chlorophaea, Cladonia fimbriata, Cladonia foliacea subsp convoluta, Cladonia foliacea subsp foliacea, Cladonia furcata, Cladonia mediterranea, Cladonia portentosa, Cladonia rangiformis, Cladonia squamosa, Collema tenax, Leptogium corniculatum, Leptogium gelatinosum, Leptogium lichenoides, Peltigera canina, Peltigera rufescens
[champignons] Agaricus devoniensis, A. menieri, Geopora arenosa, Gyrophragmium dunalii, Gyroporus ammophilus, Inocybe psammophila, L. littoralis, Leucoagaricus idae-fragum, Morchella spongiola dunensis, Omphalina barbularum, Psathyrella ammophila, Stropharia halophila
[amphibiens] Pelobates cultripes
[reptiles] Lacerta lepida
[oiseaux] Anthus campestris, Charadrius alexandrinus
[coleopteres] Ammophila hirsuta, Ammophila sabulosa, Harpalus melancholicus, Pelor inflatus, Phylan gibbus, Polyphylla fulo, Tentyria curculionides, Xanthomus pallidus
[arachnides] Arctosa perita
[mollusques] Cochlicella acuta, Cochlicella barbara, Theba pisana
[orthopteres] Calephorus compressicornis, Dociostaurus jagoi, Platycleis affini, Sphingonotus caerulescens

Valeur biologique

L’ensemble de ces habitats possède un intérêt patrimonial majeur lié à la présence de nombreuses espèces végétales protégées au niveau national et régional, ou inscrites au Livre Rouge de la Flore Menacée de France : Œillet de France Dianthus gallicus, Cynoglosse des dunes Omphalodes littoralis (inscrit à l’Annexe II de la Directive Habitats), Lis des sables Pancratium maritimum, Linaire à feuilles de thym Linaria thymifolia, parmi d’autres.

Menaces

La surfréquentation estivale avec ses corollaires – piétinement de la dune, prélèvements et rudéralisation du milieu – constitue sans doute actuellement la principale menace ; il faut y ajouter la pratique de sports mécaniques (moto verte, quad, 4×4 …), celle du VTT ou des randonnées pédestre ou équestre, toutes en plein développement et dont la première au moins se déroule en totale infraction avec la loi. Des aménagements lourds : infrastructures routières, parkings, urbanisation peuvent être responsables de la disparition définitive du milieu.

Statut régional

Cet habitat strictement limité au littoral de la Charente Maritime a été intégré dans sa majorité aux inventaires ZNIEFF et Natura 2000.

Sites remarquables ou représentatifs

17 : baie de Bonne Anse, dunes de la forêt de la Coubre, côtes ouest et est de l’île d’Oléron, côte ouest de l’île de Ré

 

Végétation annuelle des laisses de mer

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Il s’agit d’habitats linéaires, ponctuels et discontinus, situés en haut de plage sur substrat de sables ou de galets et sur la partie sommitale de l’estran sur substrat vaseux. D’une manière générale ils se situent immédiatement au-dessus des HMVE (hautes mers de vive eau). Ils apparaissent de plus en plus fréquemment sous l’aspect de structures fragmentaires et en régression, ce qu’il faut mettre en relation avec un recul quasi général du trait de côte en même temps qu’à des interventions humaines.
Le dépôt des laisses de mer riches en matière organiques azotées détermine l’existence d’une végétation halonitrophile. L’existence de ces habitats est donc liée à des conditions stationnelles que l’on rencontre sur la plus grande partie du linéaire côtier ; la nature du substrat permet par contre de caractériser deux grands types d’habitats élémentaires :

  • les laisses de mer sur substrat sableux à vaseux : la végétation est constituée d’annuelles et de bisannuelles halonitrophiles. Il s’agit de thérophytes au comportement pionnier assurant un recouvrement limité du substrat (inférieur à 20%) dont le développement optimal est atteint en été pour disparaître en hiver. Plusieurs espèces sont crassulescentes (Roquette de mer, soudes…).
    On observe une variabilité d’ordre écologique ; sur sable, les espèces dominantes sont le Cakilier maritime Cakile maritima, l’Arroche des sables Atriplex laciniata, la Bette maritime Beta maritima alors que sur les milieux vaseux dominent avec la Bette maritime, l’Arroche hastée Atriplex hastata et les soudes Salsola kali, Salsola soda, Suaeda maritima.
    Les algues en décomposition maintiennent une humidité permanente abritant une masse de crustacés amphipodes du genre Talitrus. Ces puces de mer en se nourrissant des algues en décomposition assurent le recyclage de la matière organique. Les talitres, sauteurs, très actifs la nuit, fuient la marée montante et accompagnent la laisse de mer. D’autres Amphipodes, un cloporte Tylos europaeus, la Forficule des sables Labidura riparia, accompagnent les talitres. À noter également la présence de larves de Diptères (Cercyon littoralis, Fucellia maritima, Fucellia tergina dont les adultes (mouches) sont souvent le prétexte de demandes d’intervention de la part des vacanciers pour l’enlèvement des laisses.
  • les laisses de mer sur cordon de galets : la végétation basse herbacée à faible recouvrement est constituée de thérophytes au comportement pionnier ; parmi les espèces dominantes, on note l’Arroche hastée et la Bette maritime. Ici encore la faune associée est constituée essentiellement de Crustacés détritivores. Ces organismes sont largement exploités à marée haute par de nombreuses espèces d’oiseaux (chevaliers, bécasseaux…).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004
Cakiletea maritimae Tüxen & Preising ex Br.-Bl. & Tüxen 1952
Cakiletalia integrifolia Tüxen ex Oberdorfer 1950 corr. Rivas-Martinez,Costa & Loidi 1992 : communautés européo-atlantiques
Atriplicion littoralis Nordhagen 1940
BETO MARITIMAE-ATRIPLICETUM LITTORALIS
ATRIPLICI HASTATAE-BETETUM MARITIMAE
Atriplici laciniatae-Salsolion kali Nordhagen 1940
BETO MARITIMAE-ATRIPLICETUM LACINIATAE

Euphorbietalia peplis Tûxen 1950 : communautés méditerranéennes et thermo-atlantiques
Euphorbion peplis Tüxen 1950
MATRICARIO MARITIMAE-EUPHORBIETUM PEPLIS

COR 1991
15.36 Laisses de mer des prés salés atlantiques
16.12 Groupements annuels des plages de sable
17.2 Plages de galets avec végétation sur laisses de mer

Directive Habitats 1992
1210 Végétation annuelle des laisses de mer

  • CH Laisses de mer sur substrat sableux à vaseux des côtes Manche-Atlantique et mer du Nord
  • CH Laisses de mer sur cordons de galets et de graviers des côtes Manche-Atlantique et mer du Nord

Confusions possibles

Ces habitats pionniers temporaires ne peuvent prêter à confusion avec aucun autre habitat sauf contacts supérieurs avec la dune embryonnaire. Dans ces cas, le Chiendent à feuilles de jonc devient l’espèce dominante, le micro-relief est plus marqué et l’habitat persiste même durant la mauvaise saison (habitat structuré par des hémicryptophytes vivaces et non des thérophytes).

Dynamique

Il s’agit d’un habitat éphémère présent de la fin du printemps jusqu’au début de l’hiver. La mobilité du substrat le prive de toute dynamique interne propre. Dans les secteurs de côte sableuse en accrétion, il précède et prépare l’apparition du cordon dunaire embryonnaire à Chiendent à feuilles de jonc. En hauts de prés salés, il peut être colonisé par la prairie glauque à Chiendent piquant.

Espèces indicatrices

[plante2] Atriplex hastata, Atriplex laciniata, Atriplex littoralis, Cakile maritima, Beta maritima, *Euphorbia peplis, Glaucium flavum, Honckenya peploides, Salsola soda, Salsola kali, Suaeda maritima
[plante1] Elymus farctus, Elytrigia atherica, Matricaria inodora ssp.maritima
[oiseaux] Anthus petrosus, Arenaria interpres, Calidris alba, Charadrius hiaticula
[coleopteres] Callicnemis latreilli, Eugrapha trisygnata, Eurynebria complanata, Labidura riparia, Phaleria cadaverina, Psylliodes marcida
[lepidopteres] Agrotis ripae
[crustaces] Talitrus saltator, Tylos europaeus, Tylos latreilli

Valeur biologique

Ces habitats, zones de transition entre milieu aquatique et milieu terrestre, zone de recyclage du matériel organique en épaves, zone de gagnage pour de nombreux oiseaux du littoral, participent à l’équilibre dynamique des littoraux sédimentaires.
Une espèce végétale, considérée comme disparue de la quasi-totalité du littoral atlantique, alors qu’elle était donnée comme commune encore au début du XXéme siècle, vient d’être redécouverte sur le littoral de Charente-Maritime (Euphorbia peplis). Cette euphorbe est protégée au niveau national. Le perce-oreille (Labidura riparia) est en très forte régression sur l’ensemble du littoral. Les autres espèces végétales et animales ne présentent pas de caractère de rareté.
La forte productivité du milieu en fait une zone de nourrissage pour de nombreux oiseaux : Gravelots (Charadrius hiaticula, C. alexandrinus), Bécasseau variable (Calidris alpina), Pipit maritime (Anthus petrosus), Tournepierre à collier (Arenaria interpres)
Les transferts d’énergie de ces types d’habitats « d’interface » mériteraient des évaluations scientifiques approfondies.

Menaces

Ces hauts de plage sont fortement affectés par les rejets anthropiques et les dépôts de toutes natures : déchets des navires et des plaisanciers, hydrocarbures, matériel ostréicole ou mytilicole abandonné, engins de pêche…. l’ensemble étant désigné sous le terme de « macrodéchets ». Cette zone fait l’objet de nettoyages mécaniques totalement destructeurs pour les habitats, la cribleuse étant incapable de faire la part entre laisse de mer et macrodéchets. Le ramassage manuel est parfois réalisé par des brigades départementales qu’il serait nécessaire de former.
Ces habitats sont particulièrement sensibles aux marées noires.

Statut régional

Habitat strictement limité au littoral de la Charente Maritime où il est assez répandu mais partout ponctuel et en régression. Sa valeur patrimoniale est élevée.

Sites remarquables

17 : côtes abritées (est) des îles de Ré et d’Oléron ; anse des Boucholeurs, anse de Fouras

 

Fourrés des prés salés

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

En situations primaires, l’habitat existe sur les hauts schorres des fonds de baies dans la zone atteinte seulement par les hautes mers de vives eaux (coefficients de l’ordre de 90-100), sous la forme d’une frange plus ou moins large. En situations secondaires, dans les marais endigués, ses occurrences sont plus variables : linéaires le long des étiers ou en bordure de bassins salicoles ou conchylicoles récemment abandonnés ou encore exploités mais à gestion des rives peu intensive, voire peuplements spatiaux colonisant la totalité d’un ancien bassin lorsque l’hydraulique permet encore des arrivées occasionnelles d’eau marine. Le substrat est assez variable : généralement vaseux à sablo-vaseux, parfois enrichi en débris coquilliers (notamment dans les situations secondaires) ou en débris organiques grâce aux laisses de mer déposées par les grandes marées (situations primaires), il présente en général des périodes de dessication marquée en été.
Physionomiquement, il s’agit de fourrés bas à moyens (50cm à 150cm), dominés, selon les faciès, par l’une ou l’autre de 2 Chénopodiacées sous-frutescentes et crassulescentes :

  • la Salicorne ligneuse Sarcocornia fruticosa est un sous-arbrisseau méditerranéen-atlantique (limite nord en Bretagne), à nombreux rameaux dressés formant un buisson de couleur glauque caractéristique ;
  • la Soude arbrisseau Suaeda vera est un sous-arbrisseau de répartition également méditerranéenne-atlantique (mais qui remonte sporadiquement jusque sur le littoral de la Manche en Normandie), à nombreuses feuilles linéaires, subcylindriques et charnues.
    La stratification verticale est en général assez marquée, une strate herbacée ou ligneuse basse d’Agropyre piquant Elymus pycnanthus ou d’Obione Halimione portulacoides assurant la couverture du sol entre les arbustes.

    La phénologie, comme souvent pour les habitats de prés salés, est tardive, la floraison commençant en août et pouvant se prolonger jusqu’en octobre. La pollinisation est assurée par le vent (anémogamie) et la dispersion des semences par l’eau de mer (hydrochorie).

En Poitou-Charentes, l’habitat est représenté par 2 communautés végétales distinctes :

  • la communauté à Puccinellie maritime et Salicorne ligneuse (PUCCINELLIO MARITIMAE-SALICORNIETUM FRUTICOSAE), sur substrats sablo-vaseux du haut schorre ; plus halophile que nitrophile, elle succède dans le temps aux – ou se trouve en contact spatial supérieur avec les – nappes argentées d’Obione faux-pourpier qui couvrent de vastes surfaces sur les plateaux du moyen schorre ;
  • la communauté à Soude arbrisseau et Agropyre piquant (AGROPYRO PUNGENTIS-SUAEDETUM VERAE), à l’extrême limite supérieure du haut schorre, sur substrats très bien drainés (parfois sur sables purs), généralement enrichis en matière organique ; cette association, assez fortement nitrophile, marque en général la limite d’influence des marées et souligne d’un linéaire vert sombre la frontière entre les végétations de prés salés et les habitats plus continentaux. Elle est aussi très fréquente, à l’intérieur des digues, dans les marais ostréicoles ou salicoles, frangeant les bassins dont l’entretien est suffisamment extensif pour permettre le développement de la végétation ligneuse.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

SALICORNIETEA FRUTICOSAE Br. Bl. & Tüxen 1943

SALICORNIETALIA FRUTICOSAE Br. Bl. 1933

  • Halimionion portulacoidis Géhu 1976
    • PUCCINELLIO MARITIMAE-SALICORNIETUM FRUTICOSAE
    • AGROPYRO PUNGENTIS-SUAEDETUM VERAE

COR 1991

  • 15.623 Fourrés atlantiques d’arbrisseaux à Suaeda vera
  • 15.624 Fourrés atlantiques d’arbustes à Arthrocnemum

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1420 Fourrés halophiles méditerranéens et thermo-atlantiques
    • 1420-1 Fourrés halophiles thermo-atlantiques

Confusions possibles

Sa structure et ses espèces ligneuses dominantes permettent en général d’éviter toute confusion. Une variété couchée de Sarcocornia fruticosa ressemble toutefois beaucoup à Sarcocornia perennis : la position le long du gradient topographique du pré salé, les espèces compagnes et, le cas échéant, l’observation des graines (tuberculeuses chez S.fruticosa, pubescentes chez S.perennis) permettent en général de trancher sur l’identité de l’habitat.

Des situations intermédiaires, d’interprétation délicate, semblent exister entre la communauté à Soude arbrisseau et Agropyre piquant et la prairie glauque à Agropyre piquant (habitat 15.3) : la dominance de l’un ou l’autre des types biologiques – chaméphyte ligneux dans le premier, géophyte à rhizome dans le second – est alors un bon guide pour trancher, de même que la présence d’espèces compagnes différentielles.

Dynamique

La dynamique naturelle interne de l’habitat est très faible du fait des fortes contraintes écologiques ; les liens observés entre les différentes communautés du schorre sont donc plus de l’ordre du simple contact spatial que l’indice d’une possible dynamique.

Espèces indicatrices

[plante2] Elymus pycnanthus, Sarcocornia fruticosa, Suaeda vera
[plante1] Halimione portulacoides, Puccinellia maritima, Sarcocornia perennis
[oiseaux] Carduelis cannabina, Luscinia svecica namnetum
[orthopteres] Epacromius tergestinus

Valeur biologique

La communauté à Puccinellie maritime et Salicorne ligneuse est inscrite au Livre Rouge des Phytocénoses terrestres du littoral français (catégorie UICN : « Vulnérable ») et considérée comme « en régression par les aménagements de salines et de bassins ostréicoles ». L’habitat – dans son ensemble – est considéré comme menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats ».
Sur le plan botanique, aucune espèce de forte valeur patrimoniale n’est connue régionalement au sein de l’habitat.

Menaces

La communauté à Puccinellie maritime et Salicorne ligneuse nécessite pour son développement l’existence de longues séquences d’atterrissement de prés salés qui permettent la pleine expression du gradient décroissant de submersion par les eaux marines. De telles séquences sont devenues rares sur le littoral de Charente-Maritime où la partie supérieure des séries est généralement tronquée par l’existence de digues. La communauté se retrouve également dans les marais aménagés mais est alors souvent réduite à un mince linéaire le long de certains bassins et, en général, avec une composition floristique moins typique. Dans certains cas exceptionnels toutefois d’abandon de marais aménagés, ni trop récent ni trop ancien, le PUCCINELLIO-SALICORNIETUM FRUTICOSAE peut couvrir la totalité du fond de certains bassins : il s’agit cependant d’une situation éphémère, condamnée à évoluer en quelques décennies vers des habitats plus « continentalisés » avec la ruine du réseau hydraulique, la cessation des arrivées d’eau marine et l’influence des eaux de pluie collectées par le bassin.
La communauté à Soude arbrisseau et Agropyre piquant ne semble en revanche pas directement menacée : elle s’adapte bien aux modifications d’habitats et s’implante facilement dans les marais aménagés, à condition toutefois que l’entretien ne soit pas trop « sévère ».

Statut régional

Habitat présent potentiellement sur l’ensemble de la frange littorale de Charente-Maritime et de ses îles. La communauté primaire à Salicorne ligneuse n’existe toutefois que dans certains sites privilégiés, surtout insulaires, où les séquences ne sont pas tronquées par l’endiguement :

17 : baie de Bonne Anse, pointe sud de l’île d’Oléron, Fier d’Ars (île de Ré)

 

Prés salés méditerranéens et thermo-atlantiques

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

La prairie subhalophile thermo-atlantique se développe dans les grands marais arrière-littoraux de Charente-Maritime sur un sol argileux compact connu sous le nom local de « bri », à structure fondue en période de forte pluviométrie mais pouvant présenter de profondes fentes de retrait en période estivale. Ce sol, formé à partir d’anciennes alluvions fluvio-marines déposées au cours du Quaternaire récent (colmatage d’anciens schorres), présente des taux de salinité fossile variables selon l’âge de leur dépôt mais en général décroissants selon un gradient ouest/est. Malgré un macro-relief globalement plat (l’altitude moyenne est comprise entre + 2m et + 4m NGF) la micro-topographie est remarquablement variée et permet une importante variabilité de l’habitat :

  • marais « gâts » résultant de l’aménagement par l’Homme d’anciens schorres endigués pour la production de sel et présentant une succession de bassins (les « jas ») de forme et taille variables et de bosses (les « bossis ») formées par les remblais issus du creusement des bassins ; progressivement abandonnée au cours des XVIème et XVIIème siècles en raison du colmatage, la saliculture a laissé la place à un pâturage bovin plus ou moins extensif qui constitue encore aujourd’hui la vocation principale de ces marais gâts ;
  • marais plats, non aménagés par l’Homme, mais présentant encore souvent un micro-relief hérité des anciennes formes du schorre : légères dépressions ou « baisses » où l’eau forme une fiche couche en hiver et au printemps, puis qui s’exondent vers le mois de mai pour devenir très sèches en été, chenaux au cours irrégulier à travers les parcelles et correspondant aux anciens chenaux de drainage du schorre ; la fauche est parfois encore pratiquée dans ce faciès, souvent associée à un pâturage tardif (sur le regain).

    Le climat est de type thermo-atlantique avec un maximum pluviométrique en hiver et un net déficit hydrique entre juin et août.
    L’habitat se présente comme une prairie vivace haute et dense constituée d’hémicryptophytes et de géophytes – sauf au niveau de « taches salées » où les alternances d’engorgement et de dessication favorisent la remontée du sel à la surface du sol et ne permettent plus que le développement de tonsures rases à la composition floristique nettement différente de la périphérie ; les espèces dominantes appartiennent aux familles des Poacées, des Cypéracées (la Laîche divisée Carex divisa est une des espèces emblématiques de l’habitat) et des Fabacées (le genre Trifolium, avec près de 10 espèces, est exceptionnellement bien représenté) ; les Apiacées (3 espèces du genre Oenanthe) et les Renonculacées peuvent être aussi abondantes. La phénologie varie selon la position topographique mais, en conditions moyennes d’hydromorphie, le pic végétatif est atteint entre le 20 mai et le 10 juin.

La variabilité de l’habitat s’effectue surtout en fonction de l’hydromorphie et de l’halomorphie des sols, elles-mêmes étroitement dépendantes de la micro-topographie ; le type de gestion agricole (fauche/pâturage, intensité du piétinement) influe également sur la composition végétale :

  • en conditions moyennes – méso-hygrophiles – se développe la communauté à Trèfle maritime et Oenanthe à feuilles de silaus (TRIFOLIO SQUAMOSI-OENANTHETUM SILAIFOLIAE) pour les prairies fauchées et la communauté à Laîche divisée (CARICI DIVISAE-LOLIETUM PERENNIS) pour les parcelles pâturées ; les secteurs très piétinés abritent une communauté à Trèfle résupiné (PLANTAGINI MAJORIS-TRIFOLIETUM RESUPINATI) ;
  • en conditions plus hydromorphes (baisses, bordures de jas), on observe la communauté à Vulpin bulbeux (ALOPECURO BULBOSI-JUNCETUM GERARDII), voire celle à Renoncule à feuilles d’ophioglosse (RANUNCULO OPHIOGLOSSIFOLII-OENANTHETUM FISTULOSAE) remplacée, en cas de fort piétinement, par un groupement à Menthe pouillot (RANUNCULO OPHIOGLOSSIFOLII-MENTHETUM PULEGII).

Les tonsures se développant sur les taches salées au sein de l’habitat peuvent, selon les cas, être rattachées à une variante halophile de la prairie du 15.52, soit, lorsque le tapis végétal est constitué essentiellement de thérophytes (Parapholis, Hordeum, Spergula, Bupleurum) aux végétations pionnières annuelles du 15.1.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

AGROSTIETEA STOLONIFERAE Th.Müll. & Gors 1969

Alopecurion utriculati Zeidler 1954 : prairies méso-hygrophiles thermo-atlantiques

Potentillion anserinae Tüxen 1947 : prairies méso-hygrophiles piétinées, eutrophes

Oenanthion fistulosae de Foucault 1984 : prairies atlantiques longuement inondables

COR 1991

15.52 Prés salés à Juncus gerardii et Carex divisa

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1410 Prés salés méditerranéens
    • 1410-3 Prairies subhalophiles thermo-atlantiques

Confusions possibles

La localisation de l’habitat en situation propé-littorale permet en général d’éviter les confusions. Cependant, sur la bordure interne des marais arrière-littoraux, et vers l’amont des vallées fluviales, la prairie subhalophile thermo-atlantique cède progressivement la place à des prairies humides eutrophes, de nature variable, mais relevant en général de l’habitat 37.2 : communauté à Pulicaire dysentérique et Jonc glauque (PULICARIO-JUNCETUM INFLEXI), communauté à Séneçon aquatique et Oenanthe à feuilles de silaus (SENECIONI-OENANTHETUM SILAIFOLIAE), communauté à Gratiole officinale et Oenanthe fistuleuse (GRATIOLO OFFICINALIS-OENANTHETUM FISTULOSAE) etc..Le lessivage du sel dans le bri ancien, voire la nature différente des alluvions (d’origine fluviale et non plus marine) expliquent ce passage du 15.52 au 37.2.

Dynamique

En cas d’abandon de toute gestion agricole, la prairie subhalophile évolue vers une friche herbacée où dominent quelques Poacées vivaces compétitives comme l’Agropyre Elymus repens, au détriment des nombreuses annuelles qui finissent pas disparaître totalement (cas des Trifolium, notamment). Les séries dynamiques varient ensuite en fonction de la nature des sols : sur bri ancien, presque dessalé, des fourrés eutrophes à Prunellier ne tardent pas à s’implanter, préparant la venue d’une ormaie-frênaie arrière-littorale à Arum d’Italie et Iris fétide (ARO-ULMETUM MINORIS). Sur bri plus récent, avec des taux de sels encore importants, l’apparition des espèces ligneuses est plus lente, voire impossible pour des essences comme le Frêne.

Valeur biologique

L’habitat – dans son ensemble – est considéré comme menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats ». Sur le plan botanique, l’habitat présente un intérêt floristique élevé comme biotope pour plusieurs espèces végétales rares ou menacées : la Renoncule à feuilles d’ophioglosse, espèce protégée au niveau national et inscrite au Livre Rouge de la Flore Menacée de France (taxons non prioritaires) possède dans les grands marais arrière-littoraux charentais une population de plusieurs millions de pieds qui en fait, probablement, le bastion actuel de l’espèce sur tout le territoire français. L’Iris maritime, splendide espèce aux grandes fleurs bleues protégée en région Poitou-Charentes, possède dans les prairies du 15.52 ses seules stations extra-méditerranéennes et les effectifs encore présents dans certaines parcelles du marais de Rochefort se comptent en milliers d’individus. L’abondance de certains trèfles rares comme le Trèfle de Micheli ou le Trèfle
faux-pied d‘oiseau est également remarquable, de même que la présence de taxons à aire essentiellement méridionale comme Centaurium spicatum ou Hordeum gussoneanum qui trouvent dans les marais charentais (et sud vendéens) leur limite septentrionale de distribution.

L’avifaune des marais arrière-littoraux charentais est d’une grande richesse et originalité comme en témoigne le nombre élevé de Zones de Protection Spéciale décrites à ce jour. En raison du grand rayon d’action des oiseaux et de leur utilisation de différents habitats au cours d’un cycle annuel, il est toutefois difficile d’isoler l’intérêt spécifique des seules prairies pour ceux-ci, indépendamment des milieux voisins aussi largement utilisés (boisements, haies, fossés, mares cynégétiques, prés salés, estuaires). Les prairies subhalophiles doivent donc être considérées comme une pièce parmi d’autres du complexe d’habitats littoraux indispensable à la survie de cette avifaune remarquable

Menaces

La menace essentielle concernant l’habitat réside dans un changement de gestion agricole : l’intensification des prairies – fertilisation, charges pastorales élevés, sursemis d’espèces fourragère productives, drainage – voire leur transformation pure et simple en cultures intensives (céréales, maïs) ont entraîné au cours des 2 dernières décennies la disparition ou l’altération de milliers d’hectares de marais arrière-littoraux. Ce mouvement massif a pu être en partie freiné depuis 1991 par les mesures agri-environnementales de la PAC qui prévoient l’octroi de compensations financières aux agriculteurs développant des pratiques respectueuses de l’environnement. L’avenir de cet habitat reste cependant suspendu aux aléas de la politique agricole européenne et aux crédits alloués au soutien de la prairie naturelle humide.

Espèces indicatrices

[plante2] Alopecurus bulbosus, Bupleurum tenuissimum, Carex divisa, *Centaurium spicatum, Centaurium tenuiflorum, Galium debile, *Hordeum gussoneanum, *Iris spuria, Juncus gerardii, Mentha pulegium, Oenanthe fistulosa, Oenanthe silaifolia, *Ranunculus ophioglossifolius, Senecio aquaticus, *Trifolium michelianum, *Trifolium ornithopodioides, Trifolium resupinatum, Trifolium squamosum
[plante1] Agrostis stolonifera, Althaea officinalis, Bromus racemosus, *Cardamine parviflora, Carex cuprina, Eleocharis palustris, Eleocharis uniglumis, Gaudinia fragilis, Hordeum marinum, Hordeum secalinum ,Lolium perenne, Oenanthe pimpinelloides, Parapholis strigosa, Plantago coronopus, Ranunculus sardous, Trifolium fragiferum
[oiseaux] Alauda arvensis, Asio flammeus, Cisticola juncidis, Miliaria calandra, Motacilla flava, Saxicola rubetra, Vanellus vanellus

Les 4 trèfles caractéristiques de l’habitat :

Statut régional

L’habitat est présent dans les grands marais arrière-littoraux de Charente-Maritime, ainsi que, plus localement, dans les îles. Il remonte également en amont des vallées fluviales, dans la zone d’influence de l’eau saumâtre apportée par les marées.

17 : marais Poitevin, marais de Rochefort (optimal), marais de Brouage (optimal), marais de Seudre (local), estuaire Gironde (local), val de Charente (jusqu’à Taillebourg)

 

Prés salés atlantiques

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

L’habitat regroupe l’ensemble des végétations pérennes, herbacées ou frutescentes basses, colonisant la partie moyenne de la zone intertidale et inondables plus ou moins régulièrement par les marées. Le substrat est vaseux ou vaso-sableux selon les situations, toujours salé mais parfois aussi imprégné d’eau douce par des suintements phréatiques ou des apports latéraux (estuaires). La teneur en matière organique est variable mais peut être localement renforcée au niveau des zones de dépôt des laisses de mer. En séquence naturelle, l’habitat se trouve en contact inférieur avec les prairies à spartine (15.2) ou les salicorniaies pionnières annuelles à Salicornia fragilis/dolichostachya (15.1), alors que le contact supérieur s’effectue souvent avec un linéaire ou une frange plus ou moins large de fourrés à Suaeda vera (15.6) précédant une digue de protection contre les incursions marines. En sites perturbés (marais endigués), l’habitat colonise les bordures de bassins subissant encore des entrées occasionnelles d’eau salée et les bordures du réseau hydraulique (étiers, chenaux, ruissons).

La variabilité régionale de l’habitat est très importante en fonction de la durée et de la fréquence des submersions par l’eau salée ou selon la nature du substrat. Une quinzaine de communautés différentes sont connues sur le littoral charentais, qui se regroupent en 5 ensembles distincts :

  • les prés salés du bas schorre : ils sont inondés régulièrement lors des hautes mers de forts coefficients. La végétation, à dominante herbacée ou ligneuse selon les faciès, présente en général un fort recouvrement et l’Aster maritime Aster tripolium y joue souvent un rôle physionomique important. 2 communautés sont présentes : la prairie salée à Puccinellia maritima (HALIMIONO-PUCCINELLIETUM MARITIMAE) sur sol vaseux inondé fréquemment et à ressuyage lent, et la prairie à Sarcocornia perennis (PUCCINELLIO-SARCOCORNIETUM PERENNIS), des substrats moins asphyxiques, parfois sableux ;
  • les prés salés du schorre moyen : ils colonisent le plateau du schorre, régulièrement inondé mais à ressuyage rapide. Ils sont représentés par 2 communautés : la prairie argentée à Obione (BOSTRYCHIO-HALIMIONETUM PORTULACOIDIS, association végétale centrale des prés salés du Centre-Ouest où elle couvre de vastes surfaces) et le pré salé piétiné à Glycérie fasciculée (ASTERO TRIPOLII-PUCCINELLIETUM FASCICULATAE) présent dans la moitié nord de la France sur les schorres mais rencontré sur le littoral charentais uniquement en situations saumâtres à l’intérieur des digues ;
  • les prés salés du haut schorre : ils ne sont submergés que 2 fois par mois lunaire, au moment des vives eaux provoquées par les syzygies (alignement du Soleil, de la Terre et de la Lune), voire encore plus rarement, lors des marées de très forts coefficients (équinoxes). Dans certains faciès, la sécheresse du substrat peut être assez marquée alors que dans d’autres, une nappe phréatique douce peut imprégner jusqu’aux horizons supérieurs du sol. C’est à ce niveau que la variabilité est la plus forte, avec 7 communautés possibles : la prairie à Fétuque littorale (FESTUCETUM LITTORALIS) des hauts de prés salés peu atteints par la marée, la prairie basse à Plantain maritime et Statice commun (PLANTAGINI MARITIMI-LIMONIETUM VULGARIS) des sub-cuvettes planes sur sol sablo-vaseux, le pré à Armoise maritime (ARTEMISIETUM MARITIMAE),sur les très hauts niveaux enrichis en matière organique, le pré à Jonc de Gérard (LIMONIO VULGARIS-JUNCETUM GERARDII), sur des schorres humectés d’eau douce, le pré à Laîche étirée (JUNCO MARITIMI-CARICETUM EXTENSAE) sur des sols fortement imprégnés d’eau douce phréatique, le pré à Cranson d’Angleterre (COCHLEARIO ANGLICAE-PLANTAGINETUM MARITIMAE) de certaines cuvettes plates du schorre supérieur, et le pré à Glycérie de Foucaud (HALIMIONO-PUCCINELLIETUM FOUCAUDII) des bordures estuariennes saumâtres ;
  • les prés salés du contact haut schorre/dune : ils se développent très localement sur sols sablo-limoneux dans les rares sites où des prés salés viennent en contact avec des dunes ; la submersion par les eaux marines est exceptionnelle et n’intervient que lors des marées d’équinoxes. 2 communautés sont connues : le pré à Statice à feuilles de lychnis (LIMONIETUM LYCHNIDIFOLIO-DODARTII) des hauts schorres sableux et le pré à Statice à feuilles ovales (groupement à Frankenia laevis et Limonium ovalifolium) de statut encore incertain ;
  • les prairies hautes des niveaux supérieurs : elles sont localisées à la frange supérieure des schorres, dans la zone où s’accumulent les matières organiques apportées par les hautes mers de vives-eaux ; le sol y est riche en azote et peut subir une dessication intense en été. 2 communautés sont connues : la prairie nitro-halophile à Agropyre piquant (BETO MARITIMAE-AGROPYRETUM PUNGENTIS), haute prairie d’un vert glauque typique se développant dans la zone d’accumulation des débris organiques salés, et la prairie à Inule faux-crithme (AGROPYRO PUNGENTIS-INULETUM CRITHMOIDIS), fréquente dans les marais endigués sur sols enrichis en restes coquilliers.

Beaucoup de ces faciès peuvent se développer en situations secondaires, en bordure des bassins des marais endigués : leur développement est alors souvent linéaire et les séquences sont téléscopées sur les berges en l’absence d’un gradient progressif de submersion/exondation ; bien que ces situations présentent une composition floristique souvent appauvrie par rapport à leurs homologues des prés salés primaires, elles constituent souvent le biotope d’élection pour plusieurs communautés de la marge supérieure des schorres dont elles ont été éliminées par les divers aménagements réalisés au cours des siècles (endiguement, surtout) : prairie à Fétuque littorale, pré à Armoise maritime, prairie à Inule faux-crithme.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

ASTERETEA TRIPOLII Westhoff et Beeftink 1962

GLAUCO MARITIMAE-PUCCINELLIETALIA MARITIMAE Westhoff et Beeftink 1962 : prairies salées atlantiques européennes

Puccinellion maritimae Christiansen 1927 : schorres inférieurs à moyens

Armerion maritimae Br.Bl. & de Leeuw 1936 : niveaux hauts à supérieurs des schorres

Glauco maritimae-Juncion maritimi Géhu et Géhu-Franck

2004 : milieux saumâtres

COR 1991

  • 15.3 Prés salés atlantiques
    • 15.31 Prés salés avec Puccinellia maritima
  • 15.32 Groupements à Puccinellia maritima des prés salés
  • 15.33 Communautés du schorre supérieur
  • 15.34 Prés salés à Puccinellia et Spergularia marina
  • 15.35 Végétation à Elymus pycnanthus

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1330 Prés salés atlantiques
    • 1330-1 Prés salés du bas schorre
    • 1330-2 Prés salés du schorre moyen
    • 1330-3 Prés salés du haut schorre
    • 1330-4 Prés salés du contact schorre/dune
    • 1330-5 Prairies hautes des niveaux supérieurs atteints par la marée

Confusions possibles

L’habitat se distingue aisément des autres habitats en contact lorsque la zonation produit des ceintures plus ou moins larges et disjointes ; dans certains cas toutefois de schorres à micro-topographie complexe, un effet de mosaïque peut entraîner des mélanges par taches plus ou moins juxtaposées de 15.1/15.2/15.3, voire 15.6. Cette structure « en écailles » nécessite de grandes précautions méthodologiques lors de la réalisation de relevés de végétation destinés à être traités ultérieurement dans des tableaux phytosociologiques, sous peine de ne pas satisfaire à divers critères d’homogénité (écologique, floristique, physionomique).

Par ailleurs, la variabilité interne très forte de l’habitat peut entraîner des difficultés pour référer telle ou telle portion de pré salé à l’un ou l’autre des 5 groupes, notamment dans les inévitables zones de transition (spécialement à la jonction bas schorre/schorre moyen).

Dynamique

La dynamique naturelle interne de l’habitat est très faible du fait des fortes contraintes écologiques ; les liens observés entre les différentes communautés du schorre sont donc plus de l’ordre du simple contact spatial que l’indice d’une possible dynamique.

Valeur biologique

4 communautés sont inscrites au Livre rouge des Phytocénoses terrestres du littoral français (GEHU, 1991) : le pré salé piétiné à Glycérie fasciculée (ASTERO TRIPOLII-PUCCINELLIETUM FASCICULATAE), le pré à Armoise maritime (ARTEMISIETUM MARITIMAE), le pré à Statice à feuilles de lychnis (LIMONIETUM LYCHNIDIFOLIO-DODARTII) et la prairie à Inule faux-crithme (AGROPYRO PUNGENTIS-INULETUM CRITHMOIDIS). _ 2 autres communautés, de description postérieure à la rédaction de cette synthèse, mériteraient de figurer également sur ce Livre Rouge : le pré à Glycérie de Foucaud (HALIMIONO-PUCCINELLIETUM FOUCAUDII), synendémique des côtes charentaises et le pré à Statice à feuilles ovales et Frankénie lisse, de statut phytosociologique encore non formellement défini. Tous les faciès de l’habitat sont par ailleurs inscrits à l’Annexe I de la Directive Habitats et sont donc considérés comme rares/menacés en Europe.

7 espèces végétales régionalement ou nationalement rares/menacées sont concernées par cet habitat : la Glycérie de Foucaud Puccinellia foucaudii, endémique du littoral franco-atlantique et le Statice à feuilles ovales Limonium ovalifolium, figurent au Livre Rouge de la Flore Menacée de France comme taxons prioritaires.

Les 5 autres présentent surtout une rareté régionale : le Cranson d’Angleterre Cochlearia anglica est localisé à un petit secteur de l’estuaire Seudre ; l’Armérie maritime Armeria maritima, très commune dans d’autres régions atlantiques (Bretagne), reste rare en Poitou-Charentes (Seudre, surtout) ; le Statice à feuilles de lychnis Limonium auriculae-ursifolium – longtemps confondu avec le Statice à feuilles ovales – possède une distribution régionale plus restreinte que ce dernier et n’est connu avec certitude que de l’île de Ré et de la presqu’île d’Arvert ; la Laîche étirée Carex extensa reste très disséminée, ses occurrences étant liées à un phénomène rare, la présence de suintements phréatiques doux au niveau du pré salé ; quant à la Glycérie fasciculée Puccinellia fasciculata, ses stations sont très dispersées dans les secteurs les plus saumâtres des grands marais arrière-littoraux (Seudre, Brouage, Rochefort) encore soumis à un pâturage bovin régulier.

Espèces indicatrices

[plante2] *Armeria maritima, Aster tripolium, Beta vulgaris ssp.maritima, *Carex extensa, *Cochlearia anglica, Elytrigia x acuta, Elymus pycnanthus, Festuca rubra ssp.littoralis, Frankenia laevis, Glaux maritima, Halimione portulacoides, Inula crithmoides, Juncus gerardii, *Limonium auriculae-ursifolium, Limonium dodartii, *Limonium ovalifolium, Limonium vulgare, Plantago maritime, *Puccinellia fasciculata, *Puccinellia foucaudii, Puccinellia maritima, Sarcocornia perennis, Spergularia media, Triglochin maritimum
[plante1] Atriplex prostrata, Bolboschoenus maritimus, Juncus acutus, Juncus maritimus, Samolus valerandi, Sonchus maritimus, Spergularia marina, Suaeda maritima
[champignons] Agaricus bernardii
[oiseaux] Asio flammeus, Himantopus himantopus, Luscinia svecica namnetum, Recurvirsotra avosetta, Tringa totanus

Menaces

Des modifications de la sédimentation – naturelles ou induites par divers aménagements – sont susceptibles, par érosion ou « engraissement », de modifier l’agencement des communautés. L’endiguement du haut schorre pour la création d’infrastructures portuaires, conchylicoles ou piscicoles ou à des fins d’aménagements touristiques peut faire disparaître de précieuses communautés, notamment celles inféodées à la partie supérieure des prés salés. Divers problèmes plus ponctuels tels que le creusement de mares cynégétiques ou le passage d’engins motorisés lourds pour l’accès aux zones ostréicoles sont susceptibles aussi d’altérer l’habitat. Le piétinement peut être également un facteur défavorable, particulièrement en ce qui concerne la zone de contact schorre/dunes. Au titre des impacts indirects, on retiendra surtout l’eutrophisation du bassin versant et les pompages dans les nappes phréatiques, susceptibles d’altérer la balance trophique et la nature du substrat.

Dans les situations secondaires (marais endigués), les différents faciès de l’habitat sont bien sûr beaucoup plus exposés : ils restent alors entièrement dépendants d’un réseau hydraulique en bon état permettant les arrivées régulières d’eau marine, faute de quoi une dérive dynamique vers des communautés saumâtres s’enclenche en l’espace de 1 ou 2 décennies. Ils restent aussi bien sûr à la merci de tout changement de vocation des bassins et, notamment, d’une intensification des méthodes aquacoles.

Statut régional

L’habitat est présent potentiellement sur l’ensemble de la frange littorale de Charente-Maritime et de ses îles.

17 :

  • situations primaires : baie de l’Aiguillon, Fier d’Ars (île de Ré), baie de Moëze, estuaire Seudre, baie de Bonne Anse
  • situations secondaires : marais endigués autour du Fier d’Ars (île de Ré), anciens marais salants d’Oléron, estuaire Seudre
 

Prés à spartines

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

L’habitat regroupe des végétations graminéennes pionnières vivaces occupant la partie inférieure des prés salés correspondant à la haute slikke, plus rarement les dépressions du schorre. Le substrat est constitué de sédiments fins – vases ou sables -, plus ou moins consolidés et saturés régulièrement d’eau salée (en moyenne 2 fois par cycle de 24H, lors des hautes marées). La végétation forme une prairie dense, monostrate, haute de 30-130cm, dominée par 1 ou 2 Poacées du genre Spartina : la Spartine maritime Spartina maritima et la Spartine d’Angleterre Spartina anglica, cette dernière espèce étant un hybride fertile naturel issu du croisement entre la Spartine maritime et une spartine américaine Spartina alterniflora dans le sud de l’Angleterre au cours du XIXème siècle. Les spartines sont des géophytes développant un réseau dense de stolons qui ancrent les plantes dans les vases molles de la slikke tout en assurant leur propagation centrifuge à partir d’îlots pionniers de forme souvent concentrique. La floraison est tardive, en fin d’été et début d’automne, la pollinisation étant assurée par le vent (anémogamie) et la dispersion des semences par le flot.

Le cortège végétal de la spartinaie est d’une grande pauvreté en raison des contraintes écologiques. On y rencontre surtout des algues des genres Fucus, Bostrychia, Pelvetia, Ulva, Enteromorpha et des phanérogames halophiles transgressives des végétations situées en contact : Zostère naine Zostera noltii ou salicornes annuelles du groupe Salicornia fragilis/dolichostachya pour les contacts inférieurs, Salicorne rampante Sarcocornia perennis ou Aster maritime Aster tripolium pour les végétations du bas schorre en contact supérieur.

La variabilité régionale de l’habitat tient à la dominance de l’une ou l’autre des 2 spartines qui ont amené à la description de 2 associations végétales distinctes :

  • le SPARTINETUM MARITIMAE  : c’est la spartinaie européenne d’origine, aujourd’hui en nette régression du fait de la concurrence de la suivante ;
  • le SPARTINETUM ANGLICAE  : spartinaie néophyte, apparue au XIXème siècle et en pleine expansion. Plus haute et plus dense que la précédente, elle possède un pouvoir dynamique et des aptitudes colonisatrices très élevés, tendant à supplanter la spartinaie maritime dans les localités où les 2 phytocénoses coexistent.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

SPARTINETEA GLABRAE Tüxen in Beeftink 1962

Végétation pionnière vivace des vases molles salées et saumâtres, longuement inondables

Spartinion anglicae Conard 1935 : communautés européennes

COR 1991

15.2 Prairies à spartine

15.21 Prairies à Spartine à feuilles plates

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

1320 Prés à Spartina

Confusions possibles

La spartinaie maritime indigène peut facilement être confondue avec la spartinaie anglaise dominée par une néophyte invasive. La distinction des 2 espèces structurantes de spartines est alors indispensable : chez Spartina maritima, l’angle formé par les feuilles avec la tige est très aigu, les limbes sont enroulés presque sur toute leur longueur et ils sont rapidement caducs (il suffit de tirer légèrement sur une feuille pour la détacher) ; chez Spartina anglica, l’angle feuilles/tige est beaucoup plus ouvert, le limbe est plan et très persistant (il faut tirer fort pour le détacher de la tige).

Dynamique

Dans les sites à bilan sédimentaire positif, la spartinaie maritime tend à coloniser l’espace au détriment d’autres habitats (cette évolution est observable en plusieurs point du Fier d’Ars sur l’île de Ré, notamment au débouché du Chenal des Villages où les surfaces occupées par Spartina maritima ont été multipliées par 3 au cours des dernière décennies). Dans divers sites côtiers autrefois endigués mais aujourd’hui abandonnés, la spartinaie maritime tend à conquérir du terrain (Fiers d’Ars, estuaire de la Seudre) témoignant de ses aptitudes pionnières dans la végétalisation des prés salés.

Espèces indicatrices

[plante2] Spartina anglica, Spartina maritima
[plante1] Aster tripolium, Limonium vulgare, Salicornia fragilis, Sarcocornia perennis, Suaeda maritima
[oiseaux] Anser anser, Anthus pratensis, Carduelis cannabina, Emberiza schoeniclus,Motacilla flava
[mollusques] Hydrobia ventrosa, Leucophysia (Auriculinella) bidentata, Myosotella myosotis, Peringia ulvae

Valeur biologique

La spartinaie maritime figure au Livre Rouge des Phytocénoses terrestres du Littoral français (GEHU, 1991) : « seule spartinaie européenne, cette phytocénose est en très forte régression, voire disparition, dans bien des sites sous la pression de la phytocénose néophyte Spartinetum townsendii (=spartinaie anglaise) qui la concurrence rapidement ». C’est à ce titre également qu’elle figure à l’Annexe I de la Directive Habitats. Sa richesse floristique est toutefois très faible et elle n’abrite aucune espèce végétale rare ou menacée. Sur le plan de la faune, elle joue le rôle de nourricerie et de refuge pour les juvéniles de diverses espèces de poissons.

Menaces

En dehors des pressions classiques pesant sur les prés salés – remblaiements, endiguements pour la réalisation d’ensembles conchylicoles, modification des bilans sédimentaires par la réalisation d’ouvrages littoraux – la principale menace concernant les spartinaies maritimes du littoral charentais est leur invasion/ remplacement par la spartinaie anglaise : jusqu’en 1970, Spartina anglica était cantonnée de l’estuaire de la Gironde à la Seudre (limite extrême à la pointe méridionale de l’île d’Oléron) pour se retrouver ensuite plus au nord en Baie de l’Aiguillon, le hiatus entre les deux étant occupé par la seule Spartina maritima. Depuis cette date, la spartine anglaise n’a pas cessé sa progression vers le nord : la côte est d’Oléron est maintenant largement conquise et quelques pieds ont même été observés en baie de Moëze, laissant seule intacte la zone comprise entre l’estuaire de la Charente et l’île de Ré.

Cette espèce, d’un pouvoir dynamique très élevé, possède une aptitude exceptionnelle à la fixation des particules amenées par le courant et à l’accélération de la sédimentation, favorisant par là même l’accroissement de la surface des schorres. La colonisation peut être très rapide (de quelques touffes à un millier d’hectares en baie des Veys en Normandie entre 1906 et 1920 !) et se fait en général au détriment des autres habitats situés en contact. La forte biomasse produite entraîne en retour une eutrophisation qui modifie les conditions de milieu des habitats contigus.

Du fait de cette vitesse redoutable de colonisation, la spartinaie anglaise ne s’insère pas réellement dans la dynamique des écosystèmes littoraux mais tend plutôt à prendre la place des habitats occupant son niveau bionomique.

Statut régional

L’habitat est assez répandu sur la façade littorale de Charente-Maritime, notamment dans les principaux sites de prés salés :

17 : prés salés du Fier d’Ars (île de Ré), prés salés de la côte est de l’île d’Oléron, de la baie de Moëze, des estuaires de la Seudre et de la Gironde, de la Baie de Bonne-Anse