Gazon de petites annuelles sur sol salé

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

En Poitou-Charentes, l’habitat occupe un certain nombre de biotopes humides temporaires caractéristiques de la frange arrière-littorale (jamais à plus de 5km de la mer) des côtes basses à sédimentation estuarienne : pourtour des mares abreuvoirs au sein des complexes de prairies saumâtres, pas inter-parcellaires piétinés et défoncés par le bétail, « jas » (anciennes salines isolées de l’eau marine par la poldérisation), dépressions, mares cynégétiques (gérées avec un assec estival), fossés à niveau d’eau variable, chemins du marais (non empierrés ni stabilisés par des matériaux exogènes) etc. Dans tous les cas, le substrat est argileux, à structure fondue, souvent compacté par le bétail, bien pourvu en calcaire et présente une chlorosité résiduelle (anciennes alluvions fluvio-marines déposées lors de la transgression flandrienne). Le milieu est inondé du milieu de l’automne à la fin du printemps, soit environ 7-8 mois, sous une fine couche d’eau d’origine météorique ou provenant du réseau syndical de fossés drainant le marais. L’exondation intervient courant juin et l’habitat connaît son optimal phénologique en juillet-août. L’habitat est structuré par une végétation rase, paucispécifique (6.3 espèces en moyenne sur 18 relevés effectués en 17) et peu recouvrante (recouvrement de 20 à 80% mais le plus souvent situé entre 20 et 40%. Les thérophytes représentent en général plus de la moitié du cortège et nombre d’entre eux possèdent des adaptations aux conditions stationnelles drastiques (succession de phases inondée/sèche, piétinement, sol salé peu évolué) : appareil végétatif prostré (Crypsis) ou très plastique morphologiquement (Atriplex). Le pâturage est un autre facteur essentiel car il bloque le développement des vivaces et permet le maintien de zones de sol nu où l’habitat se développe. Les Crypsis y sont remarquablement adaptés puisque leurs tiges rampant sur le sol se cassent très aisément et les « têtes florales » sont emportées entières par le bétail qui disperse ainsi l’espèce dans d’autres sites favorables. Sur le littoral de la Charente-maritime, la variabilité de l’habitat s’organise selon un gradient de salinité : le faciès méso-halin est caractérisé par divers halophytes tels que le Jonc de Gérard Juncus gerardii ou la Salicorne rameuse Salicornia ramosissima, alors que le pôle oligo-halin voit le Scirpe des marais Eleocharis palustris et l’Agrostide stolonifère Agrostis stolonifera prendre de l’importance. Les autres faciès de l’habitat, de nature physionomique, dépendent surtout des végétations en mosaïque avec le gazon à Crypsis : scirpaie maritime, scirpaie lacustre…

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Heleochloion schoenoidis Br.-Bl. 1956

Communautés eutrophiques halonitrophiles d’affinités subméditerranéennes

COR 1991

22.34 Gazons amphibies méridionaux

22.343 Gazons méditerranéens amphibies halo-nitrophiles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3170 Mares temporaires méditerranéennes

3170-3 Gazons méditerranéens amphibies halo-nitrophiles

Confusions possibles

Par son écologie et les biotopes très spécifiques qu’il occupe, l’habitat ne peut guère être confondu. Contrairement à la région méditerranéenne où l’habitat se décline en plusieurs habitats élémentaires, ses occurrences centre-atlantiques sont beaucoup moins variées. Néanmoins les situations mixtes sont nombreuses où le gazon à Crypsis forme une mosaïque ouverte avec la scirpaie maritime. De même, en cas de dérive nitrophile, des situations intermédiaires, avec des cortèges hybrides, peuvent se présenter entre le gazon eutrophe à Crypsis et la communauté nitrophile à Chénopode à feuilles grasses qui occupe des biotopes similaires mais dans des conditions de trophie distinctes.

Dynamique

Sous climat thermo-atlantique, le gazon à Crypsis connaît un équilibre dynamique fragile. L’intensité de la pluviométrie et la durée d’ensoleillement règlent la durée et les dates de la période d’exondation au cours de laquelle l’habitat se développe. En régle générale, le gazon à Crypsis succède dans le temps à des communautés aquatiques à callitriches (C.brutia, C.truncata, surtout) et renoncules du sous-genre Batrachium (R.baudotii, R.gr.trichophyllus) qu’il remplace après exondation du substrat. En cas d’assec trop tardif ou absent, le gazon ne s’exprime pas et risque d’être supplanté lors des années suivantes par les hélophytes. De même, la régression ou la disparition du pâturage, favorisent le développement des espèces vivaces très concurrentielles. Certains phénomènes climatiques exceptionnels, comme l’ouragan « Martin » de décembre 1999 qui a provoqué une submersion prolongée de la bande littorale par les eaux marines, semblent très favorables à l’habitat par l’apport massif de sel dans le substrat qui semble stimuler la germination du Crypsis.

Espèces indicatrices

[plante2] Atriplex prostrata, *Chenopodium chenopodioides, *Crypsis aculeata, *Crypsis schoenoides
[plante1] Agrostis stolonifera, Alopecurus bulbosus, *Centaurium spicatum, Centaurium tenuiflorum, Coronopus squamatus, Eleocharis palustris, Hordeum marinum, Juncus gerardii, Polygonum aviculare, Polypogon monspeliensis, Salicornia ramosissima, Scirpus maritimus, Spergularia salina

Valeur biologique

L’habitat constitue le milieu exclusif pour 2 Poacées du genre Crypsis, toutes les 2 inscrites au Livre Rouge de la Flore Menacée de France : le Crypsis piquant Crypsis aculeata, connu aujourd’hui encore de 4 des 5 grands marais arrière-littoraux de Charente-maritime (curieusement, la plante n’est pas connue des marais de Seudre où, pourtant, les biotopes favorables ne manquent pas), parfois en populations importantes (plusieurs milliers de pieds), notamment dans certains espaces protégés bénéficiant d’une gestion favorable (RN du Marais d’Yves, RN des marais de Moëze). Le Crypsis faux-choin Crypsis schoenoides, à l’inverse, connu jusque durant les années 1970 du marais de Rochefort et des marais de l’estuaire Gironde n’a pas été revu depuis près de 30 ans et est considéré comme disparu. Le reste du cortège végétal, qui emprunte ses éléments aux végétations en contact spatial – prairies subhalophiles thermo-atlantiques – ou liées dynamiquement – roselière oligo-haline à Scirpus maritimus, parvo-roselière à Eleocharis palustris – n’abrite en revanche que des espèces communes.

Menaces

Sur la façade atlantique, cet habitat très ponctuel est lié à des conditions hydriques et des modalités agro-pastorales bien précises dont l’altération signifie souvent sa disparition pure et simple. L’abandon du pâturage des prairies arrière-littorales induit une fermeture du tapis végétal et une disparition des zones de sol nu, notamment au niveau des anciennes mares-abreuvoirs qui constituent le biotope électif de l’habitat. En cas d’hygrophilisation (niveaux d’eau plus élevés et/ou plus prolongés), l’habitat est progressivement envahi par des hélophytes coloniaux – Scirpe maritime et Scirpe des marais, surtout – qui vont à terme détruire les gazons à Crypsis par réduction de l’éclairement et accumulation de litière organique sur le sol où les Crypsis ne peuvent plus germer. Le gazon eutrophe à Crypsis aculeata est alors remplacé par une communauté plus franchement nitrophile où l’Arroche prostrée est associée au Chénopode à feuilles grasses Chenopodium chenopodioides, très compétitif et très recouvrant. Par sa situation propé-littorale, l’habitat est par ailleurs exposé aux menaces propres à cette tranche convoitée de territoire : spéculations foncières, changements d’affectation, urbanisation…

Statut régional

Habitat présent uniquement sur la frange arrière-littorale de 17 et le long de l’estuaire de la Gironde, où il reste partout ponctuel et extrêmement localisé.

Tous les sites abritant l’habitat sont intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récents (ZNIEFF, NATURA 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

17 : Réserve Naturelle du Marais d’Yves, Réserve Naturelle des Marais de Moëze, marais de Rochefort, prairies de l’estuaire Charente.

Deux situations typiques de l’habitat

 

Végétation de grandes annuelles nitrophiles

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

L’habitat est susceptible d’occuper 3 types de milieux différents : les berges des rivières à courant lent, les rives de pièces d’eau à niveau variable (mares, étangs), ces 2 cas correspondant à des situations primaires, et certains sites sureutrophisés tels que les abords d’abreuvoirs, les zones d’épandage de lisiers ou de boues de stations d’épuration (situations secondaires). Dans tous les cas, le substrat présente une forte humidité saisonnière favorisée par les fluctuations du niveau de l’eau, une grande richesse en azote, phosphates et potassium et une couverture végétale vivace nulle ou très faible (favorisée en bordure des rivières par les crues régulières). L’habitat possède un caractère pionnier et instable manifeste, largement dépendant de la dynamique hydraulique (date et durée de l’étiage, intensité des crues).

La végétation est structurée par de grandes espèces annuelles appartenant surtout aux familles des Polygonacées (genre Polygonum, surtout, avec 6 espèces, genre Rumex), des Astéracées (genre Bidens avec 2 espèces spontanées et 1 adventice américaine) et des Chénopodiacées (genre Chenopodium). Plusieurs de ces espèces possèdent des semences pouvant rester dormantes dans le substrat durant de longues années, attendant des conditions favorables pour germer (plantes à éclipses). La phénologie est tardi-estivale à automnale, au moment de l’étiage, la végétation se développant alors très rapidement sous l’effet de la chaleur sur un substrat nu, encore humide et très riche en azote.

Comme ailleurs en France, la variabilité régionale de l’habitat est surtout sous la dépendance des conditions hydrologiques et de la granulométrie du substrat, la richesse en nutriments intervenant plus dans l’abondance de la biomasse que dans la différenciation des faciès. La typologie phytosociologique est mal connue en Poitou-Charentes mais plusieurs associations répandues dans une grande partie des plaines tempérées françaises sont manifestement présentes. Certains types méritent une mention particulière en raison d’une écologie plus spécifique : c’est le cas de la communauté à Arroche prostrée et Chénopode à feuilles grasses (Atriplici-Chenopodietum chenopodioidis) qui colonise les vases organiques légèrement salées des polders littoraux ; ou encore du Chenopodion rubri propre aux rives de la Loire (et entièrement dépendant du régime hydrologique de ce fleuve) qui pénètre dans l’extrême nord de la région en s’avançant le long de certains affluents majeurs tels que la Vienne.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Bidention tripartitae Tüxen, Lohmeyer Preising 1950

Communautés des sols limoneux et argileux

Alliance Chenopodion rubri (Poli et J.Tüxen 1960) Kopecky 1969 Lohmeyer Preising 1950

Communautés des sols sableux à graveleux

COR 1991

22.33 Groupements à Bidens tripartitus (eaux dormantes)

24.52 Groupements euro-sibériens annuels de vases fluviatiles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3170 Rivières avec berges vaseuses avec végétation du Chenopodion rubri p.p. et du Bidention p.p.

3170-1 Bidention des rivières et Chenopodion rubri (hors Loire)

3170-2 Chenopodion rubri du lit de la Loire

Confusions possibles

Des confusions restent possibles avec les formes eutrophisées des gazons amphibies des grèves lorsque ceux-ci s’enrichissent en espèces nitrophiles. Ces derniers présentent toutefois en principe une structure beaucoup plus basse. En situations secondaires, on remarquera que l’habitat possède de nombreuses espèces en commun avec la végétation adventice des cultures sur sol argilo-calcaire humide.

Dynamique

Par son caractère pionnier et annuel, cet habitat est très sensible à la concurrence des végétaux vivaces structurant les habitats situés souvent immédiatement en contact : roselières, magnocariçaies, mégaphorbiaies, saulaies arbustives. Toute modification des conditions hydrologiques risque alors de faire pencher la balance en faveur de ces dernières. Dans les situations en bordure des rivières, seules les crues régulières sont à même de bloquer cette implantation des vivaces et de dégager des espaces favorables à l’habitat.

Espèces indicatrices

[plante2] Alopecurus aequalis, *Bidens cernua, (Bidens frondosa), Bidens tripartita, Brassica nigra, Chenopodium chenopodioides, *Chenopodium glaucum, *Crypsis alopecuroides, Cuscuta australis var.bidentis, Leersia oryzoides, Polygonum hydropiper, Polygonum lapathifolium, Polygonum minus, Polygonum mite, Ranunculus sceleratus, *Rumex palustris
[plante1] Atriplex patula, Atriplex prostrata, Chenopodium polyspermum, *Corrigiola littoralis, Echinochloa crus-galli, *Erysimum cheiranthoides, Polygonum persicaria, Potentilla anserina, *Pulicaria vulgaris, Rorippa amphibia, Rorippa sylvestris, Veronica catenata
[briophytes] Amblystegium riparium, Aphanoregma patens, Bryum pseudotriquetrum, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Drepanocladus lycopodioides, Micromitrium tenerum, Physcomitrium eurystomum, Physcomitrium sphaericum, Riccia canaliculata, Riccia cavernosa, Riccia huebeneriana
[champignons] Agrocybe aegerita, Bolbitius vitellinus, Coprinus atramentarius, Crepidotus crocophyllus, Galerina marginata, Hypholoma ericaceoides, Lentinus tigrinus, Lepista sordida, Melanoleuca brevipes, M. polioleuca, Mitrophora semilibera, Panaeolus foenisecii, P. papilionaceus, P. sphinctrinus, Psathyrella candolleana, P. lacrymabunda, Sarcoscypha coccinea, Verpa digitaliformis

Valeur biologique

Sur le plan floristique, l’habitat est dominé avant tout par des espèces euro sibériennes à vaste répartition et communes au niveau régional. Quelques espèces rares ou très rares s’y localisent cependant comme la Pulicaire vulgaire Pulicaria vulgaris, considérée comme commune autrefois mais en très forte régression de nos jours ou le Crypsis faux-vulpin Crypsis alopecuroides dont moins de 5 stations sont connues aujourd’hui en Poitou-Charentes. Le Vélar fausse-giroflée Erysimum cheiranthoides apparaît quant à lui comme bien implanté encore, notamment dans la moyenne vallée de la Charente et la basse vallée de la Boutonne.

Menaces

En bordure de rivières comme sur les rives d’étangs, la menace principale consiste dans la régularisation artificielle du niveau de l’eau. Ce maintien du fonctionnement naturel de l’hydrosystème vient souvent s’opposer à diverses fonctions récentes jouées par les milieux aquatiques (étangs d’agrément, barrages, endiguements, circulation fluviale..). Cette réduction des variations hydriques a entraîné une forte régression des surfaces occupées par l’habitat en Poitou-Charentes comme partout en Europe de l’Ouest, ainsi qu’un appauvrissement des communautés dont beaucoup sont aujourd’hui réduites à un linéaire de quelques espèces banales. L’invasion de l’habitat par des pestes végétales constitue une autre menace, plus récente, mais dont l’impact a crû fortement durant les 2 dernières décennies : la faible concurrence, la grande richesse trophique et la bonne alimentation en eau régnant dans ces biotopes en font des lieux privilégiés d’implantation de xénophytes dont les plus agressives dans la région sont les jussies (Ludwigia peploides et L.grandiflora), le Myriophylle du Brésil Myriophyllum brasiliense ou le Galinsoga velu Galinsoga ciliata (vallée de la Vienne, surtout).

Statut régional

Habitat présent dans toute la région, surtout le long des grandes rivières – Charente, Boutonne, Vienne, Gartempe, Creuse, Clain – ainsi qu’en bordure de nombreux étangs.

16 : vallée de la Charente, étang du Confolentais

17 : moyenne vallée de la Charente, entre Cognac et St Savinien, valllée de la Boutonne

86 : basse vallée de la Vienne, au nord de Dangé ; vallée de la Creuse jusqu’au confluent avec la Vienne

79 : étangs de l’Argentonnais

 

Gazons de petites annuelles éphémères

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Les gazons de petites annuelles éphémères se rencontrent typiquement en bordure de différents types de plans d’eau peu profonds (lacs, étangs, mares, fossés), sur des substrats très variables, mais en général plutôt oligotrophes, grossiers (sables) ou fins (limons), acides ou neutres. Certains faciès se développent également sur les chemins forestiers plus ou moins inondables ou sur des coupe-feux humides traversant des landes calcifuges, plus rarement en bordure de dépressions arrière-dunaires ou au sein de prairies saumâtres. Dans tous les cas, le niveau de l’eau connaît des variations saisonnières permettant d’opposer une phase inondée de l’habitat et une phase exondée. L’éclairement doit être maximal dans la plupart des situations et le développement d’une végétation arborée entraîne une régression marquée des espèces caractéristiques. L’habitat supporte bien en général le piétinement, notamment dans les conditions eutrophes où la végétation vivace a tendance à concurrencer fortement les annuelles. Dans de nombreux cas, l’habitat ne peut même se maintenir qu’à la faveur d’actions anthropiquestelles que la création d’ornières par le passage d’engins lourds. Tout en étant indispensables à l’habitat, les fluctuations du niveau de l’eau selon les années en fonction de la pluviométrie sont responsables par ailleurs de sa grande variabilité au fil des années et expliquent sa forte sensibilité à toute artificialisation d’origine humaine.

Avec une douzaine d’associations végétales distinctes recensées, recouvrant 5 alliances, l’habitat est remarquablement diversifié au sein de la région. Cette différenciation tient à l’intrication de 4 gradients dont les différentes combinaisons permettent l’expression de communautés hautement distinctes : un gradient géographique opposant les communautés à affinités atlantiques aux continentales (ces dernières très localisées sur la marge orientale de la Vienne et de la Charente), un gradient trophique opposant les situations méso- à eutrophes aux situations oligotrophes, un gradient topographique opposant les faciès de bas-niveau (donc longuement inondables) aux faciès de niveaux moyen à supérieur (précocement exondés) et un gradient édaphique opposant les communautés acidiphiles (les plus nombreuses) aux communautés basophiles.

L’habitat se présente comme un fin gazon de plantes annuelles naines dominé par des Joncacées et des Cypéracées, formant des taches de quelques dm² à quelques m² disposées tantôt en mosaïque avec des végétations vivaces hygrophiles, tantôt en situation pionnière sur le sol nu. Le recouvrement est toujours faible et le substrat en général visible entre les thérophytes. La stratification est nulle ou peu apparente du fait de la faible taille des végétaux structurants. La phénologie est tardive (estivale à pré-automnale), surtout pour les faciès de l’habitat liés aux bas niveaux topographiques où la végétation doit attendre l’exondation du milieu pour se développer. La floraison de nombreuses espèces est souvent discrète (faible taille), fugace (quelques semaines seulement peuvent s’écouler entre germination et fructification) et connaît de fortes variations inter annuelles liées aux fluctuations des conditions hydriques.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Cicendion filiformis (Rivas Goday) Br.-Bl.1967
Thermo-atlantique, oligotrophe, niveau topographique moyen à supérieur
Alliance Heleochloion schoenoidis (Rivas Goday) Br.-Bl.1956
Méditerranéo-atlantique, eutrophe, bas niveau topographique
Alliance Elatino-Eleocharition ovatae Pietsch 1969

Continentale, sols oligo- à mésotrophes

Alliance Nanocyperion flavescentis Koch ex Libbert 1932

Continentale, niveau topo.moyen, sol argileux/tourbeux

Alliance Radiolion linoidis Pietsch 1971

Continentale, niveau topo.moyen, sol sableux

COR 1991

22.32 Communautés amphibies annuelles septentrionales

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3130 Eaux stagnantes oligotrophes à mésotrophes avec végétation des Littorelletea et/ou des Isoeto-Nanojuncetea
3130-3 Communautés annuelles mésotrophiques à eutrophiques, de bas niveau topographique, d’affinités continentales
3130-4 Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, de bas niveau topographique, d’affinités atlantiques
3130-5 Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, de niveau topographique moyen
3130-6 Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, neutrophiles à basophiles, de niveau topographique moyen

Confusions possibles

Par ses caractéristiques stationnelles et sa structure de gazon ras dominé par des nano-thérophytes, l’habitat ne peut guère être confondu. Dans certaines situations toutefois, l’eutrophisation du milieu (substrat, eau) peut entraîner son introgression par diverses plantes nitrophiles – renouées, bidents, oseilles – qui brouillent l’interprétation. Par ailleurs, dans le cas de communautés annuelles mosaïquées avec des faciès vivaces, la séparation des deux synusies n’est pas toujours aisée et même, parfois, impossible

Dynamique

Les gazons à petites annuelles éphémères constituent un habitat de type pionnier, plus ou moins instable dans l’espace et dans le temps, à caractère nomade, dont la dynamique naturelle est largement tributaire de la dynamique hydrique. En cas d’assèchement prolongé du milieu, l’habitat cède la place à des formes sèches beaucoup moins originales avec perte d’une grande partie du cortège caractéristique. A l’inverse, une hygrophilisation marquée du milieu (par stabilisation du plan d’eau par exemple) risque d’entraîner la destruction rapide de l’habitat par l’invasion de grandes plantes hygrophiles coloniales (espèces de mégaphorbiaies, de roselières). Dans les sites où l’habitat forme des mosaïques instables avec des communautés vivaces – bas-marais, prairies oligotrophes, landes calcifuges – un minimum de pressions biotiques (piétinement, fauche) est nécessaire pour éviter la disparition des fragiles espèces annuelles.

Espèces indicatrices

[plante2] *Anagallis minima, *Blackstonia imperfoliata, *Carex bohemica, Centaurium pulchellum, *Centaurium spicatum, Centaurium tenuiflorum, *Cicendia filiformis, Cyperus fuscus, *Cyperus flavescens, *Cyperus michelianus, *Damasonium alisma, *Elatine hexandra, *Eleocharis ovata, *Exaculum pusillum, *Isolepis cernua, Isolepis setacea, Juncus capitatus, Juncus pygmaeus, *Kickxia cirrhosa, *Limosella aquatica, *Lythrum tribracteatum, Montia fontana ssp.chondrosperma, *Myosurus minimus, *Potentilla supina, *Pulicaria vulgaris, *Pycreus flavescens, Radiola linoides, *Ranunculus nodiflorus, *Sedum villosum, Veronica acinifolia
[plante1] Gnaphalium uliginosum, *Gypsophila muralis, Juncus bufonius, Juncus tenageia, Lythrum hyssopifolia, Lythrum portula, Polygonum aviculare, Pseudognaphalium luteo-album, Ranunculus sardous
[briophytes] Aphanoregma patens, Archidium alternifolium, Bryum alpinum, Fossombronia pusilla, Fossombronia wondraczekii, Micromitrium tenerum, Philonotis fontana, Physcomitrium eurystomum, Physcomitrium sphaericum Racomitrium elongatum Riccia beyrichiana, Riccia canaliculata, Riccia cavernosa, Riccia ciliifera, Riccia fluitans, Riccia huebeneriana, Riccia nigrella
[champignons] Alnicola melinoides, A. scolecina, Cortinarius saniosus, Hebeloma pallidoluctuosum, Inocybe agardhii, I. curvipes, I. flavella fo. roseipes, I. lanuginosa, I. paludinella, I. squarrosa, Lactarius lacunarum, Pholiota gummosa, Xerocomus ripariellus

Valeur biologique

Avec 38 espèces végétales caractéristiques dont 22 inscrites sur la Liste Rouge régionale, l’habitat possède une très haute valeur patrimoniale sur le plan floristique : c’est dans cet habitat par exemple que se localisent la seule station régionale de Renoncule nodiflore Ranunculus nodiflorus, taxon inscrit au Livre Rouge National, les 2 stations du Poitou-Charentes de Linaire à vrilles Kickxia cirrhosa, Scrophulariacée méditerranéenne en aire disjointe, ou encore les seules localités pour la Laîche de Bohême Carex bohemica, Cypéracée continentale atteignant sa limite d’aire occidentale dans notre région. Son caractère éphémère et fugace le rend en revanche peu attractif pour la faune.

Menaces

Du fait de sa nature très ponctuelle, le sort de cet habitat est lié le plus souvent à celui des complexes écologiques auxquels il s’intègre : étangs et leurs rives, landes calcifuges, dépressions arrière-dunaires. Sa localisation fréquente en périphérie de plans d’eau utilisés pour des activités de loisirs ou de pêche l’expose notamment à diverses menaces : stabilisation du plan d’eau, eutrophisation des eaux, surpiétinement, artificialisation des rives. La fermeture de milieux autrefois exploités et aujourd’hui abandonnés signifie la disparition de biotopes où l’habitat pouvait s’implanter. Le développement de la sylviculture intensive du Pin maritime a eu en revanche un impact favorable sur l’habitat par la multiplication des pare-feux régulièrement entretenus où de nombreuses espèces caractéristiques peuvent s’observer (l’exemplaire le plus riche de l’habitat au niveau régional se trouve dans un pare-feu sablonneux isolant une voie ferrée d’une grande zone de landes).

Statut régional

Habitat très disséminé, présent surtout dans les régions d’étangs et sur les substrats géologiques favorables (dépôts sableux tertiaires, socle granitique) : partie armoricaine de 79, Double charentaise, sud-est de la Vienne, est Charente.

De nombreux sites abritant des échantillons riches ou représentatifs de l’habitat ont été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récents (ZNIEFF, NATURA 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : landes de la Double, Confolentais

17 : landes de Cadeuil, landes de Montendre, lèdes d’Oléron

86 : étangs et landes du Montmorillonnais

79 : mares et étangs de la partie armoricaine

 

Tourbières bombées à sphaignes

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Par définition, une tourbière est un milieu humide au sein duquel se développe une végétation constituée de sphaignes, c’est-à-dire de mousses dont la partie aérienne supérieure poursuit son développement tandis que la partie inférieure dans l’eau se décompose incomplètement par anaérobiose pour donner la tourbe.
Le milieu aquatique est acide avec un pH compris entre 3,5 et 5, il est oligotrophe, uniquement alimenté par les eaux très faiblement minéralisées de la nappe superficielle affleurante ou par les pluies et la tourbière est alors dite ombrotrophe.

Si on se réfère aux cartes des Cahiers d’habitats édités par le ministère de l’écologie, la région Poitou-Charentes est vierge de tourbières bombées actives. L’ouvrage très complet édité chez
Delachaux et Niestlé en 2006 intitulé « Le monde des tourbières et des marais de France… » recense de manière très précise l’ensemble des tourbières connues sur le territoire national. On constate que le Poitou-Charentes ne retient que deux sites : la tourbière alcaline du Bourdet (79) et une microtourbière acide sur la RNN du Pinail (86). Il est donc permis de s’interroger sur le bien fondé qu’il y a à retenir ce type d’habitat pour la région.
Dans le sud de la Charente-Maritime, le substrat acide, imperméable est constitué par les sables et argiles appartenant au sidérolithique. Il s’agit de dépôts détritiques ferrugineux du début de l’ère tertiaire (Eocène) résultant du démantèlement par l’érosion des massifs et reliefs formés au cours de l’orogenèse pyrénéenne. On les rencontre en placages plus ou moins épais sur les calcaires karstifiés du secondaire où ils donnent « la Double saintongeaise ». S’y développent des landes sèches et des landes tourbeuses, les tourbières « vraies » y sont par contre rarissimes. En Charente limousine, il est également possible de retrouver le même milieu.
Une pluviosité assez mal répartie sur l’année avec une période estivale nettement déficitaire, associée à des températures soumises à des écarts faibles, y ont cependant permis l’installation de communautés dites des hauts-marais atlantiques abritant un certain nombre d’espèces caractéristiques des régions occidentales comme le Narthécie ossifrage, la Bruyère à quatre angles, le Rhynchospore brun ou le Rossolis à feuilles rondes. On les considèrera comme des tourbières relictuelles.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Oxycocco palustris-Ericion tetralicis Nordhagen ex Tüxen 1937
Tourbières hautes atlantiques

COR 1991

51.1 Tourbières hautes à peu près naturelles
51.2 Tourbières à Molinie bleue

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

7110* Végétation des tourbières hautes actives
7120 Tourbières hautes dégradées encore susceptibles de régénération naturelle

Confusions possibles

Cet habitat est très complexe car il présente plusieurs « sous-habitats » généralement étroitement imbriqués en mosaïque. Ainsi, s’’il est possible sans grande difficulté de distinguer la végétation des buttes de sphaignes, les sous-habitats constitués par les chenaux, les mares ou encore les prés-bois tourbeux sont plus délicats à définir d’autant qu’ils apparaissent dans la nomenclature du code CORINE sous des appellations différentes de celles des tourbières.
Les confusions sont alors possibles avec :

  • les landes tourbeuses, particulièrement bien représentées dans la Double Saintongeaise ;
    – les tourbières hautes dégradées.
    Bien entendu, on évitera également les confusions avec les tourbières alcalines au sein desquelles les sphaignes sont toujours absentes.

Dynamique

La végétation des tourbières hautes actives se caractérise en premier lieu par la présence de buttes de Sphaignes ombrothrophes. C’est l’élément typique de ces milieux que l’on peut considérer comme le stade optimum de la dynamique de la végétation des hauts-marais. Le déficit pluviométrique estival que l’on rencontre dans le Poitou-Charentes freine de toute évidence le développement de ces buttes de sphaignes en les asséchant. Ces buttes dérivent généralement de l’évolution dynamique progressive de stades de végétation antérieurs, aquatiques ou hygrophiles, et évoluent généralement elles-mêmes vers des stades moins hygrophiles selon une dynamique d’assèchement et de minéralisation pouvant conduire, à terme, à ce que cessent les processus d’élaboration et d’accumulation de la tourbe (turfigènèse). Peuvent apparaitre alors des chaméphytes entrainant le développement de landes puis de pré-bois.

Espèces indicatrices

[plante2] *Carex echinata, *Carex rostrata, *Drosera intermedia, *Drosera rotundifolia, Erica tetralix, *Eriophorum angustifolium, *Menyanthes trifoliata, *Myrica gale, *Narthecium ossifragum, *Potentilla palustris, *Rhynchospora alba, *Rhynchospora fusca, *Sparganium minimum, *Trichophorum cespitosum
[plante1] Calluna vulgaris, Erica ciliaris, Frangula alnus, Molinia caerulea, Ulex minor, *Utricularia intermedia, *Utricularia minor, *Wahlenbergia hederacea
[briophytes] Aulacomnium palustre, Cephalozia connivens, Dicranum bonjeani, Kurzia pauciflora, Odontoschisma sphagni, Polytrichum commune, Sphagnum capillifolium, Sphagnum palustre, Sphagnum subnitens
[champignons] Cortinarius palustris, Hypholoma udum
[lepidopteres] Coenonympha oedippus, Heteropterus morpheus
[odonates] Ceriagrion tenellum, Orthetrum caerulescens, Somatochlora flavomaculata, Somatochlora metallica

Valeur biologique

Cet habitat possède une très grande valeur patrimoniale, notamment lorsqu’il se trouve dans ses formes typiques au sein des hauts-marais ombrotrophes. Les tourbières hautes actives constituent de véritables reliques postglaciaires qui ne se trouvent cantonnées sous nos latitudes qu’en de rarissimes secteurs où elles trouvent leurs derniers refuges. Des espèces végétales comme les Rossolis (ou Drosera), les 2 rhynchospores (Rhynchospora) ou le rare papillon Fadet des laiches Coenonympha oedippus – espèce de l’annexe II de la Directive habitats – bénéficient de protections réglementaires. Les tourbières accueillent un certain nombre d’autres espèces d’invertébrés ou de vertébrés dont la dépendance vis-à-vis de ces milieux est plus ou moins forte.

Menaces

L’intensification de l’agriculture et le développement de la sylviculture constituent les premières menaces qui pèsent sur les tourbières. En effet dans les deux cas, on pratique d’abord un drainage ayant pour effet d’abaisser la nappe superficielle. Le creusement et l’aménagement d’un plan d’eau avec des objectifs aussi divers que celui de la réalisation d’une réserve DFCI (défense contre l’incendie) ou celui d’un lac à vocation touristique ont les mêmes effets entrainant à plus ou moins brève échéance la disparition de la tourbière. Il en est de même lorsqu’on modifie la qualité des eaux en amont (apports de pesticides, minéralisation, modification du pH…..). La principale tourbière de Charente-Maritime, à côté de Montendre, a ainsi beaucoup souffert des aménagements touristiques réalisés en bordure de l’étang où elle se trouve. Une petite tourbière, située sur la commune de Cercoux (17), a échappé de peu, il y a quelques années, à sa disparition, à la suite d’un aménagement d’une retenue DFCI.
L’exploitation de la tourbe ne semble plus être d’actualité, mais il reste nécessaire de se montrer vigilant.

Statut régional

Habitat rarissime et toujours fragmentaire en région Poitou-Charentes.

16 : micro-tourbières des landes de la Borderie en Charente limousine (commune de Montrollet)
17 : tourbière de l’étang Baron Desqueyroux (Montendre)
86 : micro-tourbière au sein de la RN du Pinail.

Les rhynchospores sont des Cypéracées très rares en région Poitou-Charentes, en général liés aux complexes de tourbières acides et de landes tourbeuses

 

Prairie oligotrophe à Molinie

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie -écologie

La Molinie bleue (Molinia caerulea) est une graminée sociale indifférente au pH mais dépendante des sols pauvres en éléments nutritifs et engorgés ou temporairement humides. On la rencontre dans des milieux aussi variés que les bois humides, les bas marais ou les landes humides. Mais elle est surtout une espèce typique des prairies humides non fertilisées soumises à des fluctuations de niveau d’eau qui se développent aux abords des nappes phréatiques. Sa préférence marquée pour les biotopes ouverts et ses exigences écologiques propres (présence d’eau et pauvreté des nutriments) lui ont valu d’attribuer son nom à un habitat élémentaire particulier, la « prairie oligotrophe à Molinie », représenté par une formation herbeuse caractéristique, la Moliniaie.

Du point de vue de sa physionomie, la Moliniaie est une formation relativement basse et diversifiée quand elle est régulièrement entretenue par le pâturage où par la fauche. Elle regroupe alors tout un cortège d’espèces parmi lesquelles la Molinie bleue reste discrète. Par contre, l’arrêt de ces modes d’exploitation profite rapidement à la Molinie qui devient alors dominante, constituant une prairie dense et haute (jusqu’à 1, 50 m), puis exclusive, particulièrement sur les terrains siliceux, pour ne plus former qu’une friche très appauvrie et facilement reconnaissable à ses touffes élevées caractéristiques (touradons).

Du point de vue de sa composition floristique, la prairie oligotrophe à Molinie regroupe de nombreuses associations végétales autour d’un ensemble d’espèces relativement constant, parmi lesquelles des Cypéracées (Carex panicea, Cyperus longus…) mais aussi une assez grande diversité de dicotylédones (Cirsium dissectum, Potentilla erecta, Scorzonera humilis, Succisa pratensis, Valeriana dioïca). Ainsi, en Poitou-Charentes, on dénombre pas moins de 7 variantes différentes selon le pH, les gradients d’atlanticité, de trophisme, de topographie, d’hydromorphie ou encore en fonction de la dynamique végétale. La présence des espèces indicatrices en abondance ou au contraire des espèces discriminantes est donc essentielle pour qualifier l’habitat et le dissocier d’autres groupements où la Molinie bleue, qui dispose d’une relative amplitude écologique, peut être également présente. La classification phytosociologique actuelle regroupe chacune de ces variations spécifiques dans deux grands ensembles déterminés par les conditions édaphiques.

On distingue ainsi plus précisément au niveau régional ;

  • les prairies à Molinie neutres ou basiques (Eu-molinion) présentes sur les sols neutres, calcaires ou marneux, humides et peu perméables, existant au contact des nappes ou en périphérie des bas marais alcalins. Les associations de ces prairies peuvent présenter une forte diversité floristique du fait de la présence possible d’espèces communes avec les pelouses calcicoles mésophiles (34-32) et les bas marais alcalins (54-2) comme par exemple Anacampsis palustris, Dactylorhiza fuchsii, Inula salicina, Galium boreale, Genista tinctoria, Gentiana pneumonanthe, Juncus subnodulosus, Parnassia palustris, ou encore Sanguisorba officinalis.

Les formations régionales les plus caractéristiques concernent les pelouses hygrophiles et thermophiles subméditerranéennes (6410-4) qui occupent les milieux forestiers ouverts (en lisière ou issues de la déforestation) et qui rassemblent :

– le pré à Chlore perfoliée et Silaüs des prés (BLACKSTONIO-SILAETUM SILAI), qui comprend lui-même une variation à Lotier maritime, Lotier fin, Laîche tomenteuse, Cirse acaule et Iris maritime sur les calcaires marneux, une autre variation à Bruyère à balais, Choin noircissant, Peucédan des cerfs et Genêt couché sur terrains sidérolithiques et une troisième variation régionale à Carvi verticillé et Scorsonère humble sur substrat paratourbeux,

– le pré à Potentille rampante et à Canche moyenne (POTENTILLO-DESCHAMPSIETUM MEDIAE) sur les sols marneux plus tassés, association complétée par la Centaurée des prés et la Brunelle à feuille d’hysope.

  • les prairies à Molinie acidiphiles (Junco-Molinion) qui se développent à la marge des zones humides et des étangs sur les terrains primaires (granite, gneiss, schistes, sables…). Le cortège des espèces constantes de ces prairies acidiphiles est constitué par Scorzonera humilis et Cirsium dissectum dans des parties soumises à une relative sècheresse et par Juncus acutiflorus et Carum verticillatum dans les secteurs plus longuement engorgés. Ces associations sont complétées par Cirsium palustre, Galium uliginosum, Lotus uliginosus, Valeriana dioica et par diverses espèces prairiales hygrophiles qui acceptent des sols moyennement oligotrophes à oligotrophes.

Certaines espèces caractéristiques permettent de définir plusieurs sous-types au sein de cet ensemble :

les prés humides et bas marais acidiphiles atlantiques (6410-6) représentatifs des systèmes prairiaux ou tourbeux qui rassemblent le pré à Cirse des anglais et à Scorzonère humble (CIRSIO-SCORZONERETUM HUMILIS), le bas marais à Carvi verticillé et à Joncs à fleurs aigües (CARO-JUNCETUM ACUTIFLORI), le bas marais à Mouron délicat et à Grassette du Portugal (ANAGALLIDO-PINGUICULETUM LUSITANICAE) ;

les pairies ouvertes acidiphiles atlantiques (6410-7) caractéristiques des landes et forêts hygrophiles ouvertes et qui comprennent le pré à Lobélie brûlante et à Agrostide des chiens (LOBELIO-AGROSTIETUM CANINAE) et, peut-être, le pré à Laîche ponctuée et à Agrostide des chiens (CARICI-AGROSTIETUM CANINAE) ;

le pré humide atlantique amphibie (6410-8) qui caractérise les bords d’étangs ou de mares oligotrophes, au-dessus des ceintures amphibies à Littorelle, et qui comprend le bas marais à Canche des marais et à Agrostide des chiens (DESCHAMPSIO-AGROSTIETUM CANINAE) ;

la moliniaie hygrophile atlantique (6410-9) représentative des landes et forêts temporairement humides, dominée par la Molinie bleue et le Carvi verticillé (CARO-MOLINIETUM CAERULEAE) ;

le pré humide thermo-atlantique sur sol à assèchement estival (6410-10) présent dans les landes et forêts temporairement humides, représenté par la moliniaie à Bruyère à balais (ERICO-MOLINETUM CAERULEAE) ;

la moliniaie acidiphile subatlantique à pré-continentale (6410-13) observée dans les landes et forêts ouvertes hygrophiles sur argile et représentée par le pré sub-forestier à Succise des prés et Silaüs des prés (SUCCISO-SILAEETUM SILAI).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • MOLINIO CAERULAE – JUNCETEA ACUTIFLORI, Br.-Bl. 1950 : prairies hygrophiles à mésohygrophiles sur sol oligotrophe à mésotrophe.
    • Juncion acutiflori Br.-Bl. & Tüxen 1952 : communautés atlantiques sur sol mésotrophe
    • Molinion caeruleae Koch 1926 : communautés sur sol paratourbeux, basique, oligotrophe
    • Deschampsio mediae-Molinion arundinaceae de Foucault 1984 : communautés basses, paratourbeuses, thermophiles

COR 1997

  • 37.22 Prairies à Jonc acutiflore
  • 37. 31 Prairies à Molinie et communautés associées
    • 37. 311 Prairies à Molinie sur calcaire
    • 37. 312 Prairies à Molinie acidiphiles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6410 « Prairies à Molinia sur sols calcaires, tourbeux ou argilo-limoneux »

Confusions possibles

La Molinie bleue étant une espèce très compétitive et relativement tolérante aux modifications du régime hydrique, sa seule présence est insuffisante pour qualifier l’habitat. Pour éviter toute confusion avec d’autres groupements, la Molinie doit être accompagnée par les autres espèces indicatrices du cortège. Lorsque ces espèces sont présentes en quantité, l’habitat alors est facilement identifiable. Mais il devient plus difficile à dissocier notamment des autres prairies humides lorsque les espèces indicatrices deviennent moins abondantes suite à la dégradation des facteurs écologiques essentiels à leur maintien, comme par exemple, en cas d’assèchement progressif du milieu (drainage) ou d’apports organiques (eutrophisation).

Par ailleurs, la prairie à Molinie est un habitat parmi d’autres à
l’intérieur des milieux oligotrophes humides. Au sein de cette mosaïque, il est parfois délicat de la différencier des autres groupements avec lesquels elle entre en contact. En outre, elle présente souvent des stades d’évolution ou de transition particulièrement difficiles à discerner et peut alors être aisément confondue avec des groupements très proches qui traduisent une dynamique progressive ou régressive (moliniaie landicole ou moliniaie tourbeuse). A ce titre, en présence de stades très évolués, lorsque la Molinie est devenue presque exclusive, il faut prendre garde à ce qu’elle ne dissimule pas en réalité un autre groupement comme cela peut être le cas, par exemple, sur certains secteurs marneux ou tourbeux dégradés à la suite d’un drainage.

Dynamique

Dans sa configuration type, la prairie oligotrophe à Molinie est le résultat de l’action anthropique dans le processus d’évolution naturelle. Lorsque la prairie n’est plus régulièrement entretenue par le pâturage ou par la fauche, la dynamique végétale conduit au remplacement des espèces prairiales caractéristiques par une friche à Molinie très dense, un groupement paucispécifique presque exclusivement constitué par la Molinie bleue. Ce groupement peut évoluer en lande humide ou plus directement en fourré hygrophile composé de saules, de bouleaux ou de trembles. L’évolution spontanée conduira à terme à l’apparition d’une chênaie oligotrophe.

Mais la dynamique végétale peut être compromise par l’action de l’homme lorsque celui-ci intervient sur les facteurs écologiques permettant l’expression de l’habitat comme par exemple en drainant la parcelle ou en l’amendant. Ces pratiques conduisent au remplacement des espèces indicatrices par d’autres espèces et groupements de valeur patrimoniale moindre sans pour autant faire disparaître la Molinie bleue. Au contraire, la prolifération de la Molinie ou du Jonc acutiflore peut traduire un assèchement ou un enrichissement excessif de la prairie humide acide ou du bas marais au détriment des groupements caractéristiques.

Espèces indicatrices

[plante2] Agrostis canina, *Allium ericetorum, Anacamptis laxiflora, *Carex binervis, Carex flacca, Carex panicea, *Carex punctata, Carum verticillatum, Cirsium dissectum, Cirsium tuberosum, Cyperus longus, *Deschampsia media, *Deschampsia setacea, *Dianthus superbus, *Galium boreale, Galium debile, *Gentiana pneumonanthe, Hydrocotyle vulgaris, Inula salicina, *Iris sibirica, Juncus acutiflorus, *Juncus squarrosus, Juncus subnodulosus, Lobelia urens, Molinia caerulea, *Nardus strica, Pedicularis sylvatica, *Potentilla anglica, Potentilla erecta, Ranunculus flammula, Sanguisorba officinalis, Scorzonera humilis, Scutellaria minor, *Selinum carvifolia, Senecio erucifolius, Serratula tinctoria subsp. tinctoria, Silaum silaus, Succisa pratensis, Veronica scutellata, *Valeriana dioica.
[plante1] *Anacamptis palustris, Angelica sylvestris, Baldelia ranunculoides subsp. reptans, Blackstonia perfoliata, Calluna vulgaris, Carex pallescens, *Carex pulicaris, Carex tomentosa, Centaurea thuillieri, Cirsium palustre, Colchicum autumnale, Dactylorhiza fuchsii, Dactylorhiza maculata, Deschampsia cespitosa, *Drosera intermedia, Eleocharis multicaulis, Eleocharis palustris, *Epilobium palustre, Erica ciliaris, Erica scoparia, Erica tetralix, Galium uliginosum, Genista tinctoria, *Gratiola officinalis, *Iris spuria subsp. maritima, Juncus conglomeratus, Lathyrus pannonicus, Lotus maritimus, Lotus uliginosus, Mentha arvensis, Oenanthe fistulosa, Ophioglossum vulgatum, *Parnassia palustris, Potentilla reptans, *Prunella hyssopifolia, *Pinguicula lusitanica, *Stellaria palustris, *Taraxacum palustre, *Trifolium patens, Ulex minor, Ulex gallii, Viola lactea, *Viola palustris.
[briophytes] Moliniaies neutres ou basiques : Bryum pseudotriquetrum, Calliergonella cuspidata, Campylium stellatum, Drepanocladus lycopodioides, Fissidens adianthoides

Moliniaies acidiphiles : Aulacomnium palustre, Calliergonella cuspidata, Dicranum bonjeanii, Drepanocladus aduncus, Sphagnum auriculatum

[lepidopteres] Coenonympha oedippus, Euphydryas aurinia, Heteropterus morpheus, Maculinea alcon, Maculinea teleius
[orthopteres] Mecostethus parapleurus, Chorthippus parallelus, Metrioptera roeselii, Pteronemobius heydenii, Ruspolia nitidula, Stethophyma grossum
[champignons] Agrocybe pediades

Valeur biologique

Les prairies oligotrophes à Molinie constituent des biotopes semi-naturels dont les surfaces ont considérablement régressé à l’échelle régionale au cours de ces dernières décennies.
D’un point de vue floristique, l’habitat offre une grande diversité notamment dans les milieux calcaires. Il abrite des cortèges d’espèces originaux qui recherchent le mode de fonctionnement hydrique de ces prairies à niveau variable et qui sont très sensibles à l’eutrophisation. Avec 27 espèces figurant sur la Liste Rouge Régionale dont 4 protégées au niveau national et 3 au niveau régional, sa richesse en plantes rares/menacées est exceptionnelle.

D’un point de vue faunistique, les différents types de moliniaies
hébergent également des espèces patrimoniales comme le Damier de la Succise ou l’Azuré des mouillères, deux espèces de papillons emblématiques protégés au niveau national et européen. En outre, ces prairies font partie d’un véritable ensemble fonctionnel avec d’autres habitats de zones humides oligotrophes comme les bas marais, les landes humides ou les tourbières dont l’intérêt patrimonial n’est plus à démontrer.

Pour ces raisons, les prairies oligotrophes à Molinie ont une valeur patrimoniale très élevée. Elles représentent aujourd’hui un habitat rare et disséminé en Poitou-Charentes qui nécessiterait des mesures de préservation strictes.

Menaces

Au siècle dernier, les prairies à Molinie étaient fauchées pour produire un foin de qualité nutritive médiocre ou, plus souvent, pour faire de la litière. Depuis quelques décennies toutefois, ces prairies « maigres » ne correspondent plus aux besoins d’un élevage moderne productif. La valorisation de ces sols pauvres a donc été à l’origine du remplacement presque systématique des prairies à Molinie par des cultures plus rentables et productives impliquant le drainage des parcelles et l’apport d’engrais chimiques et organiques. Les dernières prairies à Molinie qui subsistent encore sont donc menacées par l’évolution des pratiques agricoles et par les modes de gestion qui influent sur le régime hydrique (pompage excessif des nappes phréatiques) ou sur le trophisme (pâturage intensif, épandages, eutrophisation des eaux). A l’inverse, l’absence totale de gestion (déprise) aboutit à la fermeture du milieu et à son boisement progressif.

La conservation de l’habitat passe donc par le maintien de l’alimentation et du niveau d’eau ainsi que par une gestion adaptée (usage agricole extensif) enrayant la dynamique spontanée de la végétation.

Statut régional

L’habitat est très disséminé sur l’ensemble de la région : les sous-types acidiphiles, bien qu’en fort déclin, restent assez répandus alors que le sous-type calcicole est beaucoup plus localisé.

17 : landes de Cadeuil, landes de Montendre, prairies de la Double Saintongeaise

16 : Confolentais, Double Charentaise, Pays Bas (forêt de Jarnac et environs), vallée de la Boême

79 : prairies de Gâtine et de l’Argentonnais, communal de Périgné, communal des Bouasses

86 : Montmorillonnais, vallée de la Bouleur

 

Prairie humide Atlantique eutrophe

Rédacteur : David Suarez

Physionomie -écologie

Cet habitat se développe généralement sur les sables et limons du lit majeur des grands et moyens cours d’eau soumis aux inondations hivernales, mais aussi de façon plus ponctuelle et fragmentaire en bordure des ruisseaux et rivières de moindre importance, ou parfois en queue d’étang. Il s’agit de milieux herbacés dont la dynamique est bloquée au stade prairial par l’action humaine et qui, lorsque les conditions stationnelles et le mode de gestion (fauche annuelle) sont optimums, se présentent sous la forme de prairies denses et hautes à grande diversité floristique, et dont la floraison débute de mars (fin des inondations) avec la Fritillaire pintade et s’étend jusqu’à juin (période traditionnelle de fauche). La variabilité de ces prairies est très importante et dépend principalement de 2 facteurs :

La présence d’inondations hivernales est indispensable car elles apportent une couche de limons qui enrichit le sol et favorise le développement d’une flore spécialisée à dominante d’hémicryptophytes, gourmande en éléments nutritifs et adaptée à l’immersion prolongée. En cas d’absence d’inondations, ou si leur durée est courte, on observe une modification de la structure des prairies, qui évoluent vers la prairie méso-hygrophile à mésophile, nettement moins productive en biomasse végétale.

Le mode de gestion des prairies humides influe directement sur la physionomie de l’habitat :

– lorsqu’elles sont fauchées, on observe un cortège appartenant au BROMION RACEMOSI, avec différents faciès : prairies à Séneçon aquatique Senecio aquaticus et Fritillaire pintade Fritillaria meleagris sur alluvions calcaires (fleuve Charente et ses affluents), prairies à Jonc diffus Juncus effusus sur sols eutrophisés par les intrants agricoles, prairies à Jonc noueux Juncus subnodulosus sur sols paratourbeux et prairies à Scirpe des bois Scirpus sylvaticus sur alluvions et sables acides issus du massif central (bordure nord-est de la Charente et sud-est de la Vienne) et du massif armoricain (nord des Deux-Sèvres). En cas d’abandon des fauches annuelles, on observe des prairies de transition à Populage des marais Caltha palustris et Oseille crépue Rumex crispus, qui évolue rapidement vers la mégaphorbiaie eutrophe puis vers la forêt alluviale.

– lorsqu’elles sont pâturées, généralement par des bovins en Poitou-Charentes, le cortège végétal des prairies humides est moins diversifié : les joncs, peu appréciés par les bêtes, dominent souvent (Juncus effusus, J. conglomeratus, J. inflexus…), accompagnés par la Renoncule âcre Ranunculus acris.

Les prairies humides artificielles, semées de graminées à haute valeur fourragère (Grande Fétuque Festuca arundinacea, ray-grass) et engraissées chimiquement, constituent également une variante de cet habitat, sans grande valeur biologique. Elles sont souvent pâturées de façon intensive.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • AGROSTIETEA STOLONIFERAE Th. Müll. & Görs 1969 : prairies méso- à eutrophes des sols engorgés ou inondables
    • Potentillo anserinae-Polygonetalia avicularis Tüxen 1947 : inondations de courte durée
      • Bromion racemosi Tüxen in Tüxen & Preising 1951 : prairies fauchées
      • Alopecurion utriculati Zeidler 1954 : prairies thermo-atlantiques
      • Potentillion anserinae Tüxen 1947 : prairies piétinées et pâturées, méso-hygrophiles, eutrophes
      • Mentho-Juncion inflexi Müller & Gors 1969 ex de Foucault 1984 : prairies pâturées neutroclines
    • Eleocharitetalia palustris de Foucault 1984 : prairies longuement inondables
      • Oenanthion fistulosae de Foucault 1984 : communautés atlantiques

COR 1991

  • 37. 21 Prairies humides atlantiques et sub-atlantiques
    • 37. 214 Prairies à Séneçon aquatique (SENECIONETUM AQUATICI)
    • 37. 217 Prairies à Juncus effusus (EPILOBIO-JUNCETUM EFFUSI)
    • 37. 218 Prairies à Jonc subnoduleux (JUNCETUM SUBNODULOSI)
    • 37. 219 Prairies à Scirpus sylvaticus
  • 37. 22 Prairies à Jonc acutiflore (JUNCION ACUTIFLORI)
  • 37. 24 Prairies à Agropyre et Rumex (AGROPYRON-RUMICION CRISPI pp.)
    • 37. 241 Colonies de Juncus effusus, J. conglomeratus, J. inflexus des prairies fortement pâturées
    • 37. 242 Prairies inondables à Agrostis stolonifera, Festuca arundinacea…
  • 37. 25 Prairies humides de transition à hautes herbes (CALTHION). Prairies abandonnées évoluant vers 37. 1
  • 81. 2 Prairies humides améliorées (pâturage intensif humides, souvent drainés)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc

Confusions possibles

Les prairies humides atlantiques peuvent être confondues avec d’autres habitats herbacés avec lesquels elles sont souvent en contact direct : les mégaphorbiaies eutrophes et marécageuses, qui se distinguent par la quasi absence de graminées, mais dont certaines espèces végétales caractéristique se retrouvent dans le cortège des prairies (Filipendula ulmaria, Thalictrum flavum, Euphorbia villosa…), les prairies mésophiles qui peuvent se développer en contact sur des zones plus élevées, où lorsque les inondations hivernales se font plus rares et plus courtes, et dont le cortège est dominé par des espèces non hygrophiles (Dactylis glomerata, Arrhenatherum elatius, Leucanthemum vulgare…). Les prairies à molinie, dont la physionomie peut rappeler celles des prairies atlantiques, ne se développent que sur des sols tourbeux ou paratourbeux et la présence de la Molinie bleue Molinia caerulea suffit généralement à différencier ces deux habitats.

Espèces indicatrices

[plante2] *Achillea ptarmica, Agrostis stolonifera, Alopecurus pratensis, Anacamptis laxiflora, Bromus racemosus, Cardamine pratensis, Carex cuprina, Carex disticha, Carex hirta, *Carex vulpina, Eleocharis palustris, Festuca arundinacea, *Fritillaria meleagris, Galium palustre, *Gratiola officinalis, *Inula britannica, Juncus effusus, Juncus inflexus, Lotus uliginosus, Lysimachia nummularia, Mentha arvensis, Oenanthe fistulosa, Oenanthe silaifolia, Polygonum amphibium var. terrestre, Potentilla anserina, Ranunculus repens, Rumex crispus, Senecio aquaticus, Silene flos-cuculi, Teucrium scordium
[plante1] Althaea officinalis, Caltha palustris, Calystegia sepium, Centaurea thuillieri, Cirsium palustre, *Dactylorhiza incarnata, Epilobium hirsutum, Epilobium parviflorum, Equisetum palustre, Euphorbia villosa, Filipendula ulmaria, Iris pseudacorus, Galium debile, Galium palustre, Gaudinia fragilis, Juncus acutiflorus, Juncus conglomeratus, Juncus subnodulosus, Lathyrus pratensis, Lycopus europaeus, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Plantago major, Potentilla repens, Pulicaria dysenterica, Ranunculus acris, Ranunculus flammula, *Ranunculus ophioglossifolius, Scirpus sylvaticus, Solanum dulcamara, Stachys palustris, Thalictrum flavum, Valeriana officinalis, Veronica scutellata
[briophytes] Brachythecium mildeanum, Calliergonella cuspidata, Didymodon insulanus, Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii, Weisia squarrosa
[oiseaux] Cisticola juncidis, Crex crex, Motacilla flava, Saxicola rubetra
[amphibiens] Rana dalmatina, Rana temporaria
[lepidopteres] Lycaena dispar
[orthopteres] Chorthippus dorsatus, Chorthippus parallelus, Conocephalus discolor, Mecostethus parapleurus, Metrioptera roeselii

Dynamique

Les prairies humides atlantiques sont issues de défrichements souvent anciens des complexes forestiers hygrophiles qui peuplaient autrefois le lit majeur des cours d’eau. En l’absence d’actions anthropiques (pâturage, fauche), elles évoluent rapidement vers la mégaphorbiaie, puis vers le fourré hygrophile, dominé par les saules et les jeunes frênes, et enfin la forêt alluviale qui constitue le stade climacique de cette série de végétation. En cas de drainage, ou de modification notable du régime hydrique du cours d’eau avoisinant, on observe l’apparition d’espèces végétales plus mésophiles et à terme une prairie mésophile s’installe. En cas de boisement artificiel (peupleraie), le fort ombrage qui en résulte finit par appauvrir le cortège végétal, qui comporte de nombreuses espèces héliophiles.

Valeur biologique

Les prairies humides atlantiques, lorsqu’elles sont exploitées de façon extensive, sont des habitats à très forte valeur biologique : elles sont le lieu de reproduction de deux espèces emblématiques menacées d’extinction dans la région : le Râle des genêts Crex crex, dont il ne subsiste à l’heure actuelle qu’une vingtaine de couples nicheurs en Poitou-Charentes, et qui est strictement inféodé à cet habitat, et le Cuivré des marais Lycaena dispar, papillon menacé à l’échelle européenne et dont la chenille se nourrit sur les oseilles (Rumex ssp). Au niveau floristique, ces prairies accueillent encore de belles populations de Fritillaire pintade Fritillaria meleagris, liliacée en régression alarmante au niveau national. D’autres espèces rares, comme l’Achillée sternutatoire Achillea ptarmica, la Gratiole officinale Gratiola officinalis, la Renoncule à feuilles d’ophioglosse Ranunculus ophioglossifolius ou l’Inule d’Angleterre Inula britannica, y sont présentes de façon plus sporadique. Au printemps, les Grenouille rousse Rana temporaria et agile Rana dalmatina se rassemblent dans les cuvettes encore inondées pour y pondre. D’une façon générale, la forte diversité floristique de cet habitat attire tout un cortège d’invertébrés phytophages, qui sont à leur tour prédatés par de nombreux vertébrés insectivores : amphibiens, reptiles, oiseaux, chauves-souris… Les prairies humides atlantiques jouent donc un rôle très important dans la chaîne alimentaire des zones humides.

Menaces

Les prairies humides atlantiques, comme la plupart des habitats des zones humides, sont en régression alarmante en Poitou-Charentes, comme au niveau national. Les menaces sont nombreuses : la qualité nutritive et la teneur en eau des terrains sur lesquels elles se développent sont très favorables à la culture du maïs, et certaines vallées, autrefois très riches, ne sont aujourd’hui qu’une immense monoculture de maïs sans aucun intérêt biologique. Les plantations de peupliers, bien que moins traumatisantes, constituent elles aussi une menace importante pour cet habitat. La gestion hydraulique des cours d’eau (recalibrage, gestion du débit) peut s’avérer également défavorable en limitant les crues hivernales. Il est d’ailleurs étonnant de constater qu’un habitat aussi riche en biodiversité et menacé un peu partout en Europe ne soit pas inscrit à l’annexe 1 de la Directive « Habitats, Faune, Flore ».

Statut régional

Habitat disséminé sur l’ensemble de la région mais les derniers grands blocs, peu altérés par l’agriculture intensive ou les modifications hydrauliques, sont devenus rares. Ils ont fait l’objet, en général, d’une inscription aux grands inventaires de faune, de flore et d’habitats des trois dernières décennies (ZNIEFF, ZICO, ZPS, ZSC)

16 : moyenne vallée de la Charente, en amont et en aval d’Angoulême

17 : moyenne vallée de la Charente (de Cognac à Rochefort)

79 : vallées de la Boutonne, de l’Autize, du Thouet

86 : vallées de la Vienne, du Clain, de la Creuse, de la Gartempe

 

Prairie humide méditerranéenne à Scirpe en boule

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie -écologie

Physionomiquement, l’habitat a une structure de prairie hygrophile moyenne à haute (jusqu’à plus d’1m), plus ou moins ouverte et laissant voir le substrat entre les touffes des Cypéracées, des Joncacées ou des Graminées dominantes. La localisation topographique de l’habitat varie en fonction des 2 sous-types rencontrés dans la région : dépressions humides en arrière de systèmes dunaires vivants (Oléron) ou fossiles (baie d’Yves), ou cuvette dans des dépôts de la fin du Cénomanien (Cadeuil). Le substrat est à dominante sableuse – sables riches en calcite coquillère dans le 1er cas, sables quartzeux colorés par les oxydes de fer, de manganèse et de titane dans le second -, imprégné durant l’hiver et au début du printemps par une nappe fluctuante d’eau chargée en calcaire. La fraction organique est variable mais en principe faible (pas d’accumulation tourbeuse comme dans les bas-marais ou les tourbières), en raison du fort battement estival de la nappe et du pH élevé qui favorisent l’activité microbiologique et la minéralisation de la litière. La végétation est souvent structurée en mosaïque ouverte où de petites plantes annuelles à cycle court, très dépendantes des variations interannuelles de la nappe, forment parfois de micro pelouses fugaces au sein des touffes de joncs, de scirpes et de laîches. Celles-là connaissent surtout un développement printanier et disparaissent rapidement et à mesure de l’aggravation du déficit hydrique estival.

Régionalement, l’habitat se décline en 2 sous-types :

– au sein de dépressions interdunaires sub-inondables : communauté à Scirpe jonc et Choin noirâtre (HOLOSCHOENO-SCHOENETUM NIGRICANTIS) des situations primaires, avec accumulations organiques plus ou moins nettes (île d’Oléron), ou communauté à Samole de Valérand et Scirpe jonc (SAMOLO VALERANDI-SCIRPETUM HOLOSCHOENI), des situations secondaires (anciennes carrières de sable) sans accumulation organique (baie d’Yves) ; dans les 2 cas, l’habitat est en contact latéral avec ceux de la xérosère dunaire (dunes grises de Gascogne à Immortelle, Raisin de mer, Armoise de Lloyd) et, parfois (forêt de St Trojan à Oléron) en lien dynamique avec des aulnaies arrière-dunaires ; Les micro-pelouses à thérophytes associées, très originales, sont riches en Gentianacées – divers Blackstonia et Centaurium, dont autrefois Centaurium chloodes, aujourd’hui considérée comme disparue et au bord de l’extinction en France, le Trèfle bardane Trifolium lappaceum…

– au sein de bas-marais sur sables cénomaniens en situation arrière-littorale (le site de Cadeuil, aujourd’hui distant de la mer d’une quinzaine de kilomètres était en situation littorale lors de la transgression flandrienne quaternaire) : communauté à Laîche ponctuée et Scirpe jonc (CARICI PUNCTATAE-SCIRPETUM HOLOSCHONEI), associée à une micro-pelouse thérophytique avec le Scirpe sétacé Scirpus setaceus, la Chlore imperfoliée Blackstonia imperfoliata…

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • MOLINO CAERULEAE-JUNCETEA ACUTIFLORI Br.-Bl. 1950 : prairies hygrophiles à méso-hygrophiles, sur sol oligotrophe à mésotrophe
    • Holoschoenetalia vulgaris Br.-Bl. ex Tchou 1948 : communautés méditerranéennes
  • Molinio arundinacea-Holoschoenion vulgaris Br.-Bl. ex Tchou 1948 : communautés élevées mésohygrophiles méridionales.

COR 1991

  • 37.4 Prairies humides méditerranéennes à grandes herbes

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 6420-1 Prés humides littoraux thermo-atlantiques de Vendée et d’Aunis*(NB : synonyme p.p. avec le 2190-3 : Bas-marais dunaires )
  • 6420-2 Prés humides littoraux thermo-atlantiques des Landes et des Charentes

Confusions possibles

La situation arrière-dunaire du sous-type 6420-1 permet une identification aisée, d’autant plus que l’habitat occupe des cuvettes immédiatement reconnaissables au sein de grands ensembles dunaires. L’identification du sous-type 6420-2 est moins aisée car l’habitat occupe des situations moins typiques et souvent sur des surfaces moindres ; néanmoins, sa localisation sur le site unique de Cadeuil (des mentions en Double charentaise, dans les « landes de Montendre » demanderaient confirmation) doit faciliter les recherches : la présence de taches de Scirpe jonc Scirpus holoschoenus doit alors immédiatement attirer l’attention et stimuler la recherche de Carex punctata que sa couleur verdâtre rend plus cryptique.

Une confusion semble exister cependant sur la position exacte de l’habitat puisque les 2 communautés de l’HOLOSCHOENO-SCHOENETUM et du SAMOLO-SCHOENETUM sont rapportées au 6420-1 dans le Cahier des habitats agropastoraux (vol.2) et au 2190-3 dans le Cahier des habitats côtiers ! Leur rattachement aux habitats dunaires (2190-3) nous paraît logique d’un point de vue écologique global et du fait de leur localisation, alors que leur inféodation aux prairies humides (6420-1) résulte plus d’une approche purement botanique et d’une volonté de rapprocher dans une même entité ces 2 groupements du CARICI-SCIRPETUM aux côtés desquels ils voisinent en effet dans le synsystème phytosociologique. Le problème est identique à celui des forêts littorales à Pin maritime et Chêne vert qui peuvent être indifféremment classées avec les dunes (approche écologique), ou avec les forêts de conifères (approche floristique).

Dynamique

Pour le 6420-1 : en situations primaires sables (dunes d’Oléron), la dynamique semble très faible, du moins tant que la nappe aquifère garde un fonctionnement naturel (battement saisonnier lié aux seules variations de la pluviométrie) ; dans les situations secondaires où l’habitat s’est reconstitué sur le site d’anciennes carrières de sable creusées dans des cordons dunaires fossiles (baie d’Yves), une nette tendance à l’embroussaillement a lieu, tant par le haut, avec des espèces de fruticée méso-xérophile (Troëne, ronces, Aubépine monogyne), que vers le bas avec la forte dynamique du Saule roux dont les semences ont bénéficié de la mise à nu des sables lors de l’exploitation pour s’implanter.

Pour le 6420-2 : les sables de Cadeuil sont aujourd’hui activement exploités et les grandes fosses d’extraction qui trouent le site ont une double influence sur l’habitat ; directe, par la destruction de surfaces significatives (comme cela a été le cas au cours de la dernière décennie pour des secteurs situés à l’est de la route Rochefort-Royan) ; indirecte, par rabattement de la nappe, dont les effets peuvent se faire sentir, comme l’a montré une étude hydro-géologique, jusqu’à plus d’1 kilomètre du front de taille. L’assèchement du substrat peut alors entraîner une altération de la flore et, surtout, l’invasion de l’habitat par des espèces moins hygrophiles mais plus compétitives qui finiront par provoquer sa destruction.

Espèces indicatrices

[plante2] Anagalis tenella, *Blackstonia imperfoliata, Calamagrostis epigeios, Carex flacca, *Carex punctata, *Carex scandinavica, *Dactylorhiza incarnata, *Epipactis palustris, Hydrocotyle vulgaris, *Juncus anceps, Juncus maritimus, Juncus subnodulosus, *Liparis loeselii, *Salix arenaria, Samolus valerandi, Scirpus holoschoenus, *Sonchus maritimus, *Spiranthes aestivalis, *Teucrium scordium ssp.scordioides, *Trifolium lappaceum
[plante1] Agrostis stolonifera, *Anacamptis coriophora ssp.fragrans, *Anacamptis palustris, Blackstonia perfoliata, Carex arenaria, Centaurium erythraea, Centaurium pulchellum, Cladium mariscus, Cynodon dactylon, Epilobium parviflorum, Juncus articulatus, Juncus inflexus, *Juncus striatus, Lotus tenuis, Lotus uliginosus, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Mentha suaveolens, Molinia caerulea, Parentucellia viscosa, Phragmites australis, Potentilla reptans, Pulicaria dysenterica, Ranunculus flammula, Ranunculus sardous, Schoenus nigricans, Scirpus setaceus
[amphibiens] Hyla meridionalis, Pelobates cultripes

Valeur biologique

La prairie humide méditerranéenne est considérée comme un habitat menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE, dite « Directive Habitats ». En Poitou-Charentes, elle n’est présente que dans quelques rares sites du littoral de Charente-Maritime où les surfaces couvertes sont infimes (probablement pas plus de 20 ou 30 hectares en tout).

Sur le plan floristique, l’habitat présente une valeur très élevée comme biotope pour de nombreuses plantes rares ou menacées : le Liparis de Loesel Liparis loeselii y possède son unique localité régionale et l’Orchis odorant Anacamptis coriophora fragrans ou le Spiranthe d’été Spiranthes aestivalis leurs plus belles populations ; il est le « centre de dispersion » en Poitou-Charentes pour des plantes à l’écologie spécialisée comme le Jonc à 2 tranchants Juncus anceps, la Chlore imperfoliée Blackstonia imperfoliata, la Germandrée faux-scordium Teucrium scordioides ou le Trèfle bardane Trifolium lappaceum. Il était enfin le biotope de la Petite centaurée à fleurs serrées Centaurium chloodes, dont 153 pieds étaient encore comptés en 1963 en arrière de la baie de Bonne Anse, mais disparue depuis par l’invasion du milieu par le Séneçon en arbre, et considérée comme au bord de l’extinction en France (dernières stations dans les Landes et les Basses-Pyrénées).

Lorsqu’il est associé à des mares, l’habitat est fréquenté par le Crapaud à couteau Pelobates cultripes, un amphibien très localisé en France et inscrit à l’annexe II de la Directive Habitats.

Menaces

Bien que la plupart des sites abritant l’habitat bénéficient de mesures de protection et/ou de gestion conservatoire, celui-ci possède une grande sensibilité intrinsèque aux variations de certains facteurs, au premier rang desquels le fonctionnement hydrique : toute cause altérant ce fonctionnement – enfoncement excessif et prolongé de la nappe, pollution, eutrophisation par les intrants agricoles, salinisation – est susceptible d’avoir de sévères répercussions : altération des cycles bio-géochimiques, altération de la flore, stimulation de la dynamique etc. De ce point de vue, l’implantation de carrières (ou l’extension de carrières existantes) a un impact catastrophique sur l’habitat.

La plantation d’arbres (peupliers dans certaines dépressions arrière-dunaires) ou la simple dynamique naturelle dans des systèmes secondaires non stabilisés (SAMOLO-HOLOSCHOENETUM) sont également susceptibles de nuire à son état de conservation. Sur certains sites enfin (baie de bonne Anse) l’implantation de complexes résidentiels (la Palmyre dans les années 60) peut favoriser l’apparition de plantes exogènes invasives, parfois destructrices de l’habitat, comme ici le Séneçon en arbre Baccharis halimifolia.

Statut régional

L’habitat n’existe que sur le littoral de la Charente-Maritime où il est très rare et ne couvre que de toutes petites surfaces. Toutes ses occurrences figurent aux grands inventaires de faune et de flore récents (ZNIEFF, NATURA 2000).

17 : arrière-dunes de la forêt de St Trojan, réserve naturelle du Marais d’Yves, landes de Cadeuil

 

Mégaphorbiaie marécageuse

Rédacteur : Anthony Le Fouler

Physionomie -écologie

Il s’agit d’une formation herbacée naturelle à dominance de dicotylédones à larges feuilles et à inflorescences vives. Cette végétation inféodée aux zones humides atteint souvent plus d’un mètre de hauteur, avec un recouvrement important d’un petit nombre d’espèces. Elle se développe sur la partie supérieure des berges des cours d’eau, en lisière de forêts humides, dans les prairies hygrophiles en absence d’actions anthropiques et parfois dans les peupleraies à gestion extensive. La taille et la forme de cet habitat varient donc du linéaire sur de courtes distances à de grandes étendues spatiales. Les plantes caractéristiques des mégaphorbiaies sont pour la plupart des dicotylédones sociales très dynamiques. Elles colonisent avec vigueur les milieux humides dès leur abandon, et ce, particulièrement en situation exposée à la lumière (après une coupe par ex.) et sur des sols engorgés une grande partie de l’année. Cette végétation s’épanouit à partir de juin sur des sols profonds, enrichis annuellement par les débris des pousses de l’année. Les inondations occasionnelles apportent également des limons et de la matière organique. La production de biomasse dans ces milieux est souvent très importante. Malgré cette richesse en matières nutritives, les sols restent relativement pauvres en azote (milieu mésotrophe).

La flore des mégaphorbiaies marécageuses est relativement peu diversifiée, le fort pouvoir colonisateur des quelques plantes dominantes rendant ce milieu défavorable aux plantes de plus petite taille. Néanmoins, selon la nature et l’acidité du sol, cet habitat présente une certaine diversité en termes de composition floristique. Sur les sols alcalins, trois associations sont présentes dans la région. La mégaphorbiaie à Epilobe hirsute et Prêle géante (EPILOBIO HIRSUTI-EQUISETETUM TELMATEIAE) se rencontre en situation pionnière sur des substrats à texture très fine, surtout de type marneux, sur des sols frais à humides, voire suintants. La mégaphorbiaie à Grand Pigamon et Guimauve officinale (THALICTRO FLAVI-ALTHAEAETUM OFFICINALIS), est plutôt liée aux substrats limoneux des grandes vallées. La troisième association, d’influence thermo-atlantique, occupe les petites vallées des zones calcaires (EUPHORBIO VILLOSAE-FILIPENDULETUM ULMARIAE). Une mégaphorbiaie marécageuse liée aux sols acidiclines, le JUNCO ACUTIFLORI-FILIPENDULETUM ULMARIAE, se rencontre préférentiellement sur la zone armoricaine du département des Deux-Sèvres et présente une composition floristique différente, dominée par la Reine des près Filipendula ulmaria, le Jonc acutiflore Juncus acutiflorus et l’Oenanthe safranée Oenanthe crocata.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

FILIPENDULO ULMARIAE – CONVOLVULETEA SEPIUM Géhu & Géhu-Frank 1987

  • Filipenduletalia umariae de Foucault & Géhu : communautés mésotrophes des dépressions sujettes à inondation phréatique, sur sol riche en matière organique
    • Thalictro-Filipendulion ulmariae B. Foucault 1984

COR 1991

  • 37.1 Peuplements de Reine des prés et communautés associées

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 6430 Mégaphorbiaies hydrophiles d’ourlets planitiaires et des étages montagnard et alpin
    • 6430-1 Mégaphorbiaies mésotrophes collinéennes

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec les mégaphorbiaies eutrophes des eaux douces et les lisières forestières nitrophiles, des communautés végétales plutôt dominées par des espèces nitrophiles comme l’Ortie Urtica dioica et le Liseron des haies Calystegia sepium (37.7 – Lisières humides à grandes herbes). La végétation des mégaphorbiaies marécageuses est souvent en mélange avec celle des magnocaricaies. Le mode de pollinisation des plantes de ces deux habitats diffère et constitue donc un moyen de les distinguer : entomogamie (propagation des pollens par les insectes butineurs) pour les mégaphorbiaies et anémogamie (propagation des pollens par le vent) pour les magnocaricaies. Il existe également une difficulté de caractérisation de l’habitat lorsque celui-ci se présente sous la forme intermédiaire entre une prairie humide récemment abandonnée et la mégaphorbiaie. Ce cas de figure peut parfois être rattaché au Calthion palustris (37.25 – Prairies humides de transition à hautes herbes). De manière générale, une mégaphorbiaie marécageuse ne présente pas ou très peu de graminées prairiales.

Dynamique

Les mégaphorbiaies sont des communautés transitoires qui s’inscrivent dans une dynamique de boisements humides. En conditions défavorables, les plantes de cet habitat se maintiennent dans des refuges : en lisières forestières, sur les chemins ou encore disséminées dans les prairies. La mégaphorbiaie débute sa reformation dès l’abandon des activités pastorales sur les prairies humides ou lors de la destruction de forêts riveraines due aux crues ou aux coupes forestières. Dans de bonnes conditions de luminosité et d’hygrométrie, des plantes vigoureuses colonisent alors rapidement le milieu perturbé ou délaissé. Les espèces prairiales et forestières sont rapidement exclues du cortège. Dans une dynamique naturelle, la mégaphorbiaie va être peu à peu colonisée par des espèces arbustives capables de supporter les contraintes hydriques du sol (saules, Bourdaine, Viorne obier, Nerprun purgatif). Ces fourrés marécageux vont quant à eux évoluer jusqu’à un stade forestier mature : chênaie-frênaie-ormaie ou aulnaie-frênaie.

Espèces indicatrices

[plante2] *Aconitum lycoctonum, *Aconitum napellus, Althaea officinalis, Angelica sylvestris, Epilobium hirsutum, Equisetum telmateia, Eupatorium cannabinum, *Euphorbia palustris, Euphorbia villosa, Filipendula ulmaria, *Lathyrus palustris, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Oenanthe crocata, *Petasites hybridus, Stachys palustris, Symphytum officinale, Thalictrum flavum
[plante1] Achillea ptarmica, Caltha palustris, Cardamine pratensis, Equisetum palustre, Iris pseudacorus, Juncus acutiflorus, Juncus effusus, Heracleum sphondylium, Lychnis flos-cuculi, Lysimachia nummularia, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Polygonum amphibium, Polygonum bistorta, Ranunculus acris, Ranunculus flammula, Ranunculus repens, Rumex acetosa, Urtica dioica
[briophytes] Amblystegium riparium, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii
[mammiferes] Arvicola sapidus, Lutra Lutra, Micromys minutus, Mustela lutreola
[reptiles] Natrix maura, Natrix natrix
[oiseaux] Acrocephalus scirpaceus, Cisticola juncidis, Locustella lucinioides
[lepidopteres] Aglais urticae, Araschnia levana, Proserpinus proserpina, Thersamolycaena dispar
[orthopteres] Conocephalus discolor, Conocephalus dorsalis, Mecostethus parapleurus, Metrioptera roeseli, Paracinema tricolor, Stetophyma grossum
[mollusques] Helix pomatia, Hygromia limbata, Succinea putris, Vertigo antivertigo, Vertigo moulinsiana
[coleopteres] Oplia caerulea

Valeur biologique

Les plantes des mégaphorbiaies, vigoureuses et à feuillage dense, forment souvent des groupements végétaux peu diversifiés, avec une nette dominance d’un petit nombre d’espèces. Bien que cet habitat présente une diversité floristique modeste, il héberge potentiellement quelques plantes rares qui lui sont plus ou moins inféodées : Euphorbe des marais Euphorbia palustris, Gesse des marais Lathyrus palustris ou Aconit napel Aconitum napellus, cette dernière très rare et connue d’une unique localité du centre-est de la Charente. Sa capacité d’accueil pour la faune invertébrée est également remarquable : les espèces végétales constitutives, avec leur floraison abondante et leur production élevée, sont une ressource alimentaire essentielle pour les insectes pollinisateurs et phytophages. Leur présence entraîne par la suite celle des insectivores (oiseaux, micromammifères) et des prédateurs associés (Couleuvre à collier, Couleuvre vipérine). Les mégaphorbiaies jouent également un rôle non négligeable dans l’épuration des eaux.

Menaces

La mégaphorbiaie marécageuse est un milieu naturel. Donc, toutes activités agropastorales (fauche, pâturage,…) sont considérées comme des causes de dégradation, voire de destruction de l’habitat. Or, l’exploitant agricole est plus souvent tenté d’agir sur ses prairies à hautes herbes, compte tenu de leur très faible valeur fourragère. La mégaphorbiaie est également un milieu humide. Ainsi, toutes modifications du régime hydraulique des vallées et terrasses alluviales concourent à leur disparition (réduction des inondations du lit majeur, drainage des prairies, endiguement des cours d’eau,…). L’eutrophisation de l’eau (liée à des pollutions diverses) peut conduire au passage à des types de mégaphorbiaies eutrophes. Cette tendance est observée sur de nombreuses rivières du fait des multiples rejets : agricoles (engrais), domestiques (eaux usées non traitées) ou industriels. Même si certaines mégaphorbiaies peuvent se maintenir dans les peupleraies, la plupart du temps, ces dernières sont exploitées de manière intensive (recours aux produits chimiques pour la maîtrise de la végétation herbacée et semis trop denses des peupliers diminuant ainsi l’éclairage favorable aux plantes héliophiles). Les mégaphorbiaies riveraines peuvent enfin être victimes de l’envahissement par des plantes exotiques qui utilisent les vallées comme couloirs de dispersion et peuvent supplanter les espèces indigènes : la Balsamine de l’Himalaya Impatiens glandulifera et la Renouée du Japon Reynoutria japonica sont de ce point de vue les espèces les plus agressives ; elles sont maintenant bien implantées dans le bassin de la Vienne et dans le nord des Deux-Sèvres, notamment. En conséquence, les mégaphorbiaies marécageuses sont en nette régression, et ce particulièrement dans les zones d’agriculture intensive où les prairies sont surexploitées, asséchées ou peu à peu transformées en cultures. Seules les zones humides en déprise agricole, comme localement dans la Venise Verte (79), voient leur surface de mégaphorbiaies s’étendre, mais si, et seulement si, celles-ci ne font pas l’objet – comme c’est souvent le cas – d’une valorisation économique par la plantation de peupliers.

Statut régional

L’habitat est dispersé sur l’ensemble du territoire concerné, notamment le long des principaux cours d’eau :

16 : Charente, Antenne, Tardoire, Né, Echelle, Boëme, Tude, Lizonne

17 : Charente, Boutonne, Antenne, Seugne, Lary, Palais

79 : Argenton, Thouet, Thouaret, Sèvre niortaise, Dive, Autize

86 : Vienne, Clain, Gartempe, Clouère, Vonne, Boivre, Auxances, Salleron

 

Dépressions sur substrat tourbeux

Rédacteur : Pierre Plat

Physionomie-écologie

Les communautés à Rhynchospora alba, pionnières, se développent sur des zones de sol nu au sein des landes humides ou des sources suintantes, sur sols acides. Elles sont généralement imbriquées dans une mosaïque complexe d’habitats où elles profitent des zones décapées naturellement par le ruissellement ou artificiellement par le passage d’animaux (sentiers, abreuvoirs…), voire par un étrépage intentionnel à but conservatoire.

La végétation présente l’aspect d’une pelouse hygrophile rase, plus ou moins ouverte, où les phanérogames sont souvent mêlées d’algues et de bryophytes. La présence de plusieurs plantes carnivores (genres Drosera et Pinguicula) est remarquable, de même que celle de petites Cypéracées du genre Rhynchospora, qui trouvent dans cet habitat leur biotope exclusif.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • SCHEUCHZERIETALIA PALUSTRIS NORDH. 1936
    • Rhynchosporion albae W.Koch 1926 : communautés des gouilles des tourbières de transition

CORINE 1991

  • 54.6 Communautés à Rhynchospora alba (RHYNCHOSPORION ALBAE)

Directive Habitats 1992

7150 Dépressions sur substrat tourbeux du Rhynchosporion

Confusions possibles

L’identification est relativement facile par la présence de plages de sol nu, détrempé, et par l’abondance de certaines espèces comme
les rhynchospores et les droséras.

Dynamique

Dans la plupart des cas, les surfaces sont réduites et quand les conditions d’hydromorphie changent (drainage, sylviculture) l’envahissement par des plantes plus compétitives (bruyères, laîches, bouleaux, molinie, pins, saules, ronces) est rapide. Une dynamique régressive est également possible par une surfréquentation régulière des grands mammifères (piétinement, bauges…).

Espèces indicatrices

[plante2] Anagallis tenella, *Carex echinata, Carex laevigata, *Drosera intermedia, *Drosera rotundifolia, Epilobium obscurum, *Eriophorum angustifolium, Hypericum helodes, *Lycopodiella inundata, Myosotis secunda, *Pinguicula lusitanica, Potamogeton polygonifolius, *Rhynchospora alba, *Rhynchospora fusca
[plante1] Carex demissa, Carex hostiana, Carex pulicaris, Coeloglossum viride, Erica tetralix, Hydrocotyle vulgaris, Isolepis setacea, Juncus acutiflorus, Juncus bulbosus, Molinia caerulea, Orchis laxiflora
[briophytes] Aulacomnium palustre, Campylium polygamum, Sphagnum palustre, Sphagnum subnitens, Sphagnum subsecundum
[orthopteres] Pteronemobius heydenii
[arachnides] Dolomedes fimbriatus

Valeur biologique

Cet habitat naturel est extrêmement rare et menacé à l’échelle régionale, ainsi qu’au niveau national et européen (inscrit à l’Annexe I de la Directive habitats). Il est souvent associé à d’autres habitats humides et sert de refuge pour des espèces végétales et animales originales souvent rares et menacées à l’échelle régionale et nationale, et bénéficiant parfois d’un statut de protection. Cet habitat et les espèces associées font partie de la biodiversité remarquable de la région Poitou-Charentes.

Menaces

Cet habitat, comme les tourbières de transition, a connu un important déclin au cours du XXème siècle. Certaines parcelles inscrites, il y a trente ans, à l’inventaire des ZNIEFF du Poitou-Charentes ont aujourd’hui disparu, le plus souvent victimes d’une forme ou l’autre de mise en valeur économique (drainage, remblai, création d’étang…).

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, cet habitat est très rare et n’occupe que de très faibles surfaces.

16 : landes de la Double charentaise

17 : landes de Montendre, landes de Cadeuil

79 : apparemment absent (les espèces indicatrices de l’habitat ne sont pas connues de ce département)

86 : source diffuses (appelées « pâtis ») sur la bordure limousine, rives d’étangs du Montmorillonnais

La Rhynchospore blanche Rhynchospora alba et la Rhynchospore brune Rhynchospora fusca forment les 2 seules espèces du genre présentes en France ; en Poitou-Charentes, ce sont 2 espèces extrêmement rares, strictement localisées aux dépressions tourbeuses.

 

Tourbières de transition

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les tourbières de transition sont des habitats qui occupent les dépressions humides. Elles sont alors alimentées par les eaux de la nappe phréatique (soligènes) et par les eaux de pluie (ombrogènes). Les eaux de pluies très peu minéralisées confèrent au milieu des conditions de pH plutôt acides. Cet habitat se développe donc dans des conditions intermédiaires entre oligotrophie et mésotrophie, acides à neutres (entre pH 4,5 et pH 7,5). Les tourbières de transition se rencontrent donc, soit sur des milieux terrestres mais toujours engorgés en eau formant des pelouses ou gazons tremblants, soit à la surface des eaux stagnantes telles que les mares ou les étangs alimentés par les eaux de pluie ou par une nappe perchée, soit en contexte de pente sur des affleurement argileux (plus rare). Les tourbières alcalines peuvent aussi s’acidifier localement lorsque l’eau collectée en surface est principalement d’origine météorique. Les tourbières de transition occupent alors des superficies variables, de quelques dizaine de cm², en mosaïque ou en périphérie des mares, avec des superficies beaucoup plus grandes dans le cas de radeaux. La végétation dominée par les sphaignes forme des bombement ou des buttes en mélange avec des cypéracées de petite à moyenne taille, constituant ainsi des pelouses ou gazons tremblants sur milieux terrestres et des radeaux ou tremblants lorsque les cariçaies de transition se développent à même la surface de l’eau. Cette accumulation de sphaignes permet une formation active de tourbe suite à la décomposition partielle de ces bryophytes. Cet habitat peut présenter un micro-relief assez varié avec des alternances de buttes de sphaignes perchées au dessus de la nappe d’eau généralement éloignées du front de colonisation, de gouilles et de fossés plus profonds, de secteurs de terre nue et de secteurs colonisés par les ligneux.

On peut rencontrer diverses communautés en fonction du stade d’évolution et de la profondeur de la lame d’eau :

  • les radeaux ou tremblants à Trèfle d’eau Menyanthes trifoliata et Potentille des marais Potentilla palustris. Il s’agit d’une formation pionnière intermédiaire entre les habitats aquatiques à potamots et les habitats terrestres de prairies à Juncus acutiflorus et Molinia caerulea ;
  • les radeaux de sphaignes en mélange avec la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium), flottant sur les mares permanentes. Les droséras peuvent être abondantes au sein de cet habitat. Ce stade succède généralement à la déclinaison précédente.

Phytosociologie et correspondances

PVF2004

SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • SCHEUCHZERIETALIA PALUSTRIS NORDH. 1936

    Caricion lasiocarpae Vanden Berghen 1949 : communautés des tourbières de transition, souvent sur radeaux et tremblants

CORINE 1991

  • 54.58 Radeaux de sphaignes et d’Eriophorum angustifolium flottants sur les mares permanentes
  • 54.59 Radeaux à Menyanthes trifoliata et Potentilla palustris

Directive Habitats 1992

  • 7140-1 Tourbières de transition et tremblants

Confusions possibles

Malgré une identification rendue relativement facile par la présence abondante de certaines espèces, notamment de laîches, des confusions restent possibles.

En relation dynamique et spatiale parfois étroite avec la végétation des bas-marais et des tourbières hautes actives dont certaines espèces caractéristiques se retrouvent dans le groupement, cet habitat peut être parfois confondu avec ces derniers. Par ailleurs, les tourbières de transition, à l’interface entre les milieux aquatiques et les milieux terrestres, présentent des caractéristiques intermédiaires pouvant troubler l’analyse du cortège.

Dynamique

La dynamique va dépendre de la situation initiale et du milieu dans lequel l’habitat s’installe.

Les tourbières de transition se développant au sein de bas-marais neutro-basophiles vont s’installer en mosaïque par taches de petites superficies. L’évolution progressive de l’habitat est liée à une alimentation en eau qui est majoritairement d’origine météorique (pluie). Cette eau pauvre en minéraux va favoriser l’apparition d’espèces acidiclines et modifier la composition des bryophytes. Les sphaignes oligotrophes, ou plus rarement mésotrophes, vont progressivement s’organiser en tapis serrés et vont finalement former des bombements ou des buttes. Il s’agit des prémices de l’évolution de cet habitat vers les haut-marais actifs acides.

Lorsque les tourbières de transition se développent au sein de bas-marais acides, l’évolution sera identique mais moins marquée puisque les espèces acidophiles sont déjà présentes.

Les tourbières de transition en voie de colonisation des eaux stagnantes (mares et étangs) vont être à l’origine du phénomène d’atterrissement. Les radeaux ou tremblants à sphaignes, laîches et autres espèces associées, évoluent progressivement vers le centre de la mare. Le tapis de sphaignes va s’épaissir de plus en plus et s’élever par rapport au niveau d’eau de la mare. Cet habitat va donc progressivement s’affranchir de l’alimentation en eau en provenance de la mare, progressivement remplacée par les eaux de pluie. La formation de ces bombements va conduire à l’acidification du milieu, favorable aux groupements des hauts-marais actifs acides. Ces buttes à sphaignes vont peu à peu se rejoindre et former un tapis de grande superficie.

Au sein des stations les moins hygrophiles, le boisement est possible mais généralement lent. Il se compose de bouleaux (Betula pubescens, Betula pendula), de saules et d’Aulne glutineux dans les communautés acidiphiles, et de saules, d’aulne et de bourdaine dans les communautés baso-neutrophiles.

Une dynamique régressive est possible notamment du fait de la fréquentation régulière des grands mammifères (piétinement, bauges, …).

Espèces indicatrices

[plante2] Anagallis tenella, *Carex curta, *Carex echinata, *Carex lasiocarpa, *Carex rostrata, *Drosera rotundifolia, Equisetum fluviatile, *Eriophorum angustifolium, *Lycopodiella inundata, *Menyanthes trifoliata, *Potentilla palustris, *Rhynchospora alba, *Viola palustris
[plante1] *Betula pubescens, Epilobium palustre, Hypericum helodes, Juncus acutiflorus, Juncus bulbosus,*Spiranthes aestivalis, thelypteris palustris
[odonates] Ceriagrion tenellum, Leucorrhina caudalis, Leucorrhina pectoralis, Orthetrum coerulescens, Pyrrhosoma nymphula
[lepidopteres] Coenonympha oedipus

Valeur biologique

Cet habitat naturel de zones humides tourbeuses est extrêmement rare et menacé à l’échelle de notre région, de même qu’au niveau national et européen (inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats). Il est souvent associé à d’autres habitats de tourbière, eux aussi d’une grande valeur patrimoniale et en grande raréfaction. Les tourbières de transition sous forme de radeaux au sein des mares sont des formations végétales très originales qui présentent des caractéristiques intermédiaires entre habitats terrestres et aquatiques. Elles sont un habitat pour des espèces végétales et animales originales souvent rares et menacées à l’échelle régionale et nationale et bénéficiant parfois d’un statut de protection. Cet habitat et les espèces associées font partie de la biodiversité remarquable de la région Poitou-Charentes.

Menaces

Cet habitat a connu un important déclin au cours du XXème siècle.
Tout ce qui porte atteinte à la qualité, la quantité d’eau et à l’écoulement naturel des eaux, est néfaste à sa conservation. C’est ainsi que les modifications des pratiques agricoles liées à leur intensification, les opérations de drainage (assèchement, altération de la qualité de l’eau), l’épandage d’engrais et de produits phytosanitaires (eutrophisation), le comblement par des remblais, les modifications du fonctionnement hydrologique des cours d’eau (canalisation, barrage…) ont conduit à la destruction et la raréfaction de ces habitats tourbeux.

Certaines tourbières de transition et les habitats tourbeux associés ont été aussi directement détruits dans le cadre d’hypothétiques valorisations économiques de ces surfaces (mise en culture, boisement, enrésinement…).

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est très rare et n’occupe que de très faibles surfaces. Il semble absent des Deux-Sèvres.

16 : Butte de Frochet (limite 87), étangs des environs de Brigueuil et de Montrollet, Double Charentaise

17 : Landes de Montendre, landes de Cadeuil

79 : pas de données

86 : Etangs et mares du Montmorillonais, mares de la RN du Pinail