Chênaie verte thermo-Atlantique

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

La chênaie verte thermo-atlantique non dunaire (à ne pas confondre avec la chênaie verte à Pin maritime des dunes vives ou fossiles du littoral charentais, d’aspect voisin) se rencontre dans les secteurs climatiquement privilégiés du Poitou-Charentes (températures minimales d’hiver douces) : littoral de la Charente-Maritime d’où elle s’enfonce vers l’intérieur jusqu’aux environs de Saintes sous forme de stations éparses, pour se retrouver plus au nord ou à l’est dans des localités très disjointes comme à St Benoit dans la Vienne ou aux environs de Châteauneuf, en Charente. Pour éviter la concurrence du Chêne pubescent, optimal sur tous les sols calcaires de la région, la chênaie verte se cantonne strictement dans des secteurs où le substratum calcaire secondaire affleurant est recouvert d’une mince couche de sol superficiel, en exposition généralement chaude : falaises littorales des « conches » de Royan sur calcaire crayeux du Maestrichtien (au sud de cette ville) ou sur calcaire vacuolaire dur au nord (falaises de Vaux-sur-Mer), micro-falaises et pointements rocheux sur calcaires durs du Cénomanien ou calcaires gréseux du Coniacien dans un triangle Rochefort-St Savinien-Saintes, souvent dans des vallons creusés par de petits affluents de la Charente (Arnoult, Bramerit, Bruant, Freussin, Rochefollet, Escambouille), calcaires du Turonien en Charente…

Un des traits les plus remarquables de la végétation est la sempervirence de beaucoup des espèces structurant l’habitat : le Chêne vert y est toujours l’arbre dominant de la strate arborée, parfois à l’exclusion de toute autre espèce ligneuse. Cette essence à feuillage persistant est si classiquement associée au climat méditerranéen que son aire de répartition a servi à définir en France continentale les limites de ce climat. Il s’agit d’une espèce héliophile et thermophile mais que sa tolérance au froid (il a résisté en Charente-Maritime à des minimas hivernaux inférieurs à -10° au cours des 25 dernières années) autorise à remonter le long du littoral atlantique jusqu’en sud Bretagne ; de tempérament nettement xérophile, c’est une essence qui supporte aisément les sols superficiels à alimentation déficiente en eau et, notamment, le déficit hydrique estival caractéristique du climat thermo-atlantique régnant sur le littoral de la Charente-Maritime (faiblesse des précipitations, associée à des températures assez élevées de juin à août). De croissance lente, le Chêne vert rejette bien de souche et ses peuplements sont généralement traités en taillis à courte révolution exploités pour le bois de chauffe (excellent combustible). Le Filaria à feuilles larges Phillyrea latifolia, grand arbuste (rarement petit arbre) sempervirent est ici le compagnon le plus fidèle du chêne vert, au point que la co-occurrence des 2 espèces suffit en général à définir l’habitat. Le Rosier toujours vert Rosa sempervirens est la 3ème espèce fréquente de l’habitat (ce rosier à feuillage persistant est assez répandu dans de nombreux types forestiers de la frange littorale). Quelques autres espèces, très caractéristiques mais ne se rencontrant que dans les exemplaires les plus riches de l’habitat (autour de Royan) comprennent diverses méditerranéennes plus ou moins strictes comme l’Arbousier Arbutus unedo, l’Alaterne Rhamnus alaternus ou la Clématite brûlante Clematis flammula ; le Laurier-tin Viburnum tinus, espèce ornementale, y est naturalisée et s’y ressème très bien. Le reste des espèces emprunte surtout au cortège de la chênaie pubescente – Erable de Montpellier, Garance voyageuse etc. – mais il faut noter qu’en raison de la densité du couvert arboré et du peu de lumière filtrant jusqu’au sol, la strate herbacée de la chênaie verte est souvent d’une grande pauvreté : quelques rares espèces tolérantes à l’ombre comme le Lierre, le Fragon, l’Iris fétide ou l’Arum d’Italie (tous à feuillage persistant !) y sont généralement dominantes.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • QUERCETEA ILICIS Br.-Bl. 1952 : végétation arborée ou arbustive méditerranéenne
    • Quercetalia ilicis Br.-Bl. ex Molinier 1934 : communautés arborées fermées
      • Quercion ilicis Br.-Bl. & Molinier 1934 : communautés du méditerranéen subhumide (avec irradiation thermo-atlantique)

COR 1991

  • 45.3 Forêts de chêne vert méso- et supra-méditerranéennes

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 9340-10 Yeuseraies aquitaines

Confusions possibles

Dans quelques rares sites littoraux où les 2 habitats coexistent (pointe de Suzac, par ex.) la yeuseraie aquitaine pourrait être confondue avec la chênaie verte à pin des dunes boisées ; la présence du Pin maritime (généralement dominant, car favorisé par les sylviculteurs !) dans cette dernière, ainsi qu’un substrat en principe sableux (dunes vives ou fossiles) suffit à distinguer en principe les deux habitats.

Les problèmes sont plus délicats vers l’intérieur des terres où, dans certaines situations moins xéro-thermophiles (sols un peu plus profonds, exposition moins favorable), la chênaie verte est plus ou moins introgressée par des éléments de la chênaie pubescente ; on peut ainsi passer d’une véritable chênaie verte à un faciès thermophile à chêne vert de la chênaie pubescente. La dominance ou non des espèces sempervirentes – notamment dans la strate ligneuse (arbres, arbustes, lianes), de même que la présence ou l’absence d’espèces très caractéristiques comme le Filaria à feuilles larges ou le Rosier sempervirent, sont de bonnes aides à la décision mais il faut savoir qu’il existe des situations intermédiaires difficilement classables.

Dynamique

La dynamique liée à la chênaie verte se déduit de l’observation des phytocénoses spatialement liées, particulièrement au niveau de ses lisières ou des coupes. Des études ont ainsi montré que le manteau associé à l’habitat est la fruticée calcicole à Garance et Viorne lantane (RUBIO PEREGRINAE-VIBURNETUM LANTANAE) représentée ici par une sous-association plus thermophile à Quercus ilex, Phillyrea latifolia, Arbutus unedo…Sur le littoral des environs de Royan, l’ourlet de la chênaie verte est représenté par l’association à Inule à feuilles de spirée et Badasse (INULO SPIRAEIFOLIAE-DORYCNIETUM PENTAPHYLLI), mais celui de la Saintonge intérieure n’est pas clairement identifié.

La chênaie verte s’insère dans une série dynamique dont le stade « initial » est une pelouse xéro-thermophile à Grande Pâquerette et Fétuque de Léman (BELLIDI PAPPULOSAE-FESTUCETUM LEMANII), du moins pour les sites intérieurs de Charente-Maritime.

Pour le site des Chaumes Boissières en Charente, il s’agit de la pelouse à Crapaudine de Guillon et Koelérie du Valais (SIDERITIDO GUILLONII-KOELERIETUM VALLESIANAE).

Dans les situations où la yeuseraie est insérée dans un contexte forestier plus mésophile (chênaie pubescente, chênaie-frênaie calcicole des vallons de la Saintonge intérieure), elle semble pouvoir se maintenir indéfiniment au niveau des falaises calcaires où seul le Chêne vert peut faire pénétrer ses racines.

Espèces indicatrices

[plante2] *Arbutus unedo, Clematis flammula, *Osyris alba, *Phillyrea latifolia, Quercus ilex, Rhamnus alaternus, *Rosa sempervirens, (Viburnum tinus)
[plante1] Acer campestre, Acer monspessulanum, Arum italicum, Brachypodium pinnatum, Carex flacca, Crataegus monogyna, *Daphne laureola, Epipactis helleborine, Fraxinus angustifolia ssp.oxycarpa, Hedera helix, Iris foetidissima, Laurus nobilis, Ligustrum vulgare, Quercus pubescens, Rubia peregrina, Ruscus aculeatus, Sorbus torminalis, Tamus communis, Viburnum lantana
[mammiferes] Genetta genetta
[orthopteres] Cyrtaspis scutata, Ephippiger ephippiger, Leptophyes punctatissima, Oecanthus pellucens, Meconema meridionale, Pholidoptera griseoaptera
[briophytes] Hypnum cupressiforme, Pleurochaete squarrosa, Scleropodium purum, Tortula ruraliformis
[champignons] Cortinarius aurilicis, Cortinarius chavassutii, Cortinarius variiformis, Lactarius atlanticus, Leccinum lepidum, Mycena quercus-ilicis, Russula ilicis, Scenidium nitidum

Valeur biologique

L’habitat est considéré comme menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats ». En Poitou-Charentes, la yeuseraie aquitaine est très localisée et n’occupe que quelques sites ponctuels aux caractères édapho-climatiques originaux : températures hivernales douces, substrat rocheux couvert d’un sol squelettique. Sa valeur paysagère est très forte car elle confère aux biotopes rocheux auxquels elle est le plus souvent associée un caractère méditerranéen accusé.

La valeur floristique de l’habitat est surtout marquée sur le littoral
où plusieurs plantes méditerranéennes trouvent refuge : Arbousier, Alaterne, Osyris…mais elle reste modeste à l’intérieur des terres, hormis la présence parfois abondante du Filaria (bois de Trizay, par ex.).

L’intérêt faunistique de l’habitat pour les Vertébrés est beaucoup plus diffus – aucun Mammifère ou Oiseau ne lui est spécialement inféodé – mais il est possible que certains Invertébrés lui soient particulièrement liés (données manquantes).

Menaces

Sur le littoral, les principales menaces sont liées à l’urbanisation. Depuis le milieu du XIXème siècle, qui a vu l’essor du tourisme balnéaire, les « conches » (anses naturelles creusées dans le calcaire) des environs de Royan ont été soumises à un développement effréné des constructions qui a entraîné la destruction de surfaces importantes de l’habitat : de nos jours, les taches résiduelles de yeuseraie occupent des surfaces infimes et leur état de conservation est mauvais (pénétration d’espèces exotiques ou horticoles, cortège spécifique incomplet, eutrophisation de la strate herbacée, piétinement…).

Pour les sites non littoraux, les menaces sont plus diffuses : carrières (qui peuvent détruire l’habitat mais qui peuvent aussi, dans certains cas, en mettant le substrat rocheux à nu, créer des conditions favorables à son implantation), incendies, chablis dus aux tempêtes (beaucoup de vallons où existe l’habitat ont une orientation ouest/est, très exposée aux coups de vents et aux tempêtes)…

Les modalités de gestion courantes – taillis – font actuellement l’objet d’un questionnement quant au maintien de la capacité de régénération pour des taillis au-delà de 60 ans. Il semblerait que des rotations courtes de l’ordre de 30-40 ans soient les plus favorables au maintien de la yeuseraie. Le passage éventuel d’un taillis à une futaie ne pourra se faire qu’avec précaution par furetage (brins d’âges différents par souche) et vieillissement de brins sélectionnés, la régénération par semences étant plus problématique (expériences à mener).

Statut régional

L’habitat est surtout connu du littoral de Charente-Maritime et d’une petite partie de la Saintonge. Il est rarissime ailleurs. Pratiquement toutes ses occurrences ont été recensées et inscrites aux grands inventaires de flore et de faune des 2 dernières décennies.

16 : chaumes Boissières (Châteauneuf-sur-Charente)

17 : environs de Royan, bois de Trizay, bois de Lozai, vallées de l’Arnoult, du Bramerit, du Freussin, du Bruant, du Rochefollet, des Auzes, de l’Escambouille

86 : rochers de Passelourdain (St Benoît)

 

Aulnaies et Bétulaies marécageuses

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Les aulnaies marécageuses occupent typiquement des zones dont le sol est engorgé en permanence par l’affleurement d’une nappe aquifère descendant rarement à moins de 10cm de la surface ou par des crues régulières : vallons calcaires – avec ruisselets alimentés par des sources – adjacents à un grand corridor fluvial (moyenne vallée de la Charente), bordure de plans d’eau naturels, petits vallons boisés insérés dans une matrice forestière plus large (Double charentaise, sites en Deux-Sèvres), plus rarement suintements sur versants. La faiblesse des pentes ralentit en général l’écoulement de la nappe qui stagne longuement, nuisant à l’oxygénation et réduisant l’activité microbiologique et la disponibilité en matières nutritives.

L’Aulne glutineux est l’essence dominante, voire exclusive, de ces milieux : arbre héliophile de tendance pionnière, à fécondation et dispersion anémophile et faible longévité (moins de 100 ans), l’aulne possède au niveau de ses racines superficielles des nodosités où vivent des colonies d’une bactérie – Actinomyces alni – capables de fixer l’azote atmosphérique et de suppléer au déficit en substances nutritives du milieu ambiant. La strate arbustive comprend surtout des saules – Saule roux Salix atrocinerea -, parfois du Piment royal Myrica gale dans les variantes acidophiles ; la strate herbacée est très variée selon le type d’aulnaie. La variabilité des aulnaies régionale s’ordonne autour de 2 grands pôles à déterminisme trophique :

  • l’aulnaie oligotrophe acidophile (CARICI LAEVIGATAE-ALNETUM, OSMUNDO-ALNETUM aquitain ?) : c’est le type le mieux caractérisé sur les plans stationnel et floristique ; elle occupe typiquement les fonds de vallons et les abords de ruisselets drainant un impluvium de terrains argilo-siliceux (doucins, sols sableux noirs ou gris des dépôts tertiaires de la Double charentaise, sols sur granite de la bordure cristalline de la Vienne et de la Charente, Gâtine et bocage en Deux-Sèvres) où elle prend souvent la forme d’une galerie ; la flore est marquée par la diversité et l’abondance des Fougères (dont certains quasiment exclusives de cet habitat) : Osmonde royale Osmunda regalis, divers Dryopteris, le Blechnum piquant Blechnum spicant et, souvent, la Fougère femelle Athyrium filix-femina ; la strate bryophytique est marquée par l’abondance des sphaignes qui forment parfois un tapis subcontinu excluant pratiquement toutes autres espèces, hormis l’Ecuelle d’eau Hydrocotyle vulgaris ou divers Carex, dont surtout la Laîche lisse Carex laevigata ;
  • l’aulnaie méso-eutrophe : c’est physionomiquement une aulnaie à Carex ; elle occupe les vallons dont le sol est imprégné d’une eau riche en calcaire sur des alluvions neutro-alcalines ou des tourbes basiques ; l’Aulne, largement dominant, est parfois accompagné du Frêne et, dans certaines vallées, du Peuplier blanc Populus alba ou du Peuplier grisard Populus canescens ; la strate herbacée est caractérisée par quelques hautes herbes empruntées aux cortèges des mégaphorbiaies – Eupatoire chanvrine, Grande Lysimaque – et, surtout, des magnocariçaies – Carex acutiformis, C.paniculata – ; une fougère – le Polystic des marais Thelypteris palustris – est très caractéristique de ce type d’aulnaie.

La bétulaie pubescente occupe quant à elle des sites très engorgés et acides au bord d’étangs oligotrophes ou le long de vallons de la Double boisée : une strate arborée clairsemée de Bouleau pubescent domine généralement une végétation de bas-marais acide où les sphaignes manquent rarement.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • ALNETEA GLUTINOSAE Br.-Bl. & Tüxen 1946
    • Alnion glutinosae Malcuit 1929 : aulnaies méso-eutrophes
    • Sphagno-Alnion glutinosae Passarge & Hoffmann 1968 : aulnaies oligotrophes acidiphiles

COR 1991

  • 44.91 Aulnaies marécageuses
    • 44.911 Bois d’aulnes marécageux méso-eutrophes
    • 44.912 Bois d’aulnes marécageux oligotrophes

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Si l’identification de l’aulnaie oligotrophe ne pose guère de problème (présence de sphaignes, diversité des fougères, nature du substrat), il n’en va pas de même pour l’aulnaie méso-eutrophe. Celle-ci partage en effet avec certaines variantes de l’aulnaie-frênaie des rivières lentes de nombreuses espèces en commun : abondance des grands Carex et des grandes dicotylédones de mégaphorbiaies, sur un sol plus ou moins riche en matières organiques (hydromull, anmoor) ; la rareté des hygro-nitrophytes – Rubus caesius, Rumex sanguineus, Urtica dioica – et la nette subordination du frêne à l’aulne constituent de bons indicateurs pour séparer les 2 types d’habitat.

Quant à la bétulaie pubescente, son écologie est si proche de l’aulnaie acidophile à sphaignes qu’il est probable qu’elle n’en est, dans notre région centre-atlantique, qu’une simple variante (phase pionnière ?), bien distincte des véritables bétulaies pubescentes tourbeuses nord-européennes, aux affinités nettement plus boréales et qui relèvent d’une classe de végétation bien différente (les VACCINIO-PICEETEA ABIETIS).

Dynamique

Pour s’implanter dans un milieu neuf, l’aulne a besoin d’un ressuyage minimum du sol en été où ses samares minuscules entourées d’une aile circulaire pourront germer après avoir été véhiculées par le vent. Lorsque l’hydromorphie est trop marquée et que la nappe ne connaît aucun battement, la dynamique peut rester bloquée au stade saulaie. Malgré sa faible longévité (moins d’un siècle en principe), sa capacité à rejeter de souche lui permet de perdurer longtemps dans le biotope qui lui a été un jour favorable. Mais en l’absence de facteurs de rajeunissement du milieu (crue, coupe) ou à la suite d’un abaissement durable de la nappe, il peut être rapidement supplanté par des essences dont les semis tolèrent l’ombrage et qui possèdent un fort pouvoir concurrentiel, au premier rang desquels le Frêne.

Espèces indicatrices

[plante2] Alnus glutinosa, *Betula pubescens, Blechnum spicant, *Carex echinata, Carex laevigata, Carex paniculata, Dryopteris affinis, Dryopteris carthusiana, Dryopteris dilatata, Frangula alnus, Hydrocotyle vulgaris, *Osmunda regalis, *Thelypteris palustris
[plante1] *Aconitum napellus, Agrostis canina, Athyrium filix-femina, Caltha palustris, Carex acutiformis, Eupatorium cannabinum, Galium palustre, Hypericum helodes, Iris pseudacorus, Lycopus europaeus, Lysimachia vulgaris, Mentha aquatica, Molinia caerulea, *Myrica gale, Populus alba, P.canescens, Potentilla erecta, Ranunculus flammula, Salix atrocinerea, Solanum dulcamara, *Viola palustris
[champignons] Mitrula paludosa
[briophytes] – acidophiles : Aulacomnium palustre, Polytrichum commune, Sphagnum capillifolium, Sphagnum palustre, Sphagnum subnitens

mésoeutrophes : Amblystegium riparium, Climacium dendroides, Eurhynchium speciosum, Marchantia polymorpha, Pellia endiviifolia, Plagiomnium undulatum

[orthopteres] Conocephalus discolor, Pholidoptera griseoaptera, Ruspolia nitidula, Tetrix subulata

Valeur biologique

Les aulnaies marécageuses ne sont pas, curieusement, concernées par l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats ». Au niveau régional, il s’agit pourtant d’un type d’habitat rare, lié à des conditions stationnelles très spécifiques et qui couvrant en général des surfaces restreintes. Sur le plan botanique, l’habitat présente un intérêt floristique moyen qui tient surtout à la présence de fougères rares : le Polystic des marais, inscrit sur la Liste Rouge de la Flore menacée du Poitou-Charentes y possède ses plus belles stations, avec des populations riches de plusieurs milliers de pieds (vallée du Bruant, en 17, par ex.) ; il y est accompagné parfois du Dryoptéris des chartreux Dryopteris carthusiana et, surtout, du Dryopteris dilaté Dryopteris dilatata, plus rare. Mais c’est surtout au niveau de l’aulnaie oligotrophe que la diversité en fougères est la plus remarquable, certains vallons de la Double saintongeaise abritant jusqu’à 10 espèces différentes : c’est là que la magnifique Osmonde royale Osmunda regalis a son optimum, accompagnée parfois, en plus des 2 Dryoptéris précités, du Dryopteris affin Dryopteris affinis et du Blechnum piquant Blechnum spicant. La Laîche lisse Carex laevigata, peu commune, est également inféodée assez étroitement à ce type d’habitat.

Menaces

Les aulnaies marécageuses constituent des habitats fragiles en raison de leur étroite dépendance à un niveau de nappe élevé ; le drainage du sol en vue de la production de peupliers est une menace qui tend toutefois à s’estomper, les surfaces les plus favorables ayant déjà été converties au cours des 3 précédentes décennies.

L’augmentation du niveau trophique par enrichissement des eaux de la nappe circulante constitue un processus moins spectaculaire mais plus insidieux : il tend à banaliser la flore en sélectionnant les taxons les plus « gourmands » au détriment des espèces plus frugales mais moins concurrentielles. Couplé à un abaissement significatif de la nappe, qui lui-même stimule la minéralisation de la matière organique, il favorise alors le développement d’une strate herbacée « exubérante » où les nitrophytes – Grande ortie, Grande consoude, Ronce bleuâtre – tendent à supplanter les espèces mésotrophiques d’origine (fougères, notamment).

Statut régional

L’habitat est très disséminé dans l’ensemble de la région, avec une distribution distincte selon les faciès.

16 : vallées de la Charreau, de la Boême, forêt de la Rochebeaucourt ; Double charentaise.

17 : vallons calcaires affluents de la Charente (Bruant, Rochefollet, Seugne) ; vallons boisés de la Double saintongeaise.

79 : forêts de Secondigny, de l’Absie, de l’Hermitain, bois de l’Abbesse, vallées de l’Autize, de la Vonne

86 : vallée du Clain, massif de Sérigny, étang de l’Hermitage (Lussac-les-Châteaux)

 

Frênaie mixte humide

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Il s’agit d’une forêt alluviale de bois durs occupant le fond de lits majeurs larges et subissant des crues régulières en fin d’hiver et au printemps, plus ou moins longues et plus ou moins importantes (quelques centimètres à plus d’1 mètre). Les sols sont des sols alluviaux peu évolués, limoneux ou limono-argileux où une nappe battante plus ou moins profonde détermine la présence d’un horizon réduit (gley).

Dans son centre de répartition médio-européen (Danube, Rhin, Rhône), l’habitat est caractérisé, dans ses stades matures, par une diversité dendrologique exceptionnelle (une cinquantaine d’espèces sur 8 strates) et a souvent été comparé à certaines forêts tropicales ou aux forêts tempérées chaudes du Pléistocène. Dans les systèmes alluviaux océaniques plus ou moins altérés (Seine, Loire, Adour, Garonne), la diversité dendrologique est beaucoup moins forte ; c’est le cas en Poitou-Charentes, où les quelques occurrences avérées de l’habitat le long de la Charente se présentent comme une frênaie physionomique dominée par le Frêne oxyphylle Fraxinus angustifolia et/ou de populations hybrides de cette espèce avec le Frêne commun (Fraxinus excelsior) dont certains individus peuvent atteindre 30 mètres de hauteur : très voisin du Frêne commun, mais de tempérament plus thermophile, le Frêne oxyphylle s’en distingue par ses bourgeons brun rouille (et non noirs), son feuillage plus léger à folioles plus étroites et ses samares à graine occupant plus de la moitié de leur longueur ; la région Poitou-Charentes se trouvant dans la zone de contact entre les aires de répartition des 2 espèces, des populations hybrides présentant des caractères intermédiaires sont présentes un peu partout, notamment en Charente-Maritime.

Par rapport aux forêts médio-européennes, la strate arborescente est dépourvue de l’Orme diffus Ulmus laevis, du Charme Carpinus betulus, de l’Orme de montagne Ulmus glabra, du Tilleul à petites feuilles Tilia cordata, et même le Chêne pédonculé reste rare. La strate arbustive est occupée par un manteau peu dense à Nerprun purgatif Rhamnus catharticus et Viorne obier Viburnum opulus dans les stations à hydromorphie moyenne ; en situation plus mésophile, le cortège est plus diversifié et comprend plusieurs arbustes à large amplitude écologique (non typiquement alluviaux) comme l’Aubépine monogyne Crataegus monogyna, l’Orme champêtre Ulmus minor, le Troëne Ligustrum vulgare, le Noisetier Corylus avellana. Dans ce faciès plus sec, le Lierre est constant et parfois abondant. Dans les stations fortement enrichies en nitrates (interface frênaie-cultures de maïs), un manteau franchement nitrophile à Houblon Humulus lupulus et Sureau noir Sambucus nigra remplace les 2 précédents. Au niveau de la strate herbacée, la Ronce bleuâtre Rubus caesius, la Grande ortie Urtica dioica, l’Oseille sanguine Rumex sanguineus, le Gaillet des marais Galium palustre, l’Angélique sylvestre Angelica sylvestris sont constantes ou, du moins, fréquentes. L’abondance des espèces de mégaphorbiaies et de roselières semble être par ailleurs un trait caractéristique local de l’habitat par rapport à d’autres régions de France – 25 espèces pour 14 relevés effectués en basse vallée de la Seugne, contre 7 seulement dans la frênaie-ormaie du Val de Saône (ULMO MINORIS-FRAXINETUM ANGUSTIFOLIAE) – alors qu’à l’inverse les mésophytes forestières sont beaucoup plus rares.

Une variante particulière de l’habitat peut être observée en dehors des corridors fluviaux sensu stricto : il s’agit des frênaies oxyphylles présentes en périphérie des marais arrière-littoraux charentais (et en fond du Marais Poitevin ?) et dont le cortège tant ligneux qu’herbacé s’apparente tout à fait à celui de la moyenne vallée de la Charente. Dans cette optique, les dépôts alluviaux fossiles d’origine fluvio-marine (bri) de ces marais correspondraient à une sorte de « lit majeur » très large en bordure duquel ces boisements se seraient installés.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • QUERCO-FAGETEA Br.-Bl. & Viegler 1937 : forêts tempérées caducifoliées
    • Alno glutinosae-Ulmenalia minoris Rameau 1981 : communautés riveraines non marécageuses d’Europe tempérée
      • Ulmenion minoris Oberdorfer 1953 : communautés du bord des grands fleuves

COR 1991

  • 44.4 Forêts mixtes de chênes, d’ormes et de frênes des grands fleuves
    • 44.42 Forêts fluviales médio-européennes résiduelles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 91F0-3 Chênaies-ormaies à Frêne oxyphylle

Confusions possibles

Le meilleur critère de reconnaissance de l’habitat serait d’ordre fonctionnel : l’habitat ne se rencontrerait qu’en bordure des fleuves exposés à des crues régulières et suffisamment importantes, la largeur du lit majeur constituant alors un bon indice.

Les critères floristiques, en revanche, paraissent beaucoup plus problématiques : la séparation de la véritable frênaie oxyphylle du 44.4 des faciès à frênes (les 2 espèces en mélange et leurs hybrides !) de l’aulnaie-frênaie non marécageuse du 44.3, peut s’avérer très délicate dans certains secteurs, comme, notamment, la basse vallée de la Seugne en Charente-Maritime ou de l’Antenne en Charente, où l’influence des grandes crues de la Charente se fait encore sentir et peut générer un fonctionnement complexe.

Dynamique

La frênaie oxyphylle des rives de Charente est visiblement une forêt post-pionnière occupant les espaces pâturés laissés vacants par l’abandon durant la 2ème moitié du XXème siècle des pratiques agro-pastorales sur de vastes zones aux conditions difficiles (accès, durée des crues). Ce caractère récent expliquerait en partie la pauvreté du cortège dendrologique de l’habitat comparativement à celui du Rhin ou du Rhône, ou même de la Loire. Il s’agirait alors d’un stade transitoire ayant conservé beaucoup d’espèces relictuelles des stades antérieurs – prairies humides en déprise, mégaphorbiaies, roselières sèches -, la maturation forestière s’effectuant peu à peu avec l’implantation du chêne et de diverses autres essences (orme, tilleul).

Espèces indicatrices

[plante2] Carex remota, Fraxinus excelsior, Fraxinus angustifolia (et leurs hybrides), Populus alba, Rhamnus catharticus, Rubus caesius, Rumex sanguineus, Ulmus minor, Viburnum opulus
[plante1] Acer campestre, Alliaria petiolata, Alnus glutinosa, Angelica sylvestris, Arum italicum, Brachypodium sylvaticum, Calystegia sepium, Cardamine pratensis, Cornus sanguinea, Crataegus laevigata, Crataegus monogyna, Galium mollugo, Galium palustre, Hedera helix, Iris foetidissima, Ligustrum vulgare, Lysimachia nummularia, Ornithogalum pyrenaicum, Quercus robur, Salix atrocinerea, Urtica dioica
[briophytes] Atrichum undulatum, Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii, Eurhynchium striatum, Plagiomnium undulatum, Thamnobryum alopecurum
[mammiferes] Lutra lutra, Mustela lutreola
[oiseaux] Alcedo atthis, Ardea cinerea, Ardea purpurea, Ardeola ralloides, Egretta garzetta, Falco subbuteo, Milvus migrans, Nycticorax nycticorax, Platalea leucorodia
[coleopteres] Rosalia alpina
[orthopteres] Nemobius sylvestris, Pholidoptera griseoaptera, Tettigonia viridissima
[champignons] Daldinia concentrica, Hysterographium fraxini, Morchella costata, Morchella esculenta, Perenniporia fraxinea

Valeur biologique

L’habitat est considéré comme menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats ». Sur le plan botanique, la frênaie humide ne présente pas d’intérêt particulier. Certaines frênaies arrière-littorales de Charente-Maritime accueillent des colonies nicheuses mixtes d’Ardéidés sociaux – Héron cendré, Héron pourpré, Aigrette garzette, Héron gardeboeufs, Héron bihoreau, Crabier chevelu, Spatule blanche – dont les effectifs sont d’importance nationale. Dans ces mêmes secteurs, les frênaies constituent des lieux privilégiés de refuge pour certains des mammifères les plus rares de France comme la Loutre ou le Vison d’Europe.

Comme dans le cas de l’aulnaie-frênaie non marécageuse, la présence d’arbres sénescents ou morts, ou encore traditionnellement taillés en têtard et riches alors en cavités naturelles, permet la présence d’une riche communauté d’insectes sapro-xylophages, au premier rang desquels la Rosalie des Alpes.

Menaces

L’habitat est exposé aux principales altérations qui concernent le lit majeur des rivières : artificialisation du cours d’eau par la construction de barrages et de retenues, ou les pompages agricoles, qui peuvent modifier le débit et influer sur le régime des crues ; déforestation pour la mise en culture ou la plantation de peupliers ; creusement de carrières pour l’exploitation de matériaux…

Statut régional

Actuellement, l’habitat est surtout connu des rives de la moyenne vallée de la Charente. Sa présence en Vienne et en Deux-Sèvres demanderait confirmation.

16 : moyenne vallée de la Charente en amont d’Angoulême (depuis Ruffec) et en aval (jusqu’à Cognac)

17 : moyenne vallée de la Charente (de Cognac à Saintes), basses vallées de la Seugne et de la Boutonne, marais arrière-littoraux (Rochefort, Brouage)

79 : Marais Poitevin ? (Venise verte)

86 : basse vallée de la Vienne (en aval de Poitiers) ?

 

Aulnaie-Frênaie alluviale non marécageuse

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Cet habitat représente les différents faciès de forêt alluviale à bois durs ; il se localise dans le lit majeur des plaines alluviales, tantôt au contact immédiat du lit mineur du cours d’au, tantôt en arrière d’une frange de ripisylve occupée par une forêt à bois tendre. Les sols y sont inondés périodiquement, soit par des crues hiverno-printanières de régime océanique, soit par des remontées de la nappe phréatique ; dans tous les cas, cependant, le rabattement plus ou moins important de la nappe en période estivale permet le développement au dessus de l’horizon réduit du gley, d’une couche suffisamment aérée qui favorise une forte activité biologique et une bonne nitrification (hydromull). En Poitou-Charentes, 2 essences se partagent la canopée de l’habitat :

  • l’Aulne glutineux Alnus glutinosa : espèce héliophile et pionnière, ne dépassant pas 20-25m et 60-100 ans, pollinisée et dispersée par le vent ;
  • le Frêne élevé Fraxinus excelsior : essence atteignant 150-200 ans et 30m de hauteur, également anémogame, mais tolérant bien l’ombrage ce qui permet à ses semences de germer et de prospérer même sous un couvert boisé déjà en place ; ce caractère post-pionnier et nomade lui permet de succéder à l’aulne dans les cycles naturels de maturation sylvigénétique ; le Frêne oxyphylle Fraxinus angustifolia : espèce voisine mais de répartition plus méridionale, se mêle parfois au Frêne élevé (surtout en Charente-Maritime) et forme des populations hybrides d’identification délicate.

Hormis ces 3 espèces, l’Orme champêtre, l’Erable champêtre et, par pieds dispersés, le Chêne pédonculé, sont les autres essences structurant l’habitat. La strate arbustive est souvent très diversifiée mais présente peu de véritables caractéristiques – sauf la Viorne obier Viburnum opulus ou le Nerprun purgatif Rhamnus catharticus. La strate herbacée varie beaucoup selon les sous-types (voir ci-dessous).

Dans la région 3 sous-types de l’habitat sont observables :

  • l’aulnaie-(frênaie) des bords de petits ruisseaux (CARICI REMOTAE-ALNETUM GLUTINOSAE) : il s’agit en général de galeries étroites frangeant des ruisseaux collinéens à courant faible à marqué ; l’aulne est généralement dominant (sauf sur les banquettes supérieures), souvent exclusif. Le Noisetier, le Groseillier rouge, la Viorne obier sont les arbustes les plus typiques. Dans la strate herbacée, la Grande laîche Carex pendula et, à un moindre degré, la Laîche espacée C.remota, sont constantes et, parfois, très recouvrantes ; elles sont accompagnées par tout un cortège d’espèces à tendance nitrophile – Urtica dioica, Rubus caesius, Glechoma hederacea – favorisées par la litière améliorante de l’aulne, auxquelles se joignent diverses mésophytes forestières (Lierre, Lamier jaune, Ail des ours..) ; on peut distinguer une variante calcifuge à Impatiens noli-tangere et Chrsysosplenium oppositifolium des terrains primaires sur la bordure orientale de 86, 16 et du nord de 79, et une variante neutro-calcicole avec, souvent, la Mercuriale vivace Mercurialis perennis sur terrains sédimentaires ;
  • (l’aulnaie)-frênaie-ormaie des bords de rivières à courant lent (var. centre-atlantique de l’AEGOPODIO PODAGRARIAE-FRAXINETUM EXCELSIORIS) : les 2 frênes et leur hybrides y sont dominants sur l’aulne, l’Orme champêtre est constant mais peu abondant et le Chêne pédonculé sporadique ; parmi les arbustes, l’Aubépine monogyne, le Cornouiller sanguin, le Nerprun purgatif sont fréquents. Quant à la strate herbacée, elle est constituée par un mélange original de nitrophytes – Rubus caesius, Urtica dioica, Galium aparine – et d’espèces de roselières ou de mégaphorbiaies telles que la Reine des prés Filipendula ulmaria, l’Angélique sauvage Angelica sylvestris ou le Grand Liseron Calystegia sepium ;
  • l’aulnaie à hautes herbes (FILIPENDULO ULMARIAE-ALNETUM GLUTINOSAE) : contrairement au type précédent où la nappe est circulante, les sols de ce sous-type présentent un engorgement marqué résultant souvent d’une position topographique particulière : cuvette au sein d’un vallon où le drainage se fait difficilement, dépression marginale d’un lit majeur en arrière du bourrelet alluvionnaire etc. L’aulne y est en général dominant sur le frêne et, dans la strate herbacée, les grands Carex eutrophiques – Carex acutiformis et Carex riparia – accompagnent en masse Carex remota (C.pendula est en général absent ou très rare) ; les espèces de roselières et de mégaphorbiaies indiquant un niveau de nappe plus élevé sont plus abondantes/recouvrantes que dans le sous-type précédent : Alpiste faux-roseau Phalaris arundinacea, Grande scutellaire Scutellaria galericulata, Grande salicaire Lythrum salicaria..

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • QUERCO-FAGETEA Br.-Bl. & Viegler 1937 : forêts tempérées caducifoliées
    • Populetalia albae Br.-Bl. 1948 : communautés riveraines non marécageuses
      • Alnenion glutinoso-incanae Oberdorfer 1953 : communautés des bords de ruisseaux et torrents, jusqu’à ceux des rivières à eaux lentes

COR 1991

  • 44.3 Forêts de frênes et d’aulnes médio-européens
    • 44.31 Aulnaie-frênaies des ruisselets et des sources
    • (44.32 Aulnaies-frênaies des rivières à débit rapide ?)
    • 44.33 Aulnaies-frênaies des rivières à eaux lentes

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 91E0 – 8 Aulnaies-frênaies à Laîche espacée des petits ruisseaux
  • 91E0 – 9 Frênaies-ormaies atlantiques à Aegopode des rivières à cours lent
  • 91E0 – 11 Aulnaie à hautes herbes

Confusions possibles

Un croisement entre l’essence dominante et le type de cours d’eau (ruisseau, rivière) permettrait en principe de reconnaître les 3 sous-types de l’habitat distingués ci-dessus. En pratique, cependant, l’existence de banquettes alluviales plus ou moins différenciées complique l’interprétation : il existe ainsi un faciès à frêne de l’aulnaie-galerie des bords de ruisseaux, sur banquette surélevée, à ne pas confondre avec la frênaie-ormaie des rivières lentes. L’examen de la totalité du cortège floristique peut être alors d’un grand secours. Mais le problème principal vient plutôt de la différenciation entre l’aulnaie à hautes herbes et l’aulnaie marécageuse méso-eutrophe, des formes de transition insensibles existant entre les 2 en fonction de la durée de la stagnation de la nappe : la dominance absolue de l’aulne et la présence d’espèces indicatrices telles que Carex paniculata et diverses fougères dont, surtout, Thelypteris palustris, inclinent à reconnaître la seconde, alors que la première sera plutôt caractérisée par la coexistence de l’aulne et du frêne, l’absence des fougères et la présence de Carex différents (C.remota, notamment).

Dynamique

Les forêts alluviales du 44.3 peuvent dériver de mégaphorbiaies (elles-mêmes issues d’une coupe de la forêt d’origine), après un stade intermédiaire de fruticée plus ou moins hygrophile à Saule roux, Viorne obier…. Tant que la dynamique du cours d’eau (périodicité des crues, vitesse du courant, battement de la nappe) n’est pas substantiellement modifiée, ces forêt subissent une lente maturation où les essences pionnières sont progressivement remplacées par des essences post-pionnières (frênes, orme champêtre, chêne pédonculé). Dans le cas de petites vallées où le cordon alluvial est inséré dans une matrice boisée plus large englobant des boisements de versants, la maturation peut se faire plus rapidement, par colonisation latérale à partir des semenciers présents (chênes, Charme, érables, Orme etc.).

Espèces indicatrices

[plante2] *Aegopodium podagraria, Alnus glutinosa, *Anemone ranunculoides, Carex pendula, Carex remota, *Carex strigosa, *Cuscuta europaea, *Equisetum hyemale, Fraxinus angustifolia, Fraxinus excelsior, *Hesperis matronalis, Humulus lupulus, Lathraea clandestina, *Paris quadrifolia, *Petasites hybridus, *Prunus padus, Ribes rubrum, Rubus caesius, Rumex sanguineus, Viburnum opulus
[plante1] (Acer negundo), Adoxa moschatellina, Agrostis stolonifera, Allium ursinum, Angelica sylvestris, Brachypodium silvaticum, Caltha palustris, Calystegia sepium, Cardamine pratensis, Carex acutiformis, Carex cuprina, Carex pseudocyperus, Carex riparia, Circaea lutetiana, Cornus sanguinea, Corylus avellana, Crataegus monogyna, Equisetum telmateia, *Erysimum cheiranthoides, Eupatorium cannabinum, Evonymus europaeus, Festuca gigantea, Filipendula ulmaria, *Fritillaria meleagris, Galium palustre, Geum urbanum, Glechoma hederacea, (Impatiens glandulifera), *Impatiens noli-tangere, Iris pseudacorus, Lamium galeobdolon, Listera ovata, Lycopus europaeus, Lysimachia nummularia, Lythrum salicaria, Malachium aquaticum, Mentha aquatica, Myosotis scorpioides, Phalaris arundinacea, *Primula elatior, Ranunculus repens, (Reynoutria japonica), Rhamnus catharticus, (Robinia pseudacacia), Salix atrocinerea, Sambucus nigra, Scutellaria galericulata, (Sicyos angulatus), (Solidago canadensis), Solanum dulcamara, Symphytum officinale, Ulmus minor, Urtica dioica
[mammiferes] Arvicola sapidus, Castor fiber, Lutra lutra, Mustela lutreola, Neomys fodiens
[oiseaux] Alcedo atthis, Ardea cinerea, Falco subbuteo, Milvus migrans, Motacilla cinerea, Muscicapa striata, Nycticorax nycticorax, Oriolus oriolus, Picus canus
[coleopteres] Leptura quadrifasciata, Rosalia alpina, Xylotrechus rusticus
[lepidopteres] Apatura ilia, Apatura iris, Arashnia levana, Nymphalis antiopa
[orthopteres] Conocephalus discolor, Meconema thalassinum, Pteronemobius heydenii, Pteronemobius lineolatus, Tetrix subulata
[champignons] Inocybe lanuginosa, Lactarius lacunarum
[briophytes] Amblystegium riparium, Climacium dendroides, Dialytrichia mucronata, Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii, Leskea polycarpa, Lunularia cruciata, Pellia endiviifolia, Plagiomnium undulatum, Scleropodium cespitans, Thuidium tamariscinum

Valeur biologique

L’aulnaie-frênaie alluviale non marécageuse est considérée comme un habitat menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE, dite « Directive Habitats », comme habitat menacé prioritaire. Il s’agit en effet le plus souvent d’un habitat relictuel dont les surfaces aujourd’hui sont résiduelles et qui a subi des pressions anthropiques très fortes au cours des âges. Sur le plan botanique, elle constitue l’habitat exclusif de plusieurs espèces de répartition plutôt eurosibérienne et qui, dans notre région, se cantonnent par compensation climatique, dans des biotopes à tendance fraîche et humide : c’est le cas de la Parisette Paris quadrifolia dont toutes les stations poitou-charentaises sont localisées au 44.3, de l’Anémone fausse-renoncule Anemone ranunculoides, connue d’une unique aulnaie-frênaie de l’ouest de la Charente, du Pétasite hybride Petasites hybridus des bords de la Touvre ou encore du Cerisier à grappes Prunus padus dans l’est de la Charente. Des espèces globalement rares dans l’ouest, comme la Balsamine des bois Impatiens noli-tangere ou la Primevère élevée Primula elatior, y ont également leurs plus belles stations régionales.

L’intérêt faunistique de l’habitat est aussi très élevé, lorsqu’il forme des complexes avec certains cours d’eau, comme zone de refuge pour des mammifères très menacés tels que le Vison d’Europe ou la Loutre ou, tout récemment, pour le Castor européen qui commence à recoloniser les rives de la Vienne à partir du bassin de la Loire. Plusieurs espèces d’oiseaux menacées comme le Milan noir ou le Martin-pêcheur, ou simplement spectaculaires comme le Loriot, y nichent régulièrement. Parmi les invertébrés, l’habitat, riche en vieux arbres troués de cavités, constitue le milieu électif de la Rosalie des Alpes, un des plus beaux coléoptères longicornes de France, considéré comme menacé en Europe et des papillons spécialisés comme le Petit Mars changeant y élisent domicile.

Menaces

L’aulnaie-frênaie-alluviale a subi de multiples destructions et dégradations au cours des siècles passés, tant directes – déforestation et transformation en prairies ou en cultures céréalières (maïs), substitution par des plantations de peupliers, coupes trop sévères – qu’indirectes : modification de la dynamique du cours d’eau réduisant les crues, enfoncement durable de la nappe. L’habitat est çà et là le lieu d’implantation et de multiplication d’espèces végétales invasives – Erable négundo, Balsamine de l’Himalaya, Renouée du Japon, Solidage du Canada – qui banalisent la flore et sont susceptibles de gêner par concurrence la survie des espèces autochtones.

Statut régional

L’habitat est répandu sous forme fragmentaire en bordure des cours d’eau de la région mais les grands ensembles spatiaux sont devenus très rares et figurent généralement aux grands inventaires de flore, d’habitats et de faune : ZNIEFF, ZICO, réseau NATURA 2000 ;

16 : moyenne vallée de la Charente (de Ruffec à Cognac)

17 : moyenne vallée de la Charente (de Cognac à Saintes), basses vallées de la Boutonne et de la Seugne

79 : vallées de la Boutonne, de l’Autize, de la Sèvre, du Thouet

86 : vallées de la Vienne, de la Gartempe, du Clain, de la Creuse

 

Saulaie blanche

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

La saulaie blanche appartient au groupe des forêts riveraines à bois tendres ; celles-ci sont constituées d’essences pionnières et peu longévives, appartenant à la famille des Salicacées ; les Salix argentés arborescents et les Populus qui prennent une part essentielle dans ce type de forêt sont des espèces héliophiles, frugales, à croissance rapide et produisant de grandes quantités de semences dispersées par le vent (anémochorie). Elles se développent directement en bordure des cours d’eau de moyenne importance (parfois en arrière d’une fruticée à saules arbustifs) sur des levées alluvionnaires remaniées périodiquement par les crues. Les sols sont peu évolués, de granulométrie variable (graviers, sables ou limons) enrichis régulièrement par les dépôts organiques des laisses de crues qui se minéralisent rapidement dans la zone de battement de la nappe ; un gley plus ou moins profond témoigne toutefois d’un engorgement durable en profondeur. La saulaie blanche colonise donc des milieux instables susceptibles de perturbations fréquentes, parfois catastrophiques et qui bloquent alors la dynamique d’évolution vers des forêts à bois durs.

En Poitou-Charentes, où l’habitat est peu représenté et où les conditions hydro-dynamiques favorables à son implantation sont peu fréquentes, sa variabilité semble faible : l’association centrale est la saulaie à Saule blanc du SALICETUM ALBAE ; toutefois, la présence sporadique du saule cassant Salix fragilis (et/ou de populations hybrides saule blanc x saule cassant Salix x rubens), notamment en moyenne vallée de la Charente sur des terrasses de graviers siliceux, laisse envisager la possible présence du SALICETUM FRAGILIS qui, d’après la littérature, occuperait des situations moins riches en calcaire (études complémentaires à mener).

La strate arborée de la saulaie blanche est dominée presque exclusivement par le Saule blanc, le Peuplier noir Populus nigra étant devenu très rare dans la région. Les arbustes sont peu diversifiés : Saule des vanniers Salix viminalis, Sureau noir Sambucus nigra, Cornouiller sanguin Cornus sanguinea. La strate herbacée varie beaucoup selon les conditions stationnelles (abaissement estival de la nappe) mais est généralement dominée par de grands hélophytes (en lien avec les inondations fréquentes) mêlés de nombreuses nitrophytes favorisées ici par la rapide minéralisation de la litière : Alpiste roseau Phalaris arundinacea, Roseau commun Phragmites australis, Grande Ortie Urtica dioica, Ronce bleuâtre Rubus caesius, Gaillet gratteron Galium aparine… La saulaie à Saule cassant, quant à elle, est très peu connue en Poitou-Charentes en tant qu’habitat, les rares stations connues de « Salix fragilis » correspondant souvent à des hybrides de celui-ci avec Salix alba et devant plutôt être rapportées à des saulaies blanches typiques. L’habitat serait à rechercher préférentiellement le long des rivières de la marge orientale de la Charente et de la Vienne, au contact des terrains primaires du Massif Central (Gartempe, Issoire, Tardoire) ainsi que dans la moitié nord des Deux-Sèvres : le biotope optimal de la saulaie cassante se trouvant à l’étage collinéen sur des alluvions sableuses et pauvres en calcaire.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • SALICETEA PURPURAE Moor 1958 : végétation forestière arbustive et riveraine à bois tendre
    • Salicetalia albae Müller & Gors 1958 : communautés arborescentes
      • Salicion albae Soo 1930 : communautés pionnières ou matures

COR 1991

  • 44.13 Forêt galeries de saules blancs

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 91E0 – 1 Saulaies arborescentes à Saule blanc
  • 91E0 – 2 Saulaies arborescentes à Saule cassant

Confusions possibles

Par sa position particulière dans le lit majeur du cours d’eau et sa composition dendrologique originale, dominée par des saules au feuillage argenté repérables à distance et parfaitement reconnaissables sur des photos aériennes, l’identification de l’habitat ne pose pas de problème particulier.

Dynamique

La saulaie blanche est un habitat très dépendant de la dynamique fluviale. Elle reste stable dans les situations basses ou lorsque la régularité des crues empêche l’installation d’une forêt à bois durs. Dans ces situations, elle est souvent précédée temporellement et spatialement par des taches de roselière et/ou le fourré à saules arbustifs du SALICETUM TRIANDRO-VIMINALIS (association néanmoins rare dans la région).

Dans les cas où divers travaux hydrauliques (barrages de retenue, ouvrages d’écrêtage de crues) ont altéré la dynamique fluviale en stabilisant le cours d’eau ou en abaissant durablement la nappe, la
saulaie blanche ne peut lutter comme l’implantation progressive des essences nomades de la forêt à bois durs : frênes, aulnes, ormes.

En situations secondaires, la saulaie blanche peut aussi exister en marge des trous d’eau des carrières et des sablières ; sa présence y reste cependant transitoire en l’absence des facteurs de rajeunissement du milieu (crues, alluvionnement) et elle évolue alors rapidement vers des frênaies ou des chênaies-frênaies fraiches.

Espèces indicatrices

[plante2] (Acer negundo), Populus nigra, Salix alba, (Salix X babylonica), Salix fragilis, Salix x rubens
[plante1] Carex riparia, Galium aparine, Galium palustre, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Phragmites australis, Rubus caesius, Sambucus nigra, Solanum dulcamara, Stachys palustris, Symphytum officinale, Urtica dioica
[briophytes] Amblystegium riparium, Fontinalis antipyretica
[oiseaux] Alcedo atthis, Ardea cinerea, Muscicapa striata, Oriolus oriolus
[coleopteres] Aromia moschata, Lamia textor, Oberea occulata, Saperda carcharias, Saperda populnea
[lepidopteres] Apatura ilia, Arashnia levana, Sesia apiformis
[orthopteres] Conocephalus discolor, Metrioptera roeselii, Pteronemobius lineolatus, Tetrix subulata
[champignons] Cortinarius uliginosus, Daedaleopsis confragosa, Hebeloma pusillum, Inocybe salicis, Pluteus salicinus, Tricholoma cingulatum

Valeur biologique

La saulaie blanche est considérée comme un habitat menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE, dite « Directive Habitats ». Sur le plan botanique, elle ne présente pas d’intérêt particulier, hormis la présence possible du Saule cassant, dont les stations régionales sont peu nombreuses. Son intérêt ornithologique est en revanche plus marqué, la saulaie servant de reposoir, de poste de chant ou de site de nidification pour l’avifaune des ripisylves : ardéidés, Loriot, Martin-pêcheur, divers autres passereaux. L’intérêt entomologique est aussi potentiellement très élevé mais semble dépendant surtout de la présence de vieux arbres riches en cavités et où les insectes xylophages peuvent creuser des galeries dans le bois tendre (coléoptères cérambycidés, notamment). Le Petit Mars changeant Apatura ilia, dont la chenille se nourrit de feuilles de saules et de peupliers, est un papillon rare au niveau régional. L’intérêt paysager n’est pas non plus négligeable, le feuillage argenté du Saule blanc conférant aux ripisylves qu’il frange une qualité esthétique certaine. Mais c’est avant tout l’intérêt écosystémique de l’habitat qu’il faut retenir, comme témoin du bon fonctionnement hydraulique d’un cours d’eau et, surtout, quand il s’insère dans des mosaïques alluviales complexes associant stades pionniers et stades matures, forêts de bois tendres et forêts à bois durs.

Menaces

L’habitat a beaucoup régressé par le passé et ne se rencontre plus que sporadiquement le long des 2 principales rivières de la région et de leurs gros affluents : la Charente et la Vienne. La régularisation des cours d’eau, en limitant les crues et stabilisant la dynamique, a probablement beaucoup contribué à cette régression. L’intensification des plaines alluviales – culture du maïs, populiculture – a également joué un rôle négatif. De nos jours, il est devenu difficile de trouver des saulaies blanches spatiales étendues, les occurrences de l’habitat se limitant désormais à de minces linéaires discontinus ou à des taches ponctuelles en bordure de frênaies-galeries. L’habitat sert souvent de niche d’implantation à l’Erable negundo Acer negundo, adventice d’origine nord-américaine, qui peut gêner dans certains cas la régénération des saules autochtones.

Statut régional

L’habitat est disséminé et souvent fragmentaire dans l’ensemble de la région.

16 : vallée de la Charente

17 : vallée de la Charente, basses vallées de la Boutonne et de la Seugne

79 : ?

86 : vallée de la Vienne

 

Chênaie pubescente

Rédacteur : Geneviève Gueret

Physionomie – écologie

Cette forêt se présente tantôt comme un taillis dense, d’une hauteur de 10 à 15 m avec un recouvrement pouvant atteindre 90%, tantôt comme un « pré-bois » où les pelouses alternent avec les faciès forestiers. Dans tous les cas, la strate arborée est dominée par le Chêne pubescent, essence à croissance lente, à fût court et tortueux et écorce noirâtre (d’où le nom local de « chêne noir »), à face inférieure des feuilles, bourgeons et jeunes rameaux velus, facilement reconnaissable l’hiver à ses feuilles marcescentes. Le Chêne pubescent est exigeant en chaleur et lumière ; il supporte bien la sécheresse et peut vivre plus de cinq siècles. Dans les secteurs où les 2 espèces cohabitent, il s’hybride facilement avec le Chêne pédonculé. C’est dans cet habitat que l’Erable de Montpellier a son optimum biologique, accompagné souvent par l’Alisier torminal Sorbus torminalis, plus rarement par le Cormier Sorbus domestica.
La strate arbustive est caractérisée par des arbustes bas tels que la Viorne lantane, les cornouillers mâle et sanguin et, dans les manteaux externes, différents rosiers ainsi que le Cerisier de Ste Lucie Prunus mahaleb (Charente surtout) et le Genévrier Juniperus communis. Le Buis Buxus sempervirens est parfois abondant dans l’est de la région. L’Alisier blanc Sorbus aria, caractéristique exclusive mais très rare, n’est connu que des environs d’Angoulême et au nord de Poitiers. À l’interface manteau/ourlet les lianes comme la Garance Rubia peregrina et le Tamier Tamus communis sont très fréquentes. La strate herbacée intra-forestière est peu diversifiée lorsque la canopée est fermée et ne s’enrichit que dans les faciès plus ouverts (=pré-bois), où certaines espèces de l’ourlet peuvent alors pénétrer en sous-bois. Les ourlets des chênaies pubescentes sont souvent très riches et constituent le refuge de nombreuses plantes à affinités méridionales ou sud-européennes.
Cet habitat se rencontre généralement sur roche-mère calcaire, du Jurassique supérieur ou du Crétacé : calcaires durs du Coniacien, calcaires blancs crayeux à spongiaires du Campanien, calcaires tendres du Turonien supérieur, marnes du Kimméridgien, calcaires marneux maestrichtiens, calcaires argilo-sableux de Cénomanien, sables et calcaires glauconieux du Coniacien, formations superficielles argilo-limono-sableuses plaquées sur calcaire marneux. Le sol est maigre, de type brun calcaire ou rendzine, l’humus un mull calcique, le pH>7. L’eau peut stagner en surface l’hiver, mais les sols ont une faible réserve utile en eau et se déshydratent à la belle saison. L’ambiance micro-climatique est nettement thermophile.
En fonction de la nature de leur substrat – type de roche-mère, profondeur, teneur en argile, réserves hydriques – et de leur situation géographique, les chênaies pubescentes régionales présentent une forte variabilité.
Celle-ci oscille entre un pôle mésophile où le Chêne pédonculé accompagne le Chêne pubescent et un pôle xérophile avec pénétration d’espèces sempervirentes telles que le Chêne vert, le Rosier sempervirent ou le Filaire à feuilles larges qui assure une transition avec la véritable chênaie verte centre-atlantique où ces espèces deviennent prépondérantes.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe Querco roboris-Fagetea sylvaticae Br-Bl &Vlieger in Vlieger 1937
Quercion pubescenti-sessiliflorae Br-Bl 1932
Sous-Alliance Sorbo ariae-Quercenion pubescentis Rameau 1996

COR 1991

41.71 Chênaies blanches occidentales et communautés apparentées
41.711 Bois occidentaux de Quercus pubescens

Directive habitat 1992 : Non retenu

Confusions possibles

Des confusions sont possibles entre la chênaie pubescente surtout son faciès xérophile sur calcaires durs – et la chênaie verte : celle-ci – outre la forte dominance (voire l’exclusivité) du Chêne vert et d’autres espèces sempervirentes – se distingue par son tapis herbacé plus pauvre en raison d’un sous-bois très sombre où le Lierre présente souvent un recouvrement important. Le Chêne pubescent, lorsqu’il est présent, ne joue qu’un rôle effacé. La situation géographique est aussi déterminante, la chênaie verte ne s’éloignant guère – sauf exceptions (peuplements des Chaumes Boissières en Charente) – de plus de 30km du littoral alors que la chênaie pubescente est potentiellement présente sur l’ensemble des sols calcaires de la région Poitou-Charentes.

Dynamique

Ce milieu est souvent en continuité spatiale et temporelle avec les pelouses calcicoles du Mesobromion et du Xerobromion avec lesquelles il tend à former des complexes d’un grand intérêt. Exploitée généralement en taillis, la chênaie pubescente apparaît comme un habitat stable en raison de conditions édaphiques assez contraignantes (sécheresse, pauvreté trophique).

Espèces indicatrices

[plante2] Quercus pubescens, Acer monspessulanum, Cornus mas, Sorbus torminalis, *Sorbus aria, Viburnum lantana, Viola alba ssp.scotophylla
[plante1] Brachypodium pinnatum, Buxus sempervirens, Campanula glomerata, Campanula persicifolia, Carex flacca, *Carex digitata, *Carex montana, Cephalanthera longifolia, Cephalanthera rubra, *Daphne laureola, *Epipactis muelleri, Euphorbia brittingeri, Filipendula hexapetala, Geranium sanguineum, Helleborus foetidus Juniperus communis, Lathyrus latifolius, Lathyrus niger, Ligustrum vulgare, Limodorum abortivum, Lithospermum purpureo-caeruleum, Lonicera xylosteum, Melampyrum cristatum, Melittis melissophyllum, Mercurialis perennis, Orchis mascula, Platanthera chloranta, Polygonatum odoratum, Prunus mahaleb, Quercus ilex, Quercus robur , Rhamnus catharticus, Rubia peregrina, Silene nutans, Sorbus domestica, Tamus communis, Trifolium medium, Trifolium rubens, Veronica teucrium, Viola hirta
[briophytes] Ctenidium molluscum, Rhytidiadelphus triquetrus
[champignons] Agaricus fuscofibrillosus, Amanita ovoidea, A. proxima, A. strobiliformis, Boletus lupinus , B. luteocupreus, B. rhodopurpureus, B. satanas, B. torosus, B. xanthocyaneus, Cortinarius aleuriosmus, C. caerulescens, C. ionochlorus, C. multiformis, C. nanceiensis, C. rapaceus, C. rapaceotomentosus var. violaceotinctus, C. xanthophyllus, Hygrophorus penarius, H. persoonii, H. russocoriaceus, H. russula, Lactarius acerrimus, L. evosmus, L. zonarius, Russula maculata, R. olivacea, Tuber aestivum, T. brumale, T. melanosporum, T. mesentericum, Xerocomus dryophilus
[orthopteres] Cyrtaspis scutata, Meconema thalassinum, Nemobius sylvestris, Phaneroptera falcata, Pholidoptera griseoaptera
[lepidopteres] Clossiana dia, Hipparchia fagi

Valeur biologique

En tant qu’habitat, la chênaie pubescente au sens strict ne possède pas de rareté intrinsèque au niveau régional puisqu’elle représente environ 30% des forêts du Poitou-Charentes. En revanche, ses lisières constituent un biotope de choix pour les ourlets xéro-thermophiles où se réfugie une flore originale et précieuse (voir fiche « Ourlets maigres xéro-thermophiles »). Par ailleurs, elle forme souvent des mosaïques biologiquement très riches avec des milieux ouverts ou semi-ouverts tels que les pelouses calcicoles ou les fourrés thermophiles.
Contrairement aux ourlets, floristiquement très riches, la chênaie pubescente n’abrite qu’un nombre modéré d’espèces végétales patrimoniales : Laîche des montagnes Carex montana, Laîche digitée Carex digitata, Alisier blanc Sorbus aria etc..

Menaces

Dépourvue d’intérêt sylvicole réel, la chênaie pubescente fait souvent l’objet d’enrésinements (Pin noir d’Autriche, Pin sylvestre), qui altèrent sa valeur biologique. À proximité des agglomérations, elle est souvent « mitée » par des constructions ; plus localement enfin, elle peut constituer un site pour la culture de la truffe.

Statut régional

Cet habitat a une répartition assez large dans la région et peut couvrir des surfaces conséquentes au sein des secteurs calcaires, sa fréquence départementale reflétant assez fidèlement l’étendue des affleurements crétacés et jurassiques : très commune en Charente, commune en Charente-Maritime et Vienne, la chênaie pubescente devient plus localisée dans les Deux-Sèvres. C’est dans un petit secteur à cheval sur le nord de 17 et le sud de 79 que se trouvent les exemplaires de cet habitat les plus riches botaniquement de tout le Poitou-Charentes : il s’agit de fragments relictuels d’une ancienne ceinture de forêts s’étendant jusqu’aux environs d’Angoulême et connue sous le nom de « sylve d’Argenson », ensemble aujourd’hui morcelé , défriché et mis en culture depuis le Moyen Age.

16 : forêt de la Braconne, forêt de Boixe
17 : forêt de Benon, bois de St Christophe
79 : forêt d’Aulnay, forêt de Chizé, bois d’Availles
86 : forêt de Lussac, bois de St Benoît, de Chauvigny

 

Forêts de pentes et de ravins à tilleuls et érables

Rédacteur : David Suarez

Physionomie – écologie

Cet habitat, aussi appelé tiliaie-acéraie, se développe sur les fortes pentes calcaires (parfois aussi siliceuses) ou au sein de talwegs forestiers, situés le plus souvent en marge des plateaux calcaires durs entaillés par des vallées.

Ces pentes sont alors recouvertes d’éboulis grossiers, voire de blocs calcaires détachés par l’érosion. Il s’agit d’un boisement sombre, frais et à forte humidité atmosphérique, très pentu, généralement orienté au nord ou à l’est, et dont le sol peu épais est recouvert d’une couche muscinale importante. L’accessibilité difficile des ravins dans lesquels il s’installe rend l’exploitation du bois presque impossible et permet le maintien d’une futaie âgée, prenant parfois l’aspect d’une forêt subprimaire.

La strate arborée est composée de grands tilleuls (Tilia platyphyllos), érables (Acer campestre surtout, plus rarement Sycomore Acer pseudoplatanus seulement subspontané en région Poitou-Charentes), chênes (Quercus robur), frênes (Fraxinus excelsior), plus rarement d’Orme de montagne Ulmus glabra et la strate herbacée est plutôt clairsemée, généralement caractérisée par l’omniprésence des fougères dont la Scolopendre Asplenium scolopendrium est la plus répandue.

Les conditions micro-climatiques réunies dans ces stations sont favorables à la présence d’espèces végétales à affinités montagnardes ne supportant pas un ensoleillement prolongé, souvent relictuelles et généralement rares en plaine, comme la Cardamine pennée Cardamine heptaphylla, dont la floraison printanière de milliers de pieds illumine le sous-bois de son unique localité régionale située en Charente, près de Cognac. D’autres plantes remarquables, plutôt indicatrices des chênaies-charmaies du Carpinion Betuli avec lesquelles la tiliaie est souvent en contact, notamment en bas de pente, peuvent s’insérer dans le cortège végétal, comme la Lathrée écailleuse Lathraea squamaria, le Lis martagon Lilium martagon, l’Androsème Hypericum androsaemum

On notera que cet habitat couvre généralement de faibles surfaces en Poitou-Charentes, car les conditions nécessaires à son développement (fortes pentes, éboulis, exposition nord…) sont rarement réunies en plaine. De plus, il reste mal connu et les formes atypiques ou de transition avec d’autres types forestiers sont plus fréquentes que les situations exemplaires.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance : Tilio platyphylli-Acerion pseudoplatani (Klika 1955)

COR 1991

41.41 Forêts de pentes et de ravins à tilleuls et érables

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

9180* Forêts de pentes, éboulis, ravins du Tilio-Acerion

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec d’autres boisements susceptibles de coloniser les pentes calcaires comme les chênaies-frênaies atlantiques qui se développent plutôt sur les pentes modérées et sur des matériaux plus fins, les chênaies-charmaies, qui se développent généralement en fond de vallée sur un sol profond mais qui sont souvent en contact direct avec la tiliaie-acéraie en bas de pente ; la chênaie thermophile peut également présenter un faciès « frais » et descendre le long des rebords de plateaux calcaires qu’elle occupe le plus souvent, et se mêler alors avec la tiliaie. Sur sol acide, avec des conditions stationnelles équivalentes, on observe un boisement d’apparence assez similaire, où le Hêtre est alors souvent présentdans des stations qui jouent le rôle de refuge pour cette essence au sein d’une région dont le climat général ne lui convient pas (pluviométrie insuffisante). Les confusions possibles avec d’autres types de boisements sont assez nombreuses et seuls des relevés rigoureux de végétation permettent de caractériser avec certitude cet habitat, surtout en zone de basse altitude comme c’est le cas en Poitou-Charentes.

Dynamique

Les forêts de pentes et de ravins sont des boisements stables, qui constituent le stade final de développement de la végétation sur pentes et éboulis calcaires en exposition fraîche (nord ou est). En raison des conditions d’exploitation très difficiles liées notamment aux conditions d’accès, ces forêts sont souvent laissées en l’état, et constituent peut-être les dernières reliques, ou du moins un aperçu, de ce que pouvaient être les forêts primaires qui couvraient autrefois toute l’Europe.

Espèces indicatrices

[plante2] Asplenium scolopendrium , *Cardamine heptaphylla, *Carex digitata, *Doronicum plantagineum, *Dryopteris affinis, *Polystichum aculeatum, Polystichum setiferum, Stachys alpina, Tilia platyphyllos, *Ulmus glabra
[plante1] Acer campestre, Acer pseudoplatanus, *Aconitum vulparia, Buxus sempervirens, Campanula trachelium, Cardamine impatiens, Corydalis solida, Corylus avellana, *Doronicum pardalianches, *D.plantagineum, Fagus sylvatica, Fraxinus excelsior, Hedera helix, Hypericum androsaenum, Lamium galeobdolon, *Lathraea squamaria, *Lilium martagon, Milium effusum, *Muscari botryoides, Orchis mascula, Oxalis acetosella, Quercus robur, *Scilla bifolia, *Veronica montana
[briophytes] Cirriphyllum piliferum, Ctenidium molluscum, Eurhynchium striatulum, Eurhynchium striatum, Fissidens taxifolius, Hylocomium brevirostre, Neckera crispa, Polytrichum formosum, Rhytidiadelphus loreus, Rhytidiadelphus triquetrus, Thamnobryum alopecurum, Thuidium tamariscinum
[champignons] Rutstroemia luteovirescens
[mammiferes] Blaireau d’Europe Meles meles
[oiseaux] Pic cendré Picus canus
[mollusques] Acicula fusca, Arion intermedius, Carychium minimum

Valeur biologique

Cet habitat est rare en région Poitou-Charentes, où il couvre généralement de faibles surfaces. De plus, les stations où le cortège floristique est riche en espèces végétales à affinités montagnardes ou continentales, souvent relictuelles en plaine, se comptent quasiment sur les doigts de la main. De fait, beaucoup des plantes caractéristiques de ce groupement sont au moins inscrites sur la Liste Rouge des espèces menacées en Poitou-Charentes. L’exemple le plus remarquable est le Bois des Fosses, situé en Charente près de Cognac le long de la vallée du fleuve Charente, où l’on peut observer la Cardamine pennée Cardamine heptaphylla, ici en aire disjointe et dont les stations les plus proches sont situées dans le Massif Central. La présence de futaies souvent âgées et peu fréquentées du fait de l’accessibilité difficile favorise également la faune : les rares pics mar et cendré peuvent y être rencontrés, le Blaireau, qui utilise les zones d’éboulis pour creuser son terrier, apprécie particulièrement ce milieu. Lorsque l’érosion a pris soin de creuser des grottes à flanc de pente, des chauves-souris y élisent alors fréquemment domicile.

Menaces

En raison des difficultés d’exploitation sylvicole des stations où cet habitat est présent, il n’existe pas de menace réelle pour le maintien de ce boisement en Poitou-Charentes. Toutefois, en raison de la pente qui le caractérise, et surtout lorsqu’une route le surplombe, on y observe fréquemment des dépôts sauvages, parfois très anciens (carcasses de vieilles voitures…). Parfois, les éboulis rocheux sont utilisés par des véhicules tout-terrain, notamment les motos de trial. Ces atteintes restent cependant peu fréquentes.

Statut régional

Habitat disséminé : présent surtout en 16 et en 86

Les sites comportant des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récent (ZNIEFF, Natura 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : Bois des Fosses, Grande Fosse (forêt de la Braconne), Côte du Chatelars, Bois des Loges

79 : Vallée de la Touche-Poupard

86 : bords de la Vienne aux environs de Chauvigny, vallée d’Anglin

 

Chênaies-charmaies, chênaies-frênaies

Rédacteur : Jean-Pierre Sardin

Physionomie-écologie

Ces habitats génériques correspondent à un ensemble d’associations qui déterminent ici la forêt mésophile ouest européenne atlantique. D’une façon générale, ces boisements – appelés aussi chênaies mixtes à charme – sont caractérisés par des essences de lumière, de dimension variable, qui favorisent des strates arbustives et herbacées assez denses et riches en espèces. Ils se développent sur des sols fertiles, au substrat frais, parfois temporairement humide, mais jamais engorgé. Selon les sols, mais aussi la latitude, on distinguera d’une part le groupe des chênaies-charmaies subcontinentales, limité dans notre région à la chênaie-charmaie calcicole, localisée essentiellement dans le nord et l’est, et d’autre part le groupe des chênaies-frênaies atlantiques neutroclines, beaucoup plus varié, avec des chênaies-frênaies plutôt liées à des sols bruns assez profonds, souvent en terrain plat ou à faible pente, sur lesquels elles remplacent la chênaie thermophile, et des chênaies-charmaies sur des sols à acidité plus ou moins modérée, comme des sables argileux, ou en bas de pente.

En raison de leur productivité assez importante, ces boisements sont très exploités, en taillis sous futaie ou en futaie. Ainsi, dans notre région, ces habitats sont en général des forêts secondaires, résultant du traitement forestier, et non des forêts climaciques. Ces traitements forestiers raccourcissent le cycle de régénération et imposent parfois la dominance de certaines espèces.

Selon les substrats et le relief, la latitude également, la diversité de
la strate arborée varie. Au nord, Chêne pédonculé Quercus robur et Chêne sessile Quercus petraea cohabitent souvent, le sessile étant plus rare vers le sud et le sud-ouest. Le Charme Carpinus betulus est parfois presque monospécifique, le Frêne commun Fraxinus excelsior étant le plus souvent accompagnant, même dans la chênaie-frênaie.

Les autres ligneux les plus fréquents sont le Noisetier Corylus avellana, l’Erable champêtre Acer campestre, l’Orme champêtre Ulmus minor, le Tilleul à petites feuilles Tilia cordata, le Merisier Prunus avium.

A l’étage en dessous, on observe notamment l’Aubépine monogyne Crataegus monogyna, le Troëne Ligustrum vulgare, le Fusain Evonymus europaeus, parfois le Fragon Ruscus aculeatus et le Camerisier Lonicera xylosteum.

L’une des caractéristiques physionomiques de ces habitats est la présence de nombreuses géophytes à floraison spectaculaire, abondante, prévernale et vernale, comme la Jonquille Narcissus pseudonarcissus, la Jacinthe des bois Hyacinthoides non-scripta, l’Ail des ours Allium ursinum

La strate herbacée est assez fournie, avec localement une grande diversité. Elle est dominée localement par l’Anémone des bois Anemone nemorosa, l’Hellébore fétide Helleborus foetidus, la Mélique uniflore Melica uniflora, la Pulmonaire à feuilles longues Pulmonaria longifolia, la Primevère élevée Primula elatior ou l’Arum d’Italie Arum italicum.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • Carpinion betuli Issler 1931 : sols ressuyés mais sans déficit hydrique.
  • Fraxino-Quercion roboris Rameau 1996 : sols à bonne réserve hydrique

COR 1991

  • 41.21 et 41.35 Chênaies et chênaies-frênaies atlantiques mixtes à Jacinthe (Endymio-Carpinetum, Corylo-Fraxinetum)
  • 41.22 et 41.36 Frênaies-chênaies et chênaies-charmaies aquitaniennes (Rusco-Carpinetum, Saniculo-Carpinetum)
  • 41.23 et 41.37 Frênaies-chênaies sub-atlantiques à Primula elatior méso-eutrophes
    • 41.231 Frênaie-chênaie à Arum
    • 41.232 Frênaie-chênaie à Corydalis solida
    • 41.233 Frênaie-chênaie à Allium ursinum
  • 41.27 Chênaies-charmaies et frênaies-charmaies calciphiles
    • 41.273 Chênaie-charmaie calciphile du sud du Bassin parisien avec Lilium martagon, Arum italicum, Daphne laureola
  • 41.39 Bois de frênes post-culturaux

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

NC

Confusions possibles

Les nombreux faciès associés à ces groupements expliquent la difficulté d’identification et les risques importants de confusion avec
d’autres habitats forestiers. Certaines chênaies présentent des faciès plus frais à frêne, alors que sur les pentes exposées au nord, on peut interpréter à tort une tiliaie-acéraie. Il y a d’autre part des convergences possibles avec la hêtraie calcicole dans certains massifs (Braconne, Chizé…) et les limites ne sont pas toujours très nettes. Aussi les relevés précis de la flore, arbustive et herbacée, sont-ils indispensables pour caractériser le plus sûrement ces habitats. Lorsque le sol est enrichi artificiellement en azote, ou lors de recolonisation forestière après culture, des groupements proches peuvent apparaître : les bois de frênes post-culturaux restent pour certains auteurs rattachés à l’ensemble ici décrit, alors que l’ormaie rudérale est considérée comme une variante anthropique du Carpinion. Ces boisements d’origine anthropique sont souvent colonisés par des plantes allochtones échappées de jardins environnants.

Dynamique

Ces forêts sont très souvent exploitées, conduites en futaie ou en taillis sous futaie, ce qui renforce parfois la fraîcheur du sous-bois et favorise l’implantation de ces habitats. Néanmoins, l’exploitation à courte révolution peut freiner ou empêcher l’apparition du climax. Ainsi ne peut-on parler de boisements stables, seules les parcelles situées sur un relief accentué, limitant l’exploitation, peuvent véritablement vieillir. C’est d’ailleurs au niveau de ces boisements préservés que l’on observe généralement les cortèges végétaux les plus intéressants d’un point de vue patrimonial.

Espèces indicatrices

[plante2] *Aconitum vulparia, Adoxa moschatellina, Allium ursinum, Arum italicum, Arum maculatum, *Cardamine bulbifera, Carpinus betulus, *Corydalis solida, Corylus avellana, *Daphne laureola, *Doronicum pardalianches, Fraxinus excelsior, *Helleborus viridis, Hyacinthoides non-scripta, *Hypericum androsaemum, Lamium galeobdolon, *Lilium martagon, Lonicera xylosteum, *Luzula sylvatica, *Lysimachia nemorum, Milium effusum, Moehringia trinervia, *Narcissus pseudonarcissus, *Nectaroscordum siculum, *Oxalis acetosella, *Primula elatior, Prunus avium, Quercus robur, Ranunculus auricomus, *Scilla bifolia, Symphytum tuberosum, *Thalictrella thalictroides , *Veronica montana
[plante1] Anemone nemorosa, Anthriscus sylvestris, Aquilegia vulgaris, Astragalus glycyphyllos, Athyrium filix-femina, Campanula trachelium, Cardamine flexuosa, Cardamine pratensis, *Carex digitata, Carex sylvatica, Circaea lutetiana, Conopodium majus, Cornus mas, Crataegus laevigata, Dryopteris carthusiana, Dryopteris filix-mas, Euphorbia amygdaloides, *Galium odoratum, Hedera helix, Helleborus foetidus, Iris foetidissima, *Lathraea squamaria, Melica uniflora, Mercurialis perennis, Mycelis muralis, *Myosotis sylvatica, Orchis mascula, Ornithogalum pyrenaicum, Polygonatum multiflorum, *Polystichum aculeatum, Polystichum setiferum, Primula acaulis, Pulmonaria longifolia, Ranunculus ficaria, Ruscus aculeatus, *Stachys alpina, Stachys sylvatica, Stellaria holostea, Veronica chamaedrys, Vicia sepium, Vinca minor, Viola riviniana
[champignons] Amanita lividopallescens, Boletus depilatus, B. dupainii, B. fechtneri, B. luteocupreus, B. queletii, B. rhodopurpureus, B. rhodoxanthus, Cortinarius cristallinus, Cortinarius galeobdolon, Gyroporus castaneus, Hygrophorus carpini, Lactarius circellatus, Leccinum carpini, Morchella vulgaris, Xerocomus armeniacus
[mammiferes] Meles meles
[amphibiens] Bufo bufo, Rana dalmatina, Salamandra salamandra

Valeur biologique

Cet ensemble est bien répandu en Poitou-Charentes, sur la plupart des terrains sédimentaires des bassins aquitain et parisien. Les variations sont nombreuses du nord au sud, souvent liées aux conditions de sol qui déterminent la présence ou l’absence d’espèces herbacées déterminantes, le cortège arboré et la physionomie restant le plus souvent similaire. Le cortège floristique patrimonial y est important, même s’il est peu fréquent de rencontrer de nombreuses espèces rares sur un même site : Aconitum vulparia, Cardamine bulbifera, Doronicum pardalianches, Lilium martagon, Nectaroscordum siculum en Vienne… Toutes ces espèces bénéficient d’un statut de protection au moins régional, et de nombreuses autres plantes peuplant cet habitat sont inscrites sur la liste rouge régionale.

Menaces

En raison de l’exploitation régulière et souvent assez intense des parcelles, les habitats sont instables et assez appauvris. Néanmoins, le large spectre des conditions d’installation, tant édaphiques que climatiques, permet à ces forêts mésophiles une large distribution. Les ensembles types sont cependant peu nombreux et de faible surface.

C’est le débourrage tardif des essences dominantes de la chênaie-charmaie Carpinus betulus et Quercus robur qui explique le développement d’une strate herbacée richement colorée dès le tout début du printemps (mars-avril).

Statut régional

Habitat répandu surtout dans la moitié orientale et le nord de la région, se raréfiant vers le sud et le sud-ouest. De nombreuses chênaies-charmaies ont été intégrées dans le réseau des ZNIEFF, notamment toutes celles abritant des stations de Lis martagon, de Scille à 2 feuilles, d’Ail de Sicile ou de Dentaire bulbifère.

16 : forêts de La Braconne et de Bois-Blanc, forêt de Ruffec

17 : vallées du Bourrut et du Coran

79 : bois des Grais, bois de Glassac, forêt de Secondigny

86 : coteau de la Touche, bois de la Héronnière, bois de Maviaux, vallée de Teil

 

Hêtraies

Rédacteur : Anthony le Fouler

Physionomie – écologie

Le Hêtre est une essence des climats océaniques et montagnards. L’humidité atmosphérique est le principal facteur limitant sa propagation en véritables peuplements vers les plaines du sud. Il occupe par contre des surfaces importantes dans le Massif central, les Alpes et les Pyrénées à la faveur des brouillards chargés d’humidité. A notre ère, la hêtraie de plaine trouve dans quelques rares forêts domaniales picto-charentaises ses derniers refuges méridionaux. Elle exige aussi des sols relativement bien drainés et semble par contre indifférente à la nature du sol (marnes calcaires drainées, grès, granites).

La distinction des hêtraies régionales est faite sur les variations de composition des strates basses dépendantes du pH et de l’hydromorphie du substrat. 3 grands types de hêtraies peuvent être distingués :

– les hêtraies acidiphiles, non exposées ici car appartenant en Poitou-Charentes à l’ensemble des chênaies-hêtraies du QUERCION ROBORIS-PETRAEAE,

– les hêtraies neutroclines et mésophiles du CARPINION BETULI,

– les hêtraies thermophiles du RUBIO-FAGETUM SYLVATICAE, riches en espèces transgressives de la chênaie pubescente, mais également rapportables au CARPINION BETULI.

Les hêtraies neutroclines de Poitou-Charentes sont définies principalement par l’association du Melico-Fagetum ou « hêtraie à Mélique », habitat d’intérêt communautaire. Elles couvrent des surfaces faibles dans la région et se développent sur des brunisols à humus doux (mull), au pH voisin de la neutralité. Le substrat est frais ou légèrement humide, mais jamais saturé en eau. Le Hêtre est généralement dominant mais peu parfois être co-dominant avec le Chêne pédonculé en cas d’orientation sylvicole et dans les zones les plus sèches de son aire. En régime de futaie, la strate arbustive est très clairsemée et composée d’espèces neutroclines comme le Noisetier Corylus avellana, le Fusain d’Europe Euonymus europaeus ou encore le Cornouiller sanguin Cornus sanguinea. Le tapis herbacé est généralement très recouvrant et particulièrement luxuriant au printemps. Cette végétation s’organise en taches plus ou moins grandes où chacune est dominée par une plante particulière. La Mélique uniflore Melica uniflora et l’Aspérule odorante Galium odoratum sont les plus caractéristiques de ce type d’habitat. Le Sceau de Salomon Polygonatum odoratum, la Violette des bois Viola reichenbachiana, l’Anémone sylvie Anemone nemorosa, sont également fréquentes et composent des communautés vernales proches de celles rencontrées en sous-bois des chênaies-charmaies.

Plus rarement, le hêtre arrive difficilement à constituer de véritables peuplements sur les sols à fortes variations hydromorphiques du bassin aquitain (saturation en hiver et assèchement en été). Le cortège s’enrichit alors de plantes calcicoles et thermophiles mais tout en gardant une originalité vis à vis des véritables hêtraies calcaires du CEPHALANTHERO-FAGION. Ce type de hêtraie thermophile, rare et originale, est à rapprocher du RUBIO-FAGETUM Roisin 1967, un habitat non retenu par le Directive 92/43/CEE et qui relaie au sud-ouest de la Loire les DAPHNO-FAGETUM et CARICI-FAGETUM nord-atlantiques. Les plus beaux exemplaires du RUBIO-FAGETUM appartiennent aux forêts domaniales de Chizé et d’Aulnay. Le hêtre, ici dominant, est souvent accompagné d’essences thermophiles telles que le Chêne pubescent Quercus pubescens ou, plus remarquablement, l’Erable de Montpellier Acer monspessulanum. La strate arbustive y est pauvre, souvent dominée par le Fragon Ruscus aculeatus, mais la strate herbacée est dense et riche en plantes. Elle est aussi relativement riche en Orchidées dont certaines sont bien adaptées aux contraintes d’ombrage (Limodorum abortivum, L. trabutianum, Neottia nidus-avis).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • QUERCO ROBORIS-FAGETEA SYLVATICAE Braun-Blanq. & Vlieger 1939

    Forêts tempérées caducifoliées ou mixtes, collinéennes et montagnardes (plus rarement subalpines), ainsi que supraméditerranéennes.

  • Fagetalia sylvaticae Pawł. in Pawł., Sokołowski & Wallisch 1928
    • Carpinion betuli Issler 1931 : Communautés acidiclines à calcicoles sur sols ressuyés mais sans déficit hydrique marqué.
    • Melico uniflorae-Fagetum sylvaticae Lohmeyer in Seibert 1954
    • Rubio-Fagetum sylvaticae Roisin 1967

COR 1991

  • 41.13 Hêtraies neutrophiles
    • 41.131 Hêtraies à Aspérule et Mélique (et à Garance voyageuse)
      • 41.1311 Hêtraie calcicline à Mélique
      • 41.1312 Hêtraie neutrocline à Mélique

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 9130 Hêtraies de l’Asperulo-Fagetum
    • 9130-1 Hêtraies-chênaies à Mélique, If et Houx

Confusions possibles

Du fait qu’elles soient inscrites dans la même succession végétale, les hêtraies neutroclines peuvent être confondues avec les chênaies-charmaies lorsque l’essence dominante ou co-dominante est le Hêtre. Il sera toujours intéressant de noter pour les chênaies-charmaies transitoires le recouvrement du Hêtre pour prédire un éventuel passage à la hêtraie climacique. La présence de nombreuses plantes neutroclines et de quelques calcaricoles permettra de la distinguer de la chênaie-hêtraie acidiphile.

En ce qui concerne la hêtraie à Garance, une confusion peut être faite avec la chênaie pubescente transitoire et surtout avec les hêtraies calcicoles sèches du CEPHALANTHERO-FAGION (mais les hêtraies appartenant à ce groupe se trouvent en climat plus continental).

Dynamique

La hêtraie neutrocline dérive des chênaies-charmaies dans les zones où les conditions climatiques sont propices au développement du hêtre (pluviométrie suffisante). Ceci explique la présence de nombreuses plantes en commun entre ces deux formations. Le hêtre étant incapable de rejeter sur souche, seules les chênaies-charmaie en régime de futaie sont susceptibles d’évoluer vers une hêtraie climacique. Néanmoins les chênes et les charmes subsistent longtemps au sein de cet habitat.

La hêtraie thermophile sur calcaire est une forêt climacique. Elle est l’aboutissement du long processus de colonisation des pelouses sèches calcicoles par les ligneux. Elle est susceptible de succéder à un groupement calcicole boisé soumis au régime de futaie.

En conditions défavorables dans notre région à climat relativement sec, le Hêtre éprouve des difficultés de développement ce qui limite fortement l’extension de l’habitat, même en régime de futaie.
Comme mesure de gestion sylvicole, la coupe à blanc est fortement traumatisante et ne permet jamais de prédire le retour à la hêtraie calcicole climacique. Seul un régime de futaie avec coupe d’ensemencement est susceptible de régénérer ce type de boisement. Le régime en futaie jardinée serait idéal pour conserver et exprimer le potentiel floristique du groupement.

Espèces indicatrices

[plante2] Euonymus europaeus, Fagus sylvatica, Galium odoratum, *Hordelymus europaeus, Melica uniflora, Neottia nidus-avis
[plante1] Acer monspessulanum, Adoxa moschatellina, Anemone nemorosa, Brachypodium pinnatum, Cornus sanguinea, Hyacinthoides non-scripta, Geranium sanguineum, Lamium galeobdolon, Limodorum abortivum, *Limodorum trabutianum, Polygonatum odoratum, Quercus pubescens, *Rosa pimpinellifolia, *Rosa sempervirens, Rubia peregrina, Ruscus aculeatus, Sorbus torminalis
[briophytes] Ctenidium molluscum
[mammiferes] Barbastella barbastellus, Capreolus capreolus, Meles meles, Myotis bechsteinii
[oiseaux] Dendrocopos medius, Dryocopus martius, Phylloscopus sibilatrix
[lepidopteres] Cryptococcus fagi, Limenitis camilla, Limenitis reducta, Thecla quercus
[coleopteres] Meloe proscarabaeus

Valeur biologique

Toutes les hêtraies en Poitou-Charentes présentent une grande valeur biologique du fait de leur faible surface et de leur situation en limite méridionale (hêtraies de plaines). La flore des hêtraies neutroclines, aux cortèges herbacés proches des chênaies-charmaies, formations plus courantes dans la région, est donc relativement banale mais toutefois très diversifiée. Les hêtraies à Garance ont quant à elles une flore très originale avec la présence de plantes calcaricoles et thermophiles dont quelques raretés comme le Limodore de Trabut Limodorum trabutianum et l’Orge d’Europe Hordelymus europaeus. Ces forêts sont également le lieu de vie de nombreuses espèces animales comme le Chevreuil, le Sanglier et les chauves-souris arboricoles. Des insectes fréquentent également régulièrement cet habitat.

Menaces

D’une part, de nombreux boisements de feuillus sont arasés au profit de plantations de résineux. D’autre part, certaines pratiques sylvicoles sont néfastes pour la flore et la faune des hêtraies. La conduite du boisement en taillis est très fréquente et exclut les potentialités du Hêtre, incapable de rejeter sur souche. En condition de sols bien drainés, cette essence noble, ici hors de son optimum écologique et donc moins productif, est éliminé au profit d’autres essences plus rentables telles que les Chênes. De plus, la régénération des hêtraies est rendue difficile du fait de sa position climatique en Poitou-Charentes.

Enfin, les puissantes tempêtes de ces deux dernières décennies ont anéanti de grandes surfaces de futaies de hêtres. Autre facteur climatique, les sècheresses successives et, semble-t-il, en recrudescence, limitent la propagation de ces peuplements climaciques. La forte exigence en humidité atmosphérique du hêtre fait de cette essence un bon indicateur du réchauffement climatique global.

Statut régional

En tant qu’habitat, la hêtraie est très localisée en région Poitou-Charentes où elle n’occupe que de petites surfaces au sein de plus vastes boisements, bien que le Hêtre offre une répartition plus étendue mais le plus souvent sous forme d’individus isolés ne formant pas de véritables peuplements.

16 : Forêt de la Braconne

17 : Massif forestier de Chizé-Aulnay

79 : Massif forestier de Chizé-Aulnay ; forêts de Secondigny, du Fouilloux, de l’Absie, de Chantemerle

86 : Forêt de Moulière

 

Chênaie acidophile

Rédacteur : Anthony le Fouler

Physionomie – écologie

Les chênaies acidiphiles se différencient en quatre grands types selon l’espèce de chêne dominante, le degré d’acidité, la teneur en nutriments et l’engorgement en eau du sol. Elles sont dominées, selon les cas, par le Chêne pédonculé, le Chêne sessile ou le Chêne tauzin. Le Hêtre, ici en limite d’aire, parvient parfois à se maintenir, voire à concurrencer localement les chênes.

La forêt de Chêne tauzin Quercus pyrenaica est caractéristique de la partie sud du domaine atlantique français. Le sous-type picto-charentais se développe sur des sols relativement secs et pauvres à faible activité biologique. Toujours en situation pionnière, ce groupement forestier présente une structure relativement ouverte permettant une bonne expression d’une strate herbacée riche en héliophiles comme l’Asphodèle blanche Asphodelus albus qui peut fleurir en masse au printemps avant le débourrage particulièrement tardif du tauzin. La strate arbustive est généralement peu dense et composé de Bourdaine Frangula alnus, de Bruyère cendrée Erica cinerea, de Fragon petit-houx Ruscus aculeatus ou encore de Genêt à balai Cytisus scoparius et d’Ajonc d’Europe Ulex europaeus.

Les chênaies sessiliflores se rencontrent également sur des substrats secs et acides. La strate arborée est dominée par le Chêne sessile et parfois par le Chêne pédonculé en cas d’orientation sylvicole dirigée. La strate arbustive est riche mais irrégulière. La strate herbacée est très variable selon l’état de conservation de l’habitat. Ces boisements sont gérés en futaie, taillis sous-futaie ou parfois en taillis simple. Selon la nature du sol, 2 types peuvent être distingués :

  • la chênaie sessiliflore à Alisier torminal Sorbus torminalis sur podzols acidifiés (sables, graviers, altérites de roches siliceuses ou limons dégradés). La strate herbacée est principalement constituée de la Canche flexueuse et de la Molinie bleue. Suite aux traitements pluriséculaires en taillis et taillis sous futaie, un groupement dégradé se met en place dans lequel apparaît une plante peu courante : le Peucédan de France Peucedanum gallicum.
  • la chênaie sessiliflore à Fragon petit-houx Ruscus aculeatus sur sols lessivés. Le sol y est bien drainé et moins acide que dans le sous-type précédent, permettant ainsi la transgression d’un plus grand nombre d’espèces neutroclines comme le Fragon petit houx ou le Charme Carpinus betulus (d’où son rattachement au Carpinion).

La chênaie acidiphile atlantique à Hêtre constitue la formation boisée la plus répandue sur substrat acide – limons à silex, sables, limons dégradés, arènes granitiques – des secteurs les plus arrosés de la région (moitié nord des Deux-Sèvres, notamment). La communauté méso-atlantique à Houx et parfois à If (Ilici aquifolii-Quercenion petraeae) d’intérêt communautaire est toutefois absente du Poitou-Charentes. Le groupement présent est à rapprocher des communautés sub-atlantiques et continentales du Quercenion robori-petraeae. Ces boisements peuvent s’étendre sur de grandes surfaces, sur des néoluvisols à humus acide et frais et aux pentes nulles à faibles. La strate arbustive est dispersée et composée principalement de jeunes arbres. La strate herbacée, organisée en taches isolées, est relativement banale et peu diversifiée.

La chênaie pédonculée à Molinie occupe des dépressions et cuvettes collectant les eaux de ruissellement. Le sol, généralement très acide et très oligotrophe, est engorgé d’eau jusqu’en surface (formation de pseudogley ou de planosol). Cette saturation hydrique induit une mauvaise dégradation de la matière organique accumulée et, donc, la formation d’un épais horizon humifère. Le Chêne pédonculé est ici l’essence principale, souvent accompagné du Bouleau verruqueux Betula pendula et du Tremble Populus tremula. Cette strate arborée reste toujours très ouverte. La strate arbustive est pauvre et également peu développée avec quelques sujets dispersés de Bourdaine. La strate herbacée haute et dense bénéficie des larges ouvertures laissées par les ligneux. Dans les situations les plus hydromorphes, de nombreux touradons de Molinie bleue rendent l’habitat très difficile d’accès. Sur des sols moins asphyxiants, le nombre de touradons est alors plus limité et laisse place à une plus grande diversité de plantes avec, notamment, la Canche flexueuse. Il n’est pas rare d’observer alors de véritables nappes homogènes de Fougère aigle Pteridium aquilinum en sous-bois.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • QUERCO ROBORIS-FAGETEA SYLVATICAE Braun-Bl.& Vlieger 1939 : forêts tempérées caducifoliées ou mixtes, collinéennes et montagnardes (plus rarement subalpines), ainsi que supraméditerranéennes.
    • Quercetalia roboris Tüxen 1931 : communautés acidiphiles
      • Quercion robori-pyrenaicae Rivas Mart. 1975 : communautés aquitaniennes et ligériennes.
      • Molinio caeruleae-Quercion roboris Scamoni & H.Passarge 1959 : communautés de sols engorgés dès la surface.
    • Fagetalia sylvaticae Pawlowski 1928 : communautés acidiclines à calcicoles
    • Carpinion betuli Issler 1931 : communautés sur sols ressuyés mais sans déficit hydrique marqué.

COR 1991

  • 41.5 Forêts de Chêne sessile ou Chêne pédonculé
    • 41.51 Chênaie pédonculée acidiphile à Molinie
    • 41.52 Chênaie acidiphile atlantique à Hêtre
    • 41.54 Chênaie aquitano-ligérienne sur podzols
    • 41.55 Chênaie aquitano-ligérienne sur sols lessivés ou acides
  • 41.6 Forêt de Chêne tauzin
    • 41.65 Forêts françaises de Quercus pyrenaica

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 9110 Vieilles chênaies acidiphiles des plaines sablonneuses à Quercus robur
    • 9110-1 Chênaies pédonculées à Molinie bleue
  • 9230 Chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Q. pyrenaica
    • 9230-1 Chênaies pionnières à Chêne tauzin et Asphodèle blanche du Centre-Ouest et du Sud-Ouest

Confusions possibles

Le caractère nettement acidiphile de ces boisements ne peut amener à les confondre avec les groupements calcicoles à flore très spécifique (chênaies pubescentes, hêtraies calcicoles). Le cas le plus fréquent d’erreur d’identification est dû aux orientations sylvicoles du forestier qui favorise certaines essences au détriment d’autres et empêche ainsi toute évolution naturelle des boisements. Les futaies sont généralement très caractéristiques et donc aisément reconnaissables. Par contre, dans le cas des taillis à la flore banalisée, des confusions peuvent être faites avec d’autres boisements caducifoliés.

Sur les sols engorgés, la chênaie acidiphile à Molinie peut être éventuellement confondue avec les tourbières boisées mais, comme leur nom l’indique, ces dernières font partie intégrante d’un vaste système tourbeux (profondeur de tourbe supérieure à 40 cm) et sont généralement dominées par les bouleaux. En conditions moins asphyxiantes, la distinction avec les chênaies sessiliflores peut être délicate en cas de co-dominance entre le Chêne pédonculé et le Chêne sessile.

Dynamique

Les chênaies acidiphiles sont variées et s’inscrivent chacune dans une dynamique végétale particulière :

La chênaie à Chêne tauzin est par définition un groupement forestier pionnier. A son stade optimal les peuplements peuvent être purs. Issus d’une pelouse ou d’un ourlet préforestier à Potentille des montagnes Potentilla montana, Asphodèle blanche et Garance voyageuse Rubia peregrina, les manteaux arbustifs à Bourdaine Frangula alnus, Brande Erica scoparia, Ajonc d’Europe Ulex europaeus et Alisier torminal Sorbus torminalis évoluent en chênaie à Chêne tauzin. En cours de maturation, le Chêne sessile et/ou le Chêne pédonculé s’implantent, jusqu’à surpasser le Chêne tauzin, moins compétitif.

Les chênaies sessiliflores sont quant à elles dans une dynamique de pelouses acidiphiles et de landes sèches. Les coupes à blanc fréquemment réalisées dans ces boisements favorisent l’expansion de la Callune Calluna vulgaris et la régression vers la lande sèche à Bruyère cendrée Erica cinerea.

Les chênaies-hêtraies acidophiles sont des groupements climaciques. Elles remplacent les groupements forestiers mésophiles tel que les chênaies-charmaies. Une évolution est possible vers des chênaies sessiliflores en cas de dégradation (lessivage et acidification).
Les chênaies sessiliflores et chênaies-hêtraies acidiphiles sont largement exploitées. Elles sont faciles d’accès et de bonne productivité. Classiquement, le forestier y réalise des coupes de sélection pour favoriser le bois noble.

La chênaie acidiphile à Molinie apparaît lorsque le chêne pédonculé colonise les landes humides et les prairies à Molinie. Toutefois, les premiers ligneux à apparaître sont le bouleau pubescent Betula pubescens et le Saule à oreillettes Salix aurita. Le premier stade boisé est dominé par le bouleau qui est peu à peu remplacé par le Chêne pédonculé. En cas de drainage, ces boisements évoluent avec la régression de la Molinie vers des chênaies sessiliflores. La chênaie à Molinie se place dans un contexte landicole, parfois tourbeux dans certaines stations. En cas d’élimination des ligneux, un retour à la lande, voire à la prairie à Molinie, est toujours envisageable. La chênaie à Molinie est relativement peu exploitée car peu productive et située sur des sols non portants.

Espèces indicatrices

[plante2] Carex pilulifera, Deschampsia flexuosa, Hieracium sabaudum, H.umbellatum, Holcus mollis, Hypericum pulchrum, Ilex aquifolium, Lonicera periclymenum, Luzula forsteri, L. multiflora, *L. sylvatica, Mespilus germanica, *Peucedanum gallicum, Populus tremula, Quercus pyrenaica, Quercus petraea, Quercus robur, Stachys officinalis, Teucrium scorodonia, Viola riviniana
[plante1] Arenaria montana, Agrostis curtisii, Asphodelus albus, Betula pendula, Calluna vulgaris, Castanea sativa, Corylus avellana, Cytisus scoparius, Erica cinerea, Erica scoparia, Fagus sylvatica, Frangula alnus, *Genista pilosa, Luzula campestris, Melampyrum pratense , Molinia caerulea, Polygala serpyllifolia, Potentilla erecta, Pteridium aquilinum, *Pyrus cordata, Ruscus aculeatus, Salix acuminata, *Salix aurita, Simethis mattiazzii, Sorbus torminalis, Ulex europaeus, Ulex minor
[briophytes] Atrichum undulatum, Campylopus introflexus, Dicranum scoparium, Hypnum jutlandicum, Leucobryum glaucum, Pleurozium schreberi, Polytrichum formosum
[mammiferes] Barbastella barbastellus, Capreolus capreolus, Meles meles, Myotis alcathoe, Myotis bechsteinii
[lepidopteres] Thecla quercus
[orthopteres] Gomphocerippus rufus, Nemobius sylvestris, Pholidoptera griseoaptera
[champignons] Russula graveolens
[lichens] Usnea rubicunda

Valeur biologique

Certains types de chênaies, de par la présence d’espèces rares, leur originalité, leur rareté à l’échelle européenne et régionale, ont une grande valeur patrimoniale. C’est le cas de la Chênaie pédonculée à Molinie, un habitat d’intérêt communautaire. Malgré sa flore peu diversifiée, cet habitat est peu répandu en Poitou-Charente et occupe toujours de petites surfaces. Le potentiel en amphibiens y est également important en cas de présence de fossés et de dépressions. Autre habitat remarquable : la chênaie à Chêne tauzin. Cette essence est peu fréquente car en limite septentrionale de son aire sud-ouest européenne. Les chênaies acidiphiles et sessiliflores présentent un moindre intérêt écologique. Leur flore est relativement banale et ces groupements forestiers sont bien représentés en Poitou-Charentes. Toutefois, le Chêne sessile n’apparait pas aussi répandu que le Chêne pédonculé.

Menaces

D’une part, de nombreux boisements sont arasés au profit de plantations de résineux (risque majeur pour les chênaies à Chêne tauzin). D’autres part, certaines pratiques sylvicoles sont néfastes pour la flore et la faune. Par exemple, les gestionnaires de boisements en taillis ou en futaie régulière à régénération artificielle ont recours à la coupe à blanc où la totalité des arbres sont abattus. Ce genre de méthode perturbe profondément la flore forestière et peu entrainer une perte quasi-intégrale de la flore habituelle. En effet, les conditions stationnelles sont fortement modifiées (augmentation de l’hydromorphie du sol par absence de l’effet de l’évapotranspiration des arbres, augmentation brutale de l’ensoleillement, perturbation de la structure du sol par les engins lourds).

Le drainage, technique de « valorisation » des sols, est la principale cause de régression des chênaies pédonculées à Molinie. Il assèche le sol et permet des tentatives de plantations qui se concluent souvent par un échec.

La non gestion peut localement être défavorable aux chênaies à Chêne tauzin. Il s’agit d’une espèce fugace d’un stade forestier pionnier et temporaire. Le risque est ici une évolution vers la chênaie sessiliflore, de moindre valeur écologique.

Statut régional

L’habitat est dispersé sur l’ensemble du territoire avec des fréquences variables selon les sous-types :

16 : la « chênaie à Chêne tauzin » est commune dans la Double

17 : la « chênaie à Chêne tauzin » est particulièrement bien représentée : landes de Cadeuil, landes de Montendre

79 : la « chênaie sessiliflore-hêtraie » possède ses plus beaux exemples régionaux dans les forêts de Secondigny, de l’Hermitain, du Fouilloux, de l’Absie

86 : ??