Eau avec végétation flottante libre

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie ècologie

L’habitat se rattache sur le plan structurel aux habitats qui constituent la strate supérieure de la végétation des eaux calmes. Il s’agit de communautés d’hydrophytes non fixées, généralement flottantes, parfois immergées, constituant des tapis plus ou moins denses et recouvrant, qui colonisent les eaux stagnantes des mares et des petits étangs, ou à très faible courant des bras morts de rivière, des canaux et des fossés de drainage des marais.

A la différence de l’habitat « Eau avec végétation flottante fixée » (22.43), ces formations végétales ne sont pas enracinées et disposent d’une relative autonomie, qui leur permet d’évoluer librement (pleustophytes) en surface, entre deux eaux ou à proximité du fond. Cette particularité, fondée sur des similitudes morphologiques et écologiques entre les espèces indicatrices, témoigne également d’une adaptation au milieu aquatique sur le plan biologique, plus particulièrement, de la capacité à assimiler les ressources disponibles dans l’eau, soit directement en puisant les éléments nutritifs dissous, soit indirectement en piégeant des organismes vivants (utriculaires).

L’habitat associe des espèces de tailles et de complexité variables (phanérogames, cryptogames, hépatiques) comme de grandes espèces (Hydrocharis, Stratiotes) pourvues d’un appareil végétatif et floral complet, parfois très spécialisé (utriculaires), par opposition aux espèces de taille plus modeste et de complexité moindre (lemnacées, Riccia, Azolla). Deux ensembles peuvent ainsi être identifiés : les formations souvent monospécifiques dominées par de grandes pleustophytes submergées et les formations plus diversifiées de petites ou moyennes pleustophytes flottantes à la surface ou à proximité.

Il s’agit toujours d’espèces annuelles (hydrothérophytes) souvent très prolifiques, qui peuvent constituer de grandes populations et qui disposent d’un fort pouvoir colonisateur par multiplication végétative et d’une capacité de dissémination importante (transport par le courant, les oiseaux ou le bétail). Il s’agit aussi d’espèces eurythermes. Nettement thermophiles pendant la phase de développement, elles affectionnent la pleine lumière ou la mi-ombre et les eaux peu profondes (inférieures à 1,5 mètre) qui se réchauffent rapidement et accélèrent la reproduction végétative.

Ces espèces non fixées, sont facilement entraînées à la surface et sont ainsi limitées par le courant et par le vent. Inversement, les eaux stagnantes des petits plans d’eau ou les courants très lents des canaux et des fossés, en situation ouverte et abritée, conviennent particulièrement aux pleustophytes qui peuvent alors se montrer envahissantes et recouvrir une grande partie ou la totalité de la surface de l’eau.

Par ailleurs, les adaptations biologiques propres à ces espèces pour exploiter les ressources disponibles dans l’eau, les rendent très dépendantes du gradient trophique. De ce fait, l’habitat se rencontre principalement dans les eaux riches en éléments nutritifs dissous (mésotrophes à eutrophes, parfois hypertrophes) et plus rarement dans les eaux oligotrophes (plantes carnivores uniquement). Dans sa configuration type, l’habitat se rencontre en conditions eutrophes et regroupe fréquemment plusieurs espèces indicatrices (Lemnacées, Azolla filiculoides, Hydrocharis morsus-ranae), vivant en association et/ou développant des populations successives en raison d’une évolution du niveau trophique, plus rarement par une espèce monospécifique (Utricularia vulgaris). Spirodela polyrhiza tolère des situations en partie ombragées et des eaux moins chaudes alors qu’Azolla ou Wolffia colonisent surtout les eaux à fort réchauffement estival. Plusieurs de ces espèces sont également relativement halophiles et prospèrent dans les eaux subsaumâtres des marais arrière-littoraux ou des mares dunaires.

En Poitou-Charentes, la configuration type associant les formations de lentilles et d’Hydrocharis est présente un peu partout, tout particulièrement dans les grands marais planitiaires (Marais Poitevin et marais charentais) et ce, jusqu’à proximité du littoral. La « Venise Verte » tire ainsi directement son nom de la physionomie de ces tapis de lentilles d’eau visibles à la surface des conches et des canaux. En contexte acide, l’habitat devient moins courant et occupe de préférence les mares et les petits étangs eutrophes, les fosses oligotrophes des carrières d’extraction d’argile (Utricularia australis) et les zones de sources (Riccia fluitans).

Phytosociologie et correspondances typologiques

COR 1997

22. 41 Végétations flottant librement : communautés flottant librement à la surface des eaux plus ou moins riches en nutriments
22.411 Couvertures de Lemnacées, Azolla ou hépatiques
22.412 Radeaux d’Hydrocharis morsus-ranae
22.413 Radeaux de Stratiotes aloides
22.414 Colonies d’utriculaires

PVF 2004

LEMNION MINORIS O.Bolos & Masclans 1955 : communautés des eaux eutrophes à hypertrophes
LEMNION TRISULCAE Hartog et Segal 1964 : communautés des eaux oligo-mésotrophes à méso-eutrophes.

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3150-3 « Plans d’eau eutrophes avec dominance de macrophytes libres flottants à la surface de l’eau »
3150-4 « Rivières, canaux et fossés eutrophes des marais naturels »

Confusions possibles

Dans sa configuration type, l’habitat ne peut être confondu avec aucun autre habitat des eaux calmes.

Dynamique

Les tapis de pleustophytes constituent des formations pionnières dans la dynamique de la végétation aquatique des eaux calmes.

Le maintien de ces espèces annuelles dépendra du renouvellement et de la conjonction de facteurs écologiques favorables, ce qui confère à l’habitat un caractère instable et précaire.

Parmi ces facteurs, la minéralisation des eaux favorise le développement de tapis flottants qui deviennent largement dominants (Lemnacées, Hydrocharis) et limitent celui des autres formations. De plus, contrairement aux espèces des autres habitats des eaux calmes, pour lesquelles la profondeur de l’eau est un facteur limitant qui entraîne une zonation précise des formations, celles qui relèvent de l’habitat « Eau avec végétation flottante libre » peuvent évoluer librement et, de ce fait, occuper toute la surface de l’eau dès lors que les conditions de leur développement sont réunies. A ce stade plus avancé, la prolifération de certaines espèces (Lemna gibba, Lemna minor, Spirodela polyrhiza, Azolla filiculoides, Riccia sp.) favorisée par une forte multiplication végétative, aboutit à la formation de plusieurs couches superposées et devient un facteur de régression pour les autres habitats des eaux calmes, interdisant, par exemple, la captation des rayons lumineux par les hydrophytes immergés. Parallèlement, cette prolifération accélère la décomposition de la matière végétale sur le fond dans des conditions anaérobies, augmente les échanges gazeux avec le milieu aquatique, provoque un abaissement du taux d’oxygène et libère de l’ammoniac, ce qui peut, en période de fortes chaleurs, avoir des conséquences dévastatrices pour l’ensemble des espèces, animales et végétales. En cela, les communautés de Lemnacées permettent d’apprécier la qualité physico-chimique des eaux et ont ainsi une valeur bio indicatrice.

En profondeur moyenne, ces formations sont néanmoins concurrencées par des hydrophytes flottants enracinés, comme le Nénuphar jaune. De plus, ces espèces stagnophiles supportent mal l’action du courant et du vent ou une arrivée d’eau massive qui entraînent une fragmentation des tapis et une destruction du faciès caractéristique.

Notons enfin, que l’explosion spectaculaire de ces tapis de pleustophytes flottants, qui trouvent dans la dégradation de la qualité des eaux les conditions optimales de leur développement, n’est que le témoin visuel d’une eutrophisation rapide qui accélère encore d’avantage le processus d’évolution naturelle conduisant progressivement au comblement du milieu.

Espèces indicatrices

[plante2] (Azolla filiculoides), Hydrocharis morsus-ranae, Lemna gibba, Lemna minor, (Lemna minuta), Lemna trisulca, Spirodela polyrhiza, *Stratiotes aloides, Wolffia arrhiza
[plante1] (Ludwigia grandiflora), (Ludwigia peploides), Myriophyllum aquaticum, Phragmites australis, Typha angustifolia, Typha latifolia, *Utricularia australis, *Utricularia vulgaris
[briophytes] Riccia fluitans, Ricciocarpus natans
[amphibiens] Rana perezi
[mollusques] Anisus spirorbis, Oxyloma elegans, Stagnicola fuscus
[odonates] Erythromma viridulum

Valeur biologique

Si les formes eutrophes et, surtout, hypertrophes, de l’habitat sont assez répandues et tendent même à se développer avec la dégradation généralisée des milieux aquatiques, les faciès mésotrophes ou méso-eutrophes sont beaucoup plus rares. C’est dans ce faciès d’eaux mésotrophes drainant un marais tourbeux de Charente-Maritime que se localise l’unique station picto-charentaise de l’Aloès d’eau Stratiotes aloides, une Hydrocharitacée plutôt médio-européenne, très rare dans l’Ouest de la France, dont les rosettes foliaires immergées viennent flotter à la surface de l’eau au moment de la floraison. C’est également dans de faciès de l’habitat que se développe le Petit Nénuphar Hydrocharis morsus-ranae, une espèce en régression spectaculaire au cours des 2 dernières décennies dans tous les marais arrière-littoraux charentais. Bien que l’habitat ait beaucoup à souffrir des pullulations d’espèces invasives – au premier rang desquelles les jussies néo-tropicales – celles-ci peuvent toutefois avoir un impact indirect « bénéfique » : avec la séquestration massive de nutriments provoquée par la croissance de l’énorme biomasse des jussies, les eaux, initialement eutrophes, deviennent moins chargées et peuvent alors être colonisées par des utriculaires (Utricularia vulgaris et Utricularia australis), des espèces rares et liées généralement à la périphérie de marais tourbeux.
En revanche, lorsque l’habitat témoigne d’une eutrophisation d’origine anthropique, processus très rapide d’augmentation en substances nutritives qui génère une explosion de certaines espèces indicatrices au détriment de la diversité des autres espèces, ou lorsque celui-ci est composé, de manière monospécifique, par une espèce courante, ou par des espèces invasives (Azolla filiculoides, Lemna minuta), il présente alors une valeur patrimoniale faible et bien moindre que celle des formations qu’il tend à remplacer. En effet, dans un contexte d’eutrophisation importante, seules quelques espèces faunistiques ou floristiques arrivent à se maintenir et à exploiter les tapis de pleustophytes dont l’intérêt principal réside en l’apport nutritif qu’ils représentent pour les plus résistantes (poissons) ou pour certains oiseaux. Compte tenu de l’eutrophisation généralisée des eaux, d’origine agricole, la configuration type de l’habitat élémentaire est en nette régression partout. Dans ces conditions, la préservation des systèmes mésotrophes ou naturellement eutrophes devrait être prioritaire par rapport aux systèmes dégradés (eutrophisation ou hypertrophisation d’origine anthropique) en attendant que des mesures globales sur les causes de cette dégradation soient entreprises pour rétablir les conditions favorables à des formations plus complexes et plus intéressantes du point de vue de la biodiversité.

Menaces

Indépendamment des conséquences provenant de l’eutrophisation (diminution de la diversité, comblement…), ces formations sont sensibles à une acidification des eaux, à une modification des conditions hydriques, au développement d’espèces allochtones compétitives (jussies ou pleustophytes invasives), à un assèchement prolongé, et, s’agissant des espèces les plus héliophiles, à la fermeture du milieu.
Dans certains secteurs du Poitou-Charentes enfin (marais arrière-littoraux), la prolifération d’espèces animales allochtones (ragondin, rat musqué et, récemment, écrevisses américaines) a un tel impact sur les milieux aquatiques (turbidité des eaux, consommation des herbiers aquatiques) que même les nappes de lentilles d’eau ont du mal à survivre dans ces milieux très dégradés.

Statut régional

L’habitat est globalement répandu en Poitou-Charentes, avec toutefois une fréquence particulièrement élevée dans les grands marais arrière-littoraux de Charente-Maritime (fossés des marais de Rochefort, Brouage, estuaire Gironde) et le sud-ouest des Deux-Sèvres (Marais Poitevin : « Venise verte »).

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Eau avec végétation immergée vasculaire

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie – écologie

L’habitat appartient sur le plan structurel aux habitats constituant la strate inférieure de la végétation aquatique des eaux calmes et se présente sous la forme de massifs, de tailles et de profondeurs variables, dominés par des macrophytes immergés, fixés sur le fond plus ou moins lumineux des eaux claires stagnantes ou faiblement courantes.

La distinction avec les autres habitats des eaux calmes provient des différences biologiques et écomorphologiques marquées entre les espèces indicatrices de cet habitat et les autres hydrophytes fixés :

  • tout d’abord, ces espèces, dotées d’un tissu aérifère ou lacunaire, sont toutes vasculaires et, pour ces raisons notamment, mieux adaptées, plus compétitives, elles parviennent à supplanter d’autres plantes immergées plus héliophiles comme les algues (Chara et Nitella) caractéristiques des formations pionnières de l’habitat élémentaire « Eaux avec végétation immergée non vasculaire ».
  • en outre, ces espèces, généralement pérennes, plus rarement annuelles (Naias, Potamogeton trichoides), sont toujours enracinées, le plus souvent de façon permanente, parfois temporairement (Ceratophyllum) et sont entièrement submergées, leur cycle biologique s’effectuant en totalité sous la surface de l’eau, ou affleurantes, seuls les épis floraux étant alors émergés (Myriophyllum).
  • elles se reconnaissent également à leur appareil végétatif caractéristique, les espèces indicatrices étant, par exemple, régulièrement pourvues d’un seul type de feuilles, rarement de plusieurs, généralement filiformes (Potamogeton) ou laciniées (Myriophyllum), parfois découpées, à limbe très rarement élargi (Potamogeton lucens) et, contrairement aux espèces de l’habitat « Eau avec végétation flottante fixée », jamais flottantes ou étalées en surface. Le système floral réduit, muni de fleurs discrètes témoigne lui-même de l’adaptation de ces espèces aux contraintes de l’immersion.

L’habitat peut être composé d’une seule espèce indicatrice, mono spécifique, formant un herbier parfois dense, généralement au sein d’un milieu de petite dimension, ou de plusieurs espèces cohabitant dans un milieu plus hétérogène, le cas échéant, organisées en taches distinctes ou en ceintures progressives en fonction de la profondeur de l’eau ou de l’éclairement. Ainsi, certains grands potamots trouveront les conditions optimales de leur développement dans les eaux libres plus profondes alors que les espèces plus petites et plus tolérantes à l’ombre préfèreront les eaux moins profondes et plus abritées. Beaucoup de ces espèces indicatrices ont cependant des exigences écologiques propres, en conséquence de quoi l’habitat élémentaire pourra se rencontrer à la fois en contexte calcaire, neutre ou acide et dans des conditions trophiques très variables (oligotrophes à eutrophes).

En Poitou-Charentes, l’habitat est potentiellement présent partout où l’eau est permanente sans être trop profonde (de 1 à 3 mètres). Les étangs, les mares, les fossés, les marais et les bras annexes des rivières constituent autant de biotopes favorables au développement des formations de plantes immergées vasculaires, pour peu qu’ils ne soient pas trop pollués (systèmes hypertrophes) ou exploités (dégradations d’origine anthropique ou animale) et qu’ils soient suffisamment ouverts et ensoleillés. Les Deux-Sèvres armoricaines riches en plans d’eau abritent des espèces qui préfèrent les eaux acides et plutôt oligotrophes alors que les rivières à courant lent et les marais des plaines calcaires offrent des milieux propices au développement des nombreuses espèces basiphiles. Enfin, il faut remarquer que cet habitat est particulièrement touché par l’immixtion d’espèces invasives (Hydrocharitaceae, Haloragaceae) et que la région Poitou-Charentes est fortement impactée par la progression inquiétante de ces indésirables, sept espèces ayant déjà été recensées dans cet habitat.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

POTAMION PECTINATI Libbert 1931 Communautés plus ou moins pionnières des eaux calmes, stagnantes à faiblement courantes, moyennement profondes (0,5 à 4 m), mésotrophes à eutrophes.

COR 1991

22. 42 Végétations enracinées immergées (Potamogetonion)
22.421 Groupements de grands potamots (Magnopotamion)
22.422 Groupements de petits potamots (Parvopotamion)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3150-1 « Plans d’eau eutrophes avec végétation enracinée avec ou sans feuilles flottantes »
3150-4 « Rivières, canaux et fossés eutrophes des marais naturels »

Confusions possibles

Par sa physionomie (herbiers immergés) et le type biologique des espèces indicatrices (hydrophytes vasculaires), l’habitat est aisément reconnaissable. Néanmoins, les formations étant entièrement immergées, il est parfois difficile à repérer, parmi d’autres habitats, comme par exemple sous des tapis de macrophytes flottants, et doit être recherché. Il faut également être attentif pour ne pas le confondre avec les tapis de characées relevant de l’habitat « Eau avec végétation immergée non vasculaire ». Dans ces situations, la découverte de fragments de plantes sur les zones littorales est un moyen simple pour attester de la présence des espèces indicatrices et identitifier des herbiers visibles mais inaccessibles.

Par ailleurs, les formations végétales doivent être suffisamment importantes pour remplir la fonction d’habitat. En présence de cortèges d’appartenance distincte, l’estimation de l’abondance et de la dominance des espèces indicatrices sera, dans certains cas, nécessaire pour retenir celui des habitats qui convient le mieux ou, le cas échéant, l’habitat plus général « Fossés et petits canaux » (89.22).
Enfin, excepté en quelques rares contextes très minéralisés, la prédominance de Potamogeton pectinatus et de Zannichellia palustris ssp.pedicellata marque la transition de cet habitat avec celui abritant les « Formations immergées des eaux saumâtres ou salées » (23-21) des marais arrière littoraux.

Espèces indicatrices

[plante2] Ceratophyllum demersum, *Ceratophyllum submersum, (Egeria densa), (Elodea canadensis), (Elodea ernstiae), (Elodea nuttallii), Groenlandia densa, Lagarosiphon major, *Myriophyllum alterniflorum, (Myriophyllum aquaticum), Myriophyllum spicatum, Myriophyllum verticillatum, *Najas marina, *Najas minor, Potamogeton berchtoldii , Potamogeton crispus, *Potamogeton gramineus, Potamogeton lucens, Potamogeton natans, *Potamogeton obtusifolius, Potamogeton pectinatus, *Potamogeton perfoliatus, Potamogeton pusillus,* Potamogeton trichoides, Zanichellia palustris
[plante1] Apium inundatum, Potamogeton polygonifolius, Sagittaria sagittifolia, Sparganium emersum
[briophytes] Amblystegium riparium, Fontinalis antipyretica
[odonates] Aeshna isosceles, Anax parthenope, Coenagrion pulchellum, Erythromma lindenii, Erythromma najas

Dynamique

Les formations de l’habitat représentent un stade intermédiaire et précaire dans la dynamique progressive de la végétation des eaux calmes. Plus compétitives que les espèces pionnières non vasculaires et favorisées par la multiplication végétative qui permet la formation d’herbiers parfois importants, elles n’en sont pas moins héliophiles et sont incapables de supporter longtemps la concurrence des macrophytes flottants qui les privent de lumière et qui progressivement les remplacent. Pour autant, qu’elles soient vivaces ou annuelles, ces espèces ont su développer des stratégies propres qui permettent aux populations de se maintenir ou de s’étendre dès lors que les conditions redeviennent favorables. Mais la compétition naturelle n’est pas le seul facteur qui altère ces formations. L’eutrophisation a des effets sur la diversité des groupements en favorisant les espèces les plus résistantes comme Potamogeton crispus ou Potamogeton pectinatus. Les modes de gestion des plans d’eau (piscicultures intensives, faucardages répétés, assecs prolongés) ou la prolifération des nombreuses espèces exogènes peuvent également entraver le processus d’évolution naturelle ou entrainer une banalisation du milieu.

Valeur biologique

La valeur de l’habitat doit être appréciée avec discernement en considérant l’intérêt des espèces présentes et l’état des populations.

Du point de vue botanique, lorsque les espèces sont indigènes et les formations bien diversifiées et/ou de bonne densité, sa valeur patrimoniale est élevée. Dans cette configuration, l’habitat est devenu relativement rare en Poitou-Charentes et est fortement menacé. En outre, il peut abriter des espèces rares ou localisées et inscrites sur la Liste Rouge régionale (Myriophyllum alterniflorum, Ceratophyllum submersum, Najas marina, Najas minor, Potamogeton gramineus, Potamogeton obtusifolius, Potamogeton perfoliatus, Potamogeton trichoides).

Il offre en revanche un intérêt bien moindre en présence d’espèces invasives avérées des genres Elodea, Egeria, Groenlandia, Lagarosiphon et du Myriophyllum aquaticum.

Les herbiers constitués par ces hydrophytes immergés assurent la fonction d’habitat pour de très nombreuses espèces animales, notamment pour les invertébrés aquatiques (gastéropodes, odonates, coléoptères, etc.) et un lieu de reproduction privilégié pour les amphibiens (tritons, grenouilles) dont beaucoup sont menacées ou vulnérables en région Poitou-Charentes : Lestes Coenagrion pulchellum, Erythromma najas, Triturus marmoratus, Triturus cristatus, Triturus X blasius, Rana lessonae….

En outre, l’habitat joue un rôle considérable (oxygénation, consommation, abri, ombrage…) dans l’équilibre global de ces écosystèmes importants que sont les milieux lentiques en général. Pour cette raison, certaines de ces espèces sont aujourd’hui considérées comme bio-indicatrices pour apprécier la qualité des milieux. Trop souvent négligés, ces habitats d’eau calme subissent de fortes pressions anthropiques qui sont autant de menaces sur la biodiversité, pourtant très élevée, qui les caractérise.

Menaces

La combinaison de facteurs écologiques, principalement la persistance, la qualité et la clarté de l’eau, et d’interventions humaines relatives à l’entretien physique du milieu (faucardages espacés, curages légers, ouverture) est essentielle à la conservation de l’habitat. A l’inverse, la dégradation de ces facteurs ou l’intensification de certaines pratiques de gestion entrainent sa régression ou sa disparition (fertilisation des étangs, pollutions des eaux, eutrophisation d’origine agricole, comblement naturel ou envasement, assèchement prolongé, chaulage, pisciculture intensive, herbicide…). Le remplacement des espèces indicatrices par d’autres espèces telles que les lentilles, les plantes amphibies, les hélophytes, témoigne ainsi de changements écologiques défavorables au maintien de l’habitat. Enfin, l’introduction d’espèces exotiques (jussies, carpe amour, écrevisses…), constitue aussi une importante menace pour ces formations et pour les très nombreuses espèces animales qui en dépendent.

Statut régional

Habitat dispersé dans l’ensemble du Poitou-Charentes, plus répandu toutefois dans certaines régions :

16 : étangs des landes de la Double, étangs du Confolentais
17 : fossés et canaux des marais arrière-littoraux
86 : étangs et landes du sud-est
79 : mares et étangs de la partie armoricaine

ATTENTION : la version papier complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.

Milieux salés artificiels ou fortement anthropisés

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

L’habitat regroupe un ensemble disparate de milieux côtiers dont le trait commun est d’’avoir été isolés de l’influence directe de la mer et aménagés par l’Homme, souvent depuis des siècles, à des fins de cueillette et/ou de productions diverses telles que la récolte du sel, l’élevage des poissons ou le ramassage de coquillages. Une des caractéristiques de ces marais endigués est l’élaboration d’un fonctionnement hydraulique complexe visant à s’affranchir du marnage naturel des marées tout en réalisant des aménagements permettant l’alimentation en eau salée adéquate pour la production visée : le schéma comprend en général une digue de protection contre les grandes marées, des étiers principaux (qui reprennent le plus souvent d’anciens chenaux de drainage du schorre originel) et tout un réseau de canaux et de fossés faisant circuler l’eau salée dans un circuit plus ou moins long et complexe de bassins où s’effectue la récolte. Un jeu de vannes permet de faire « boire » le marais en fonction des marées à des rythmes variables (2 fois par 24h ou quelques fois par mois seulement) selon les secteurs et la gestion mise en œuvre.
Partant de ce schéma général, la variabilité de l’habitat suit étroitement le type de production concernée. On distinguera donc :

  • les marais salicoles : il s’agit de la plus ancienne et de la plus importante activité de production sur les marais littoraux charentais (de l’Antiquité jusqu’au XVIIIème siècle surtout) ; la production de sel repose sur un réseau hydraulique complexe où l’eau circule dans une succession de bassins – vasais, métières, tables courantes et champ de marais – dont les 3 premiers peuvent toutefois être assimilés à des lagunes aménagées en raison du faible impact de l’exploitation, seuls les bassins de champ de marais appartenant à l’habitat « Milieux salés artificiels » ;
  • les marais ostréicoles : ils sont nés d’une reconversion (à partir du XIXème siècle) d’anciens marais salants dont les structures ont été partiellement refaites pour remplir 3 fonctions différentes en fonction des bassins : la pousse en claire, l’affinage et le verdissement, et le stockage avant expédition. Selon les modalités de l’exploitation – claires remembrées d’une surface > 600m², densités d’huîtres au m², importance de la mécanisation, traitement de la périphérie des claires – ou la finalité des bassins (les réserves où est effectué le stockage ont une profondeur atteignant ou dépassant 1m) les bassins se rapporteront plutôt à un modèle de lagune aménagée (petites claire traditionnelles) ou à l’habitat « Milieux salés artificiels » ;
  • les autres marais conchylicoles : la production de palourdes ou de coques (essor récent : fin des années 1980) nécessite une refonte importante de la structure des anciens marais salants : remembrement d’anciennes claires pour obtenir des unités de 600-1500m², recreusement, suppression des abotteaux, renforcement des zones de roulage, mécanisation importante ; de plus, la palourde s’accommode mal des faibles salinités hivernales, de la sursalure et du réchauffement estival, conditions typiquement lagunaires ;
  • les marais pénéicoles : l’élevage de la Crevette japonaise, espèce de mers chaudes (commercialisée sous le nom de « gambas »), est récent ; selon les cas, la structure des anciens marais salants est conservée ou, au contraire, un remembrement est effectué pour obtenir de grands bassins de plus d’1 ha ; dans tous les cas, un recreusement est nécessaire pour disposer d’une lame d’eau suffisante pour éviter des variations trop fortes de la température, de la salinité ou de l’oxygène dissous ; un profil de berge sub-vertical est en général réalisé pour limiter la prédation par les oiseaux ;
  • les marais à poissons : c’est à partir du XIXème et du XXème siècle que de nombreuses salines ont été converties en marais piscicoles ; les secteurs privilégiés correspondaient souvent à des zones confinées ou difficiles d’accès où la mise en œuvre d’autres productions s’avérait impossible. Les formes initiales des anciens marais salants sont en général conservées mais un recreusement de certaines zones est indispensable pour procurer un refuge aux poissons au moment des froids hivernaux ou des chaleurs estivales. La pêche est effectuée tous les 2-3 ans à l’occasion d’une vidange totale du marais.

    Selon les types et la gestion appliquée, la végétation peut être totalement absente ou au contraire abondante :
  • la Ruppie Ruppia maritima (et Ruppia cirrhosa, plus rare) est une phanérogame des eaux saumâtres (optimum de salinité entre 5 et 25gr/l) développant dans le sédiment un important réseau de rhizomes et émettant des tiges filiformes longues de15 à 80cm, ; espèce vivace coloniale, elle peut former des herbiers denses colonisant la totalité du fond de certains bassins. L’assec périodique favorise la germination des graines. La Ruppie joue un rôle important dans l’écologie des bassins qu’elle colonise : elle contribue à l’oxygénation de l’eau, sert de support mécanique ou trophique à de nombreux micro-organismes (mollusques, crustacés, insectes), proies potentielles pour les poissons notamment, eux-mêmes consommés par les oiseaux (les graines de Ruppie peuvent être par ailleurs directement consommées par des anatidés herbivores comme le Canard siffleur ou la Sarcelle d’hiver). Pour toutes ces raisons, la présence de la Ruppie est tantôt recherchée (marais à poissons), tantôt combattue (claires ostréicoles, élevages de palourdes) en raison d’une compétition avec le phytoplancton et, donc, d’une moindre nourriture disponible pour les coquillages.

    Les algues macrophytes – Enteromorpha, Cladophora, Chaetomorpha, Ulva – pullulent parfois dans certains bassins et cette prolifération est jugée nuisible à plusieurs titres : elles entrent en concurrence avec les algues microscopiques – phytoplancton et phytobenthos – du sédiment et de la pleine eau, elles diminuent la production d’oxygène en empêchant la pénétration de la lumière, elles perturbent les échanges entre le sédiment et la lame d’eau, leur mort s’accompagne d’une importante accumulation de matière organique qui entraine une forte diminution de la concentration en oxygène des sédiments et de l’eau.

    La végétation périphérique des bassins de marais endigués, lorsqu’elle est conservée par une gestion « douce », emprunte ses éléments aux divers habitats de prés salés primaires : salicorniaies annuelles (15.1), prairies de spartines (15.2), prés salés atlantiques (15.3), fourrés des prés salés (15.6), prés salés thermo-atlantiques (15.5). Ceux-ci se développent en frange linéaire sous forme de cortèges relativement complets tant que l’alimentation en eau salée perdure ; si le marais est abandonné en revanche, diverses voies dynamiques sont possibles mais vont toutes dans le sens de communautés moins halophiles et de plus en plus saumâtres (la scirpaie maritime est alors souvent un stade important de cette dérive).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

RUPPIETEA MARITIMAE J.Tüxen 1960

  • Végétation enracinée des eaux saumâtres eury- à polyhalines
    • Ruppion maritimae J.Tüxen 1960 : communautés filiformes, hivernales à vernales, souvent desséchées en été
    • Zannichellion pedicellatae Schaminée, B.Lanjouw & Schipper 1992 : Communautés poldériennes et sublittorales des eaux oligohalines

COR 1991

  • 89.1 Lagunes industrielles et canaux salins
    • 89.11 Ports maritimes
    • 89.12 Salines
    • 89.13 Autres lagunes industrielles et canaux salins

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Non concernée

Confusions possibles

Selon la vocation actuelle du marais, l’intensité de son exploitation, ou au contraire son degré d’abandon (et, surtout, l’état de sa desserte hydraulique) et l’ancienneté de celui-ci, il existe un continuum de situations dont un pôle se rattache plutôt aux lagunes aménagées (21) alors que l’autre se réfère aux marais salés artificiels fortement anthropisés (89). Si les cas extrêmes ne posent pas trop de problèmes, les situations intermédiaires sont plus problématiques et l’affectation de tel ou tel bassin à l’habitat 21 ou au 89 dépend alors des critères utilisés. Le manque de critères clairs et précis, physico-chimiques et microbiologiques, permettant de trancher objectivement est une des principales causes de conflits se développant actuellement sur ces espaces entre environnementalistes et professionnels du marais.

Dynamique

En cas d’abandon, 3 paramètres essentiels règlent l’évolution de la végétation : la salinité du sol et des eaux de submersion, la durée de submersion par l’eau salée et/ou de pluie, le niveau d’exhaussement du fond du bassin (en rapport avec la quantité de matière organique accumulée). Dans le cas le plus fréquent où le bassin est submergé temporairement par l’eau de pluie, une scirpaie maritime à Bolboschoenus maritimus ne tarde pas à s’installer, souvent accompagnée au printemps d’herbiers aquatiques saumâtres à Renoncule de Baudot Ranunculus baudotii et Zanichellie pédicellée Zanichellia pedicellata. Avec le temps, et si le drainage reste médiocre, cette scirpaie sera envahie par les grands hélophytes typiques des marais plus continentaux comme le Phragmite Phragmites australis ou la Massette à feuilles étroites Typha angustifolia.

Si la submersion est courte et le drainage du bassin satisfaisant, une prairie saumâtre à Jonc de Gérard Juncus gerardii et Glycérie maritime Puccinellia maritima va d’abord s’installer, pour laisser la place au fur et à mesure du lessivage du sel résiduel dans le sol à la prairie subhalophile thermo-atlantique dominée par la Laîche divisée Carex divisa et de nombreux trèfles, dont, surtout, le Trèfle maritime Trifolium squamosum et le Trèfle résupiné Trifolium resupinatum. Il arrive toutefois souvent aussi qu’une prairie saumâtre dense et monotone à Agropyre piquant Elytrigia atherica s’installe et freine l’évolution vers la prairie plus diversifiée à Carex divisa et trèfles.

Valeur biologique

Dans ses faciès les plus anthropisés, l’habitat n’est pas considéré comme menacé mais, comme expliqué ci-dessus, les situations les plus traditionnelles/extensives doivent être rapportées à l’habitat « lagunes », inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats (prioritaire).

L’intérêt avifaunistique des marais salés endigués est très élevé : ceux-ci forment en effet un ensemble fonctionnel avec les estrans qui les bordent et de nombreux oiseaux se nourrissant sur les vasières tidales utilisent certains bassins comme reposoirs de marée haute ; la forte productivité des eaux leur fournit également de nombreuses espèces-proies – invertébrés, petits poissons – alors que les berges des bassins peuvent être favorables à la nidification de certaines espèces nichant au sol (Limicoles, Laridés) ou dans la végétation basse (passereaux). La Gorgebleue de Nantes en est l’exemple le plus remarquable : cette sous-espèce endémique de l’Ouest de la France (entre le Finistère et le Bassin d’Arcachon) de la Gorgebleue à miroir est en effet fortement liée aux marais salés endigués pour sa reproduction et 1/5 de la population mondiale niche dans les marais salés de Charente-Maritime.

L’intérêt botanique des marais salés endigués est moindre, l’essentiel du peuplement végétal étant constitué d’espèces qui possèdent leur biotope optimal sur les prés salés ; on notera toutefois que certaines communautés propres aux hauts schorres se sont largement réfugiées dans les marais endigués où la gestion de l’eau – submersions occasionnelles, seulement lors des marées de forts coefficients – leur convient particulièrement ; cet habitat secondaire, de substitution, est d’autant plus important que de nombreuses séquences de prés salés ont été tronquées de leur partie supérieure par des endiguements successifs. La communauté à Armoise maritime, celle à Inule faux-crithme, la salicorniaie à Salicorne d’Aymeric, voire même celle à Statice à feuilles ovales, semblent aujourd’hui trouver des conditions optimales de développement dans les marais endigués ; dans cette optique, le respect des nombreuses diguettes et abotteaux séparant les anciens bassins salants est vitale pour la survie de ces précieux groupements végétaux (plusieurs sont inscrits au Livre Rouge des Phytocénoses Terrestres du Littoral français, GEHU 1991). Enfin, les bassins des marais salés endigués sont, en Poitou-Charentes, le seul biotope pour les herbiers de Ruppia maritima qui peuvent couvrir par endroits des surfaces très importantes (marais de l’île de Ré, par ex).

Espèces indicatrices

[plante2] *Althenia filiformis, Ruppia cirrhosa, Ruppia maritima
[plante1] Bolboschoenus maritimus, Callitriche truncata, Juncus maritimus, Polypogon monspeliensis, Potamogeton pectinatus, Ranuncuus baudotii , Zanichellia pedicellata
[algues] Chaetomorpha spp., Chara alopecuroides, Cladophora spp., Enteromorpha spp., Ulva sp.
[oiseaux] Anas platyrhynchos, Anthus pratensis, Ardea cinerea, Branta bernicla, Carduelis cannabina, Charadrius alexandrinus, Charadrius dubius, Charadrius hiaticula, Circus aeruginosus, Egretta garzetta, Himantopus himantopus, Larus argentatus, Larus michahellis, Larus fuscus, Larus marinus, Larus ridibundus, Luscinia svecica namnetum, Motacilla flava, Recurvirostra avosetta, Sterna hirundo, Tadorna tadorna, Tringa totanus, Vanellus vanellus
[poissons] Anguilla anguilla, Dicentrarchus labrax, Gasterosteus aculeatus, Mugil spp ., Pleuronectes platessa, Platichthys flesus, Sparus aurata, Solea spp., Syngnathus rostellatus
[coleopteres] Chironomus salinarius, Ephidra riparia
[mollusques] Abra ovata, Cerastoderma glaucum, Hydrobia ventrosa, Leucophysia (Auriculinella) bidentata, Myosotella myosotis, Peringia ulvae, Potamopyrgus antipodarum
[crustaces] Balanus improvisus, Carcinus maenas, Corophium insidiosum, Cyathura carinata, Idotea viridis, Microdeutopus grillotalpa, Palemonetes varians, Sphaeroma hookeri
Polychètes : Mercierella enigmatica, Nereis diversicolor

Menaces

Deux menaces opposées pèsent sur les marais salés endigués et sur les différentes fonctions – écologiques, biologiques, de production, paysagères, récréatives – qu’ils remplissent souvent depuis des décennies : l’abandon total mène tôt ou tard d’abord à un confinement des eaux, puis à un envasement des bassins et enfin à un atterrissement inéluctable qui entraine un changement radical d’écosystème et, donc, une perte d’originalité.

A l’inverse, le remplacement d’activités traditionnelles (saliculture,
ostréiculture et pisciculture extensives), devenues peu ou non rentables, par des activités de production plus intensives, est en général source d’appauvrissement pour les fonctions écologiques et de biodiversité du marais endigué. L’accent principal porté sur l’optimisation de la production et de la rentabilité économique devient alors difficilement compatible avec la survie d’un patrimoine biologique qui coexiste pourtant souvent depuis des siècles avec ces activités humaines.

Deux des faciès les plus fréquents de marais salés aménagés

L’entretien et la gestion intensive de ces espaces empêchent le développement de la végétation halophile en périphérie des bassins

Statut régional

L’habitat est présent sur le littoral et les îles de Charente-Maritime, dans les grands secteurs d’anciens marais salants :

17 : marais de l’île de Ré, marais d’Oléron, marais de Seudre

Divers faciès d’abandon dans un marais aménagé

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Lagunes

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

Les lagunes naturelles correspondent à des plans d’eau côtiers séparés du milieu marin par un cordon de sable ou de galets. Les échanges avec la mer se font soit par l’intermédiaire d’un chenal (le « grau » des lagunes méditerranéennes), soit par percolation sous le cordon soit, dans le cas des lagunes fermées, par incursions lors de tempêtes hivernales ou printanières lorsque les hautes mers de vives eaux peuvent submerger le cordon, poussées par de forts vents d’Ouest et dans un contexte de basses pressions (gonflement barymétrique de l’océan). La profondeur de l’eau est variable mais n’excède généralement pas 1m. La salinité des eaux lagunaires subit de fortes variations saisonnières en fonction du bilan entre les entrées (pluviométrie, apports du bassin versant, incursions marines) et les sorties (évaporation) : minimal en hiver, le taux de chlorures peut dépasser celui de l’eau de mer (sursalure) en fin d’été, lorsque les niveaux sont au plus bas. A cette période, les eaux subissent également un échauffement important qui a des répercussions essentielles sur les organismes vivants présents. Dans tous les cas, la variabilité de ces paramètres – salinité, température – est d’autant moins forte que la lame d’eau est importante et permet un tamponnage des pics. L’assec partiel ou total est possible mais non indispensable au fonctionnement des systèmes lagunaires bien qu’il constitue évidemment une contrainte écologique sévère supplémentaire.

Comme sur l’ensemble de la façade atlantique où la majorité des lagunes ont été aménagées par l’Homme à des fins de production, les lagunes naturelles du littoral charentais ont presque totalement disparu. Le seul type subnaturel subsistant se trouve dans l’Anse des Boucholeurs à mi-chemin entre Rochefort et La Rochelle où il est intégré au périmètre de la Réserve Naturelle du Marais d’Yves : cette lagune, formée de 3 bassins, couvre une superficie de 40 ha ; elle est isolée de l’océan par un cordon sableux peu épais que la mer franchit régulièrement lors des tempêtes hivernales. Les niveaux d’eau maximaux (40-50cm) sont atteints en fin d’hiver (fin mars) lorsque se conjuguent les apports pluviométriques et les entrées dues aux tempêtes, et l’étiage est atteint à partir de la fin juillet où un assec partiel ou total peut se prolonger jusqu’en fin septembre, voire en novembre lors des automnes déficitaires (année 2007). Avec un taux de 5 à 15gr/l selon les bassins, la salinité connaît un creux en hiver (décembre à mars) et remonte à 17-32gr/l lors du pic estival (juillet-août).

Hormis sur ce site privilégié, la totalité des autres lagunes charentaises sont exploitées depuis des décennies, voire des siècles, par l’Homme pour diverses productions – saliculture, ostréiculture, conchyliculture (palourdes, coques), pénéiculture (crevettes), pisciculture – au sein de marais endigués où les entrées d’eau salée sont finement régulées en fonction des besoins propres à chaque production. Selon la nature de l’activité pratiquée, son niveau d’intensivité et la vocation des bassins dans l’exploitation, certains bassins se rapprochent beaucoup par leur fonctionnement et leurs communautés végétales ou animales des lagunes naturelles : c’est le cas, par exemple, dans une exploitation salicole, des bassins situés en amont de la récolte (vasais, métières, tables courantes) par opposition aux champs de marais où s’effectue la récolte et l’essentiel des manipulations. C’est le cas également dans une exploitation ostréicole traditionnelle des claires anciennes, de petite taille (unités de 300-500m²), séparées de nombreuses diguettes (les abotteaux des anciens marais salants, souvent conservés) et de faible profondeur (50-60cm), par opposition aux claires remembrées récentes de grande surface (600-1500m²), avec disparition d’un grand nombre de diguettes et stabilisation par des remblais des digues restantes pour permettre la mécanisation des travaux et le roulage. C’est le cas enfin de certains marais récemment abandonnés, tant que l’hydraulique reste suffisamment fonctionnelle pour permettre un renouvellement de l’eau et éviter le confinement qui favorise les crises de dystrophie. Malgré leur intérêt sur le plan de la biodiversité, ces situations ont cependant un caractère transitoire et ne perdurent pas au-delà de quelques décennies.

La végétation frangeant l’habitat sous forme de linéaires (lagunes aménagées) ou de ceintures (lagunes naturelles) se rapporte à divers habitats de biotopes salés ou saumâtres : salicorniaies annuelles (15.1), prés salés atlantiques (15.3), fourrés des prés salés (15.6), prés salés thermo-atlantiques (15.52), scirpaie maritime (53.7), phragmitaie (53.1). Des herbiers infra-aquatiques dominés par la Ruppie Ruppia maritima sont souvent présents dans les faciès aménagés : ils sont étudiés dans la fiche « Milieux salés artificiels ou fortement anthropisés ».

Les espèces faunistiques sont peu diversifiées mais peuvent être très abondantes (Polychètes, Mollusques bivalves, Crustacés, Hydraires, larves de Diptères). Il s’agit pour la plupart d’espèces se nourrissant de phytoplancton et de débris végétaux (détritivores phytophages). Elles constituent des proies de choix pour divers Vertébrés tels que les Poissons ou les Oiseaux.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

RUPPIETEA MARITIMAE J.Tüxen 1960

  • Végétation enracinée des eaux saumâtres eury- à polyhalines
    • Ruppion maritimae J.Tüxen 1960 : communautés filiformes, hivernales à vernales, souvent desséchées en été
    • Zannichellion pedicellatae Schaminée, B.Lanjouw & Schipper 1992 : communautés poldériennes et sublittorales des eaux oligohalines

COR 1991

  • 21 Lagunes
  • 23.1 Eaux saumâtres ou salées sans végétation
  • 23.2 Eaux saumâtres ou salées végétalisées
    • 23.21 Formations immergées des eaux saumâtres ou salées
      • 23.211 Groupements à Ruppia

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1150 Lagunes côtières
    • 1150-1 Lagunes en mer à marées (façade atlantique)

Confusions possibles

Par l’originalité de leur localisation physiographique, les lagunes naturelles ne sauraient être confondues avec un autre habitat. Il n’en va pas de même pour les lagunes aménagées : selon les situations, le fonctionnement écologique et les communautés biologiques se rapporteront plutôt à ceux d’une véritable lagune alors que dans d’autres cas, les critères fondamentaux définissant les lagunes – profondeur, température, salinité, communautés de micro-invertébrés – ne seront plus remplis et il sera alors préférable de référer le bassin étudié à l’habitat « Milieux salés artificiels ou fortement anthropisés » (89).

Espèces indicatrices

[plante2] *Althenia filiformis, Potamogeton pectinatus, Ranuncuus baudotii, Ruppia cirrhosa, Ruppia maritima, Zanichellia pedicellata
[algues] Chara alopecuroides
[oiseaux] Anas acuta, Anas clypeata, Anas crecca, Anas penelope, Anas platyrhynchos, Branta bernicla, Calidris alba, Calidris alpina, Calidris canutus, Calidris minuta, Charadrius alexandrinus, Charadrius dubius, Charadrius hiaticula, Egretta garzetta, Gallinago gallinago, Haematopus ostralegus, Himantopus himantopus, Limosa lapponica, Limosa limosa, Numenius arquata, Platalea leucorodia, Pluvialis squatarola, Recurvirostra avosetta, Sterna hirundo, Tadorna tadorna, Tringa erythropus, Tringa nebularia, Tringa totanus, Vanellus vanellus
[poissons] Anguilla anguilla, Atherina boyeri, Chelon labrosus, Dicentrarchus spp., Gambusina affinis, Gasterosteus aculeatus, Lepomis gibbosus, Liza aurita, Liza ramada, Mugil cephalus, Platichthys flesus, Pomatoschistus spp., Sparus aurata, Synthagnus abaster
[coleopteres] Chironomus salinarius, Halocladius varians, Sigara selecta
[mollusques] Abra ovata, Cerastoderma glaucum, Hydrobia ventrosa, Potamopyrgus jenkinsi
[crustaces] Artemia salina, Corophium insidiosum, Corophium multisetosum, Gammarus chevreuxi, Gammarus insensibile, Idotea chelipes, Corophium insidiosum, Microdeutopus grillotalpa, Palemonetes varians, Sphaeroma hookeri
Hydraires : Cordylophora caspia, Odessia maerotica
Polychètes : Ficopotamus enigmaticus, Hediste versicolor, Polydora ligni

Dynamique

La dynamique des lagunes naturelles est entièrement tributaire de l’action des facteurs qui ont contribué à leur formation et, notamment, du bilan sédimentaire du cordon isolant la lagune de la mer : en cas d’érosion, les entrées d’eau marine se font plus fréquentes et on assiste alors à une « salinisation » du milieu lagunaire qui évolue de plus en plus vers un milieu franchement marin ; en cas d’engraissement du cordon, au contraire, les incursions d’eau salée se raréfient, voire disparaissent totalement, et le milieu évolue alors souvent vers une continentalisation des communautés, avec un atterrissement progressif. Les voies dynamiques des lagunes aménagées sont plus complexes : tant que l’exploitation perdure, les modalités de la gestion hydraulique adaptée au type de production permettent la persistance de conditions lagunaires plus ou moins typiques. En cas d’abandon, en revanche, la défaillance progressive de la desserte hydraulique entraîne inéluctablement un adoucissement des eaux et la dérive des communautés vers des peuplements plus typiques des milieux dulcicoles ; dans ces conditions, un assèchement durable du bassin se produit fréquemment, marquant une sortie souvent définitive du milieu de la zone humide à laquelle il appartenait.

Valeur biologique

L’habitat est considéré comme menacé prioritaire selon l’Annexe I de la Directive 92/43, dite « Directive Habitats ». Sa forte production primaire en fait un support pour de riches populations d’invertébrés, elles-mêmes consommées par différents consommateurs de niveau supérieur : Poissons (Anguille, Bar, Daurade, Flet, Muges spp., Epinoche, Gambusie etc..), Oiseaux. De fait, l’intérêt ornithologique des lagunes – tant naturelles qu’aménagées – est exceptionnel : l’habitat est ainsi un site privilégié tout au long de l’année pour de nombreuses espèces d’oiseaux d’eau – Anatidés, Limicoles, Laridés surtout – qui utilisent les bassins pour accomplir différentes phases essentielles de leur cycle biologique comme la reproduction, l’alimentation ou le repos.

En raison des fortes contraintes écologiques, la flore des lagunes est très peu diversifiée : elle abrite néanmoins plusieurs phanérogames qui leur sont plus ou moins étroitement liées dont, notamment l’Althénie filiforme Althenia filiformis, Potamogétonacée méditerranéenne présente jusqu’aux années 1950 dans les marais salants de l’île de Ré et d’Oléron mais non revue depuis et peut-être disparue.

Menaces

Bien que située au sein d’un espace naturel protégé, l’unique lagune naturelle subsistant en Poitou-Charentes est exposée à diverses menaces naturelles dont la principale semble être l’érosion du trait de côte sous l’effet de divers aménagements périphériques et de l’élévation générale du niveau marin : la fragilisation du cordon séparant la lagune de la mer expose celle-là à des incursions d’eau salée de plus en plus fréquentes et à une modification des paramètres écologiques fondamentaux que sont la salinité ou la température.

Les menaces pesant sur les lagunes aménagées sont d’un tout autre ordre : utilisées depuis des siècles parfois pour des activités traditionnelles comme la saliculture, la pisciculture ou la conchyliculture, elles sont soumises selon les situations à des évolutions contrastées : l’abandon des pratiques d’exploitation et d’entretien qui permettaient une circulation régulière de l’eau entraine une ruine rapide du circuit hydraulique, suivie de crises dystrophiques dans les bassins (disparition de l’oxygène dissous dans l’eau) provoquant une mortalité massive et un appauvrissement rapide des communautés ; un assec de plus en plus prolongé peut également faire disparaitre la totalité des organismes aquatiques ; la menace inverse réside au contraire dans une modernisation des pratiques qui transforme des milieux originellement extensifs en unités d’exploitation intensive où les communautés s’appauvrissent au point de ne plus pouvoir être considérées comme « lagunaires » mais comme relevant d’un autre habitat : les milieux salés artificiels ou fortement anthropisés (89)

Statut régional

L’habitat n’est présent que sur la façade littorale de Charente-Maritime

17 :

lagunes naturelles : anse des Boucholeurs dans la baie d’Yves (RN du Marais d’Yves) ;

lagunes aménagées : tous les grands sites d’anciens marais salants, abandonnés ou reconvertis pour partie en marais conchylicoles : marais du pourtour du Fier d’Ars (île de Ré), marais de St Pierre, de Grand-Village (Oléron), marais de Seudre

 

Fleuves et rivières soumis à marée

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

Géographiquement parlant, un estuaire correspond à la partie aval d’une vallée fluviale subissant le jeu des marées et, sur le plan écologique, à la zone où les eaux salées poussées par le flot rencontrent les – et se mélangent aux – eaux douces en provenance du bassin versant. Cette définition générale ne saurait suffire toutefois à préciser les limites exactes de l’habitat et, de fait, en fonction de critères différents – administratifs, hydrologiques, commerciaux – l’estuaire peut comprendre des enveloppes très différentes :

  • la LTM (Limite Transversale de la Mer) sépare ainsi le DPM (Domaine Public Maritime) du DPF (Domaine Public Fluvial) ; elle oppose ainsi une partie salée de l’estuaire à une partie saumâtre à douce (elle sert par ex. de référence pour définir quelles sont les communes riveraines de la mer au sens de la Loi Littoral) ;
  • la LSE (la limite de salure des eaux), utilisée pour réglementer la chasse et la pêche, sert à définir les communes estuariennes rentrant dans le champ d’intervention du Conservatoire du Littoral ;
  • la limite du front de salinité définie par la zone où la salinité moyenne est égale ou supérieure à 1gr/l règlemente les installations d’ouvrages ayant une forte influence sur le milieu aquatique (loi sur l’Eau, 1992) ;
  • la limite de l’inscription maritime correspond au premier obstacle à la navigation maritime sur un fleuve (en amont, la navigation est fluviale, alors qu’elle est maritime en aval) ;
  • la limite des masses d’eau telles que définies par la Directive Cadre sur l’Eau (« eaux côtières », « eaux de transition » etc..) et qualifiées par les SDAGE (Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux).
    De plus, dans un estuaire, on distingue la marée saline qui correspond à l’extension maximale de l’eau marine et de son mélange avec l’eau douce et la marée dynamique qui correspond à la propagation de l’onde de marée dans la vallée fluviale jusqu’au point où le courant du fleuve vers l’aval n’est plus inversé par les marées.

    Quelle que soit la définition retenue pour l’habitat, l’estuaire apparaît comme un écosystème d’écotone subissant de fortes variations environnementales – salinité, débit, turbidité – selon des fréquences variées (quotidiennes, saisonnières) et qui influent fortement sur les communautés biologiques présentes. La rencontre de flots de directions opposées et de densités différentes entraîne le dépôt de fins sédiments qui forment des replats plus ou moins larges en fonction du profil des berges et de l’importance du marnage.
    La partie purement maritime des estuaires (celle sous l’influence de la marée saline) étant traitée dans une autre fiche (VASIERES ET ESTUAIRES), il ne sera question ici que de la partie amont des estuaires, celle située dans la zone d’influence de la marée dynamique.

    La façade littorale de la région Poitou-Charentes est concernée par 2 estuaires majeurs :

  • l’estuaire de la Gironde : long de 76km (en incluant la partie située en Aquitaine), mesurant jusqu’à 11km de large pour une superficie totale de 635km², c’est le plus grand estuaire français. De faible salinité dans la partie girondine de l’estuaire, les eaux deviennent mésohalines (salinité comprise entre 5-18gr/l) entre Vitrezay et les Monards, et polyhalines (salinité de 18-30gr/l) en aval des Monards, la LTM étant situé au niveau de la Pointe de Suzac ;
  • l’estuaire de la Charente : la limite de pénétration de la marée saline (donc de la partie maritime de l’estuaire) se situe entre Tonnay-Charente et Martrou selon la saison, alors que la marée dynamique se fait naturellement sentir jusqu’à 82km de l’embouchure (jusqu’en Charente) ; cette limite a été descendue vers l’aval à la suite de la mise en service du barrage de St Savinien en 1968 bien que, lors des périodes de vives eaux, le barrage soit ouvert pour éviter la submersion des zones en aval.

L’estuaire de la Seudre constitue le 3ème grand estuaire charentais : ses 25km en aval du barrage de Ribérou à Saujon, sont cependant soumis aux marées salées et appartiennent donc entièrement aux estuaires maritimes (fiche VASIERES ET ESTUAIRES).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

RUPPIETEA MARITIMAE J.Tüxen 1960

Végétation enracinée des eaux saumâtres eury- à polyhalines

  • Ruppion maritimae J.Tüxen 1960 : communautés filiformes, hivernales à vernales, souvent desséchées en été
  • Zannichellion pedicellatae Schaminée, B.Lanjouw & Schipper 1992 : communautés poldériennes et sublittorales des eaux oligohalines

POTAMETEA PECTINATI Klika & Novack 1941

Herbiers enracinés, vivaces, des eaux douces à subsaumâtres, mésotrophes à eutrophes, courantes à stagnantes

  • Potamion pectinati (Koch 1926) Libbert 1931 : communautés plus ou moins pionnières
  • Nymphaeion albae Oberdorfer 1957 : communautés complexes

BIDENTETEA TRIPARTITAE Tüxen, Lohmeyer & Preising 1950

Végétation pionnière annuelle et hygrophile des sols enrichis en azote

  • Bidention tripartitae Nordhagen 1940 : communautés des sols limoneux et argileux

COR 1991

  • 13.1 Fleuves et rivières soumis à marée
    • 13.11 Eau saumâtre des cours d’eau soumis à marée
    • 13.12 Eau douce des cours d’eau soumis à marée

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 3260 Rivières des étages planitiaire à montagnard
    • 3260-5 Rivières eutrophes (d’aval), neutre à basiques, dominées par des Renoncules et des Potamots
  • 3270 Rivières avec berges vaseuses
    • 3270-1 Bidention et Chenopodion rubri des rivières hors Loire

Confusions possibles

Le problème majeur vient de la distinction entre la partie maritime des estuaires (13.2) et l’habitat « Fleuves et rivières soumis à marée » (13.1). L’observation de la végétation riveraine constitue le moyen le plus pratique pour séparer les 2 secteurs : on reconnaîtra la partie maritime de l’estuaire à la présence sur les hautes slikkes et les schorres de végétations de prés salés (15.1, 15.2, 15.3, 15.6), la partie seulement saumâtre étant soulignée par la disparition d’espèces aussi significatives que l’Obione et l’Aster maritime et leur remplacement par divers types de roselières dont la plus spectaculaire est la phragmitaie saumâtre à Angélique des estuaires (de Rochefort à Taillebourg).

Espèces indicatrices

[plante2] eau : Ceratophyllum demersum, Myriophyllum spicatum, Potamogeton nodosus, Potamogeton pectinatus
berges : *Angelica heterocarpa, Apium graveolens, (Eleocharis bonariensis), *Oenanthe foucaudii, *Schoenoplectus triqueter
[plante1] eau : *Naias marina, Ruppia maritima, Sparganium emersum, Zanichellia pedicellata
berges : Althaea officinalis, Bidens tripartita, Bolboschoenus maritimus, Calystegia sepium, Leersia oryzoides, Lythrum salicaria, Phalaris arundinacea, Phragmites australis, Polygonum hydropiper, Polygonum lapathifolum, Polygonum mite, Ranunculus sceleratus
[oiseaux] Ardea cinerea, Egretta garzetta, Larus argentatus, L.fuscus, L. marinus, L. michahellis, L. ridibundus, Phalacrocorax carbo
[poissons] Acipenser sturio, Anguilla anguilla, Alosa alosa, Alosa fallax, Dicentrarchus labrax, Gastereosteus aculeatus, Lampetra fluviatilis, Liza ramada, Osmerus eperlanus, Petromyzon marinus, Platichthys flesus, Pomatoschistus minutus, Salmo salar, Salmo trutta, Solea vulgaris, Sprattus sprattus, Syngnathus rostellatus
[crustaces] Crangon crangon, Eriocheir sinensis (exotique), Palaemon longirostris
[mollusques] Assiminea grayana (espèce exotique)

Dynamique

Le déplacement du front de salinité par divers aménagements, la réduction de la remontée de l’onde de marée vers l’amont (construction de barrages) constituent les facteurs les plus perturbants pour l’habitat, de même que l’artificialisation des berges ou la pollution des eaux et des sédiments par les effluents en provenance du bassin versant.

Valeur biologique

Les estuaires constituent des lieux de haute productivité biologique : à l’origine de nombreuses chaînes alimentaires, ils constituent une zone d’alimentation et de reproduction cruciale pour de nombreuses espèces animales et végétales.

Au titre des premières, on retiendra surtout les poissons : la faune piscicole estuarienne, très variée, comprend à la fois des espèces autochtones comme la Gobie buhotte Potamoschistus minutus ou l’Epinoche Gastereosteus aculeatus, des espèces euryhalines (d’origine marine mais tolérant une légère dessalure) telles que la Sole, le Bar, l’Anchois (stades larvaires et juvéniles) et, surtout, des espèces amphihalines : il s’agit de poissons migrateurs qui effectuent une partie de leur cycle en eau douce et une autre en eau salée, le transit plus ou moins long par l’estuaire étant obligatoire. On oppose ainsi les poissons thalassotoques (qui se reproduisent en mer) tels l’Anguille et les poissons potamotoques (qui se reproduisent en eau douce), plus nombreux, tels que le Saumon atlantique, l’Alose feinte, la Grande Alose, la Lamproie marine, la Lamproie fluviatile et, bien sûr, l’Esturgeon d’Europe, le plus célèbre d’entre eux, malheureusement au bord de l’extinction (l’estuaire de la Gironde constitue la dernière population naturelle au monde de cette espèce).
Certaines des végétations latérales de l’estuaire – et sous la dépendance des facteurs écologiques de celui-ci – présentent également un intérêt considérable comme biotope exclusif d’espèces végétales endémiques : c’est le cas de l’Angélique des estuaires Angelica heterocarpa connue seulement des estuaires de la Loire, de la Charente, de la Gironde et de l’Adour, et de l’Oenanthe de Foucaud Oenanthe foucaudii, présent sur les estuaires de la Sèvre Niortaise, de la Charente et de la Gironde. Quant à la Glycérie de Foucaud Puccinellia foucaudii, elle est liée aux prés salés qui bordent la partie maritime de l’estuaire de la Charente.

Menaces

Situés à l’interface entre milieu marin et cours d’eau fluviaux, les estuaires sont des lieux hautement prisés par l’Homme depuis des millénaires et de nombreux aménagements y ont été réalisés au fil des siècles : urbanisation sub-littorale, installations portuaires, endiguements… La navigation, marchande, halieutique ou touristique, parfois importante, peut avoir des effets directs (érosion des berges, pollution) ou indirects (dragages de chenaux de navigation) non négligeables. En tant que réceptacles des pollutions situées en amont, les estuaires sont d’autre part très sensibles à la qualité de la gestion de leur bassin versant. Enfin, de nombreuses activités récréatives – pêche, chasse, tourisme – y sont pratiquées, dont certaines peuvent modifier la physionomie de zones particulières (installation de carrelets, creusement de mares cynégétiques…).

Statut régional

17 : estuaire de la Charente (en amont de Rochefort), estuaire de la Gironde

Roselière saumâtre estuarienne aux environs de Rochefort : l’important marnage entre les hautes et les basses mers de vives-eaux atteint plusieurs mètres

Deux Apiacées endémiques des estuaires franco-atlantiques

 

Vasières et estuaires

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

Cet habitat s’étend de l’étage médio-littoral (zone de balancement des marées) au supra-littoral, soit entre le niveau des pleines mers de vives-eaux et le niveau moyen des basses mers. Sa grande variabilité tient à la diversité des sédiments concernés, eux-mêmes dépendants du mode d’exposition (abrité ou battu), de l’amplitude des marées et du profil topographique : sables, vases, graviers, cailloutis, galets…La végétation supérieure est en général absente (sauf dans certains faciès à herbiers de la phanérogame marine Zostera noltii) et la typologie s’appuie plutôt sur la granulométrie du substrat et les populations d’invertébrés, très diversifiées.

7 habitats élémentaires sont reconnus sur la façade atlantique et tous sont présents sur la façade maritime du Poitou-Charentes :

  • les sables de haut de plage à Talitres : cet habitat englobe la partie supérieure des plages de sable fin, humectées par les embruns salés et remaniées régulièrement par le vent ; le dépôt de matières organiques par les marées hautes (et, de plus en plus, de macro-déchets non biodégradables : objets en plastique, filets, flotteurs..) est une caractéristique importante : ces déchets sont consommés et recyclés par diverses espèces de crustacés amphipodes dont les plus connus sont les Puces de mer ou Talitres ;
  • les estrans de sable fin : cet habitat correspond aux vastes étendues sableuses des plages à pente faible, subissant des alternances de submersion et d’émersion au gré des marées ; la saturation en eau varie selon le niveau et la résurgence d’eau douce transitant sous un cordon dunaire voisin peut faire baisser la salinité. Les populations d’invertébrés sont variées et dépendent principalement de l’hydrodynamisme : polychètes, amphipodes fouisseurs, mollusques bivalves tels que les Tellines (genres Tellina, Donax) ;
  • galets et cailloutis des hauts de plage à Orchestia  : cet habitat comprend les galets de hauts de plage, atteints seulement par les vagues des tempêtes hivernales, qui piègent les débris végétaux rejetés par le flot et peuvent ainsi conserver une forte humidité ; le peuplement d’invertébrés est dominé par des Puces de mer du genre Orchestia (crustacés amphipodes) ainsi que par quelques Gastéropodes (Ovatella, Truncatella) ;
  • sables dunaires : cet habitat concerne des accumulations de sable formées par les marées dans la zone intertidale ; ces sables mobiles qui forment des reliefs sur les plages de sable fin constituent un substrat mou où l’on s’enfonce aisément. Le peuplement d’invertébrés est dominé par des vers fouisseurs (notamment du genre Ophelia), accompagnés de quelques amphipodes et bivalves. Le Lançon (genre Ammodytes), un poisson qui vit enfoui dans le sable, est également fréquent dans cet habitat ;
  • estrans de sables grossiers et graviers : estrans composés de sédiments grossiers et de petits graviers entre les gros blocs sur les côtes rocheuses ; la stabilité de l’habitat permet l’installation de Mollusques bivalves tels que la Palourde ou Dosinia ; quelques grands Polychètes sont également présents ;
  • sédiments hétérogènes envasés : fonds hétérogènes de cailloutis et galets à base prise dans une matrice vaseuse, en bordure des côtes rocheuses ; de nombreux débris algaux sont piégés entre les blocs ; les peuplements faunistiques sont dominés par des espèces détritivores : Polychètes, Crustacés herbivores (amphipodes, Isopodes) ;
  • les slikkes d’estuaires : elles sont localisées à la partie aval d’une vallée fluviale soumise aux marées, à partir de la zone de remontée maximale de la « marée saline » et, donc, du début des eaux saumâtres ; le mélange de l’eau douce avec l’eau de mer provoque les dépôts de sédiments fins qui forment de larges étendues de replats boueux ou sableux ; la micro-faune est dominée par des communautés de Mollusques fouisseurs dont notamment, Macomia baltica et Scrobicularia plana accompagnés de Polychètes et de Crustacés amphipodes, numériquement très abondants.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

ZOSTERETEA MARINAE Pignatti 1954

Herbiers sous-marins phanérogamiques en complexe avec des Algues marines, immergés ou à émersion temporaire des eaux euhalines à polyhalines

Zosterion marinae Christiansen 1934 : communautés atlantiques et méditerranéennes

COR 1991

  • 14 Vasières et bancs de sable sans végétation
  • 13.2 Estuaires

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1130 Estuaires
    • 1130-1 Slikke en mer à marée
  • 1140 Replats boueux ou sableux exondés à marée basse
    • 1140-1 Sables hauts de plage à Talitres
    • 1140-2 Galets et cailloutis des hauts de plage à Orchestia
    • 1140-3 Estrans de sable fin
    • 1140-4 Sables dunaires
    • 1140-5 Estrans de sables grossiers et graviers
    • 1140-6 Sédiments hétérogènes envasés

Confusions possibles

L’originalité des habitats élémentaires décrits rend peu probable leur confusion. On veillera toutefois à bien séparer les galets et cailloutis des hauts de plage à Orchestia appartenant au supra-littoral et, en principe, jamais ou très rarement atteints par la mer et les sédiments hétérogènes envasés qui sont eux localisés à l’étage médio-littoral et subissent donc des submersions régulières.

Espèces indicatrices

[plante2] Zostera noltii
[oiseaux] Anas acuta, Anas clypeata, Anas crecca, Anas penelope, Anas platyrhynchos, Arenaria interpres, Branta bernicla, Calidris alba, Calidris alpina, Calidris canutus, Calidris maritima, Calidris minuta, Charadrius alexandrinus, Charadrius hiaticula, Haematopus ostralegus, Limosa lapponica, Limosa limosa, Numenius arquata, Pluvialis squatarola, Recurvirostra avosetta, Tadorna tadorna, Tringa nebularia, Tringa totanus, Vanellus vanellus
[poissons] Ammodytes tobianus, Psetta maxima
[coleopteres] Bledius spp.
[mollusques] Abra tenuis, Akera bullata, Bittium reticulatum, Cerastoderma edule, Cerastoderma lamarkii, Donax trunculus, Donax vittatus, Dosinia exoleta, Hydrobia spp., Littorina littorea, Macoma baltica, Mesodesma corneum, Mya arenaria, Ovatella bidentata, Paphia aurea, Scrobicularia plana, Spisula spisula, Tapes decussatus, Tellina fibula, Tellina tenuis, Truncatella subcylindrica, Venerupis pullastra
[crustaces] Crustacés amphipodes : Bathyporeia sp., Corophium arenarium, Corophium volutator, Gammarus spp, .Haustorius arenarius, Orchestia gammarella, Pontocrates ssp., Talitrus saltator, Talorchestia brito, Talorchestia deshayesi, Urothoe sp.
Crustacés isopodes : Cyathura carinata, Eurydice pulchra, Sphaeroma spp., Tylos europaeus
Crustacés décapodes : Carcinus maenas, Thia scutellata
Polychètes Arenicola marina, Cirratulus cirratus, Cirriformia tentaculata, Hediste diversicolor, Manayunkia aestuarina, Marphysa sanguinea, Nephtys cirrosa, Nerine bonnieri, Nerine cirratulus, Ophelia ssp., Perinereis cultrifera, Scoloplos armiger, Spio martinensis

Dynamique

Cet habitat est assez stable car les espèces qui le structurent sont adaptées à de fortes variations écologiques. Toutefois, l’envasement des fonds et la détérioration de la qualité des eaux estuariennes (surcharge en matière organique, pollutions diverses, artificialisation des berges) ont fortement modifié sa dynamique naturelle au cours des dernières décennies.

Valeur biologique

Au niveau générique, l’habitat est considéré comme menacé en Europe (inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats). Parmi les 7 habitats élémentaires décrits, 2 présentent une forte valeur biologique et écologique : les estrans de sables fin (grande diversité et populations abondantes d’Invertébrés, point de départ d’une chaîne alimentaire menant aux Vertébrés tels que les Poissons et les Oiseaux) et les sables dunaires (faible diversité mais habitat très original).
En dehors de sa production primaire très importante participant à la productivité globale des écosystèmes littoraux, l’habitat est d’une importance cruciale pour les oiseaux migrateurs et hivernants et, particulièrement, pour les Limicoles, certains Anatidés et grands échassiers, dont le régime alimentaire se concentre sur les mollusques, les annélidés et les crustacés, chaque espèce d’oiseau ciblant des proies de tailles et d’accessibilité différentes en fonction de la longueur de son bec et des besoins de son métabolisme. Les bécasseaux (genre Calidris), dont plus de 120 000 individus hivernent sur les diverses vasières tidales de Charente-Maritime, les gravelots (Charadrius), les pluviers (Pluvialis), les barges (Limosa), les chevaliers (Tringa) forment ainsi une part importante des quelque 350 000 oiseaux d’eau qui s’alimentent sur les vasières littorales de Charente-Maritime durant les 6 mois d’hiver : la Baie de l’aiguillon avec 98 000 oiseaux est le 1er site régional, devant la Réserve Naturelle des Marais de Moëze (86 000) et l’île de Ré (42 000), tous ces sites ayant été décrits comme Zones d’Intérêt Communautaire pour les Oiseaux (ZICO) au titre de la Directive Oiseaux (Bruxelles 1979) et, plus récemment, comme Zones de Protection Spéciale (ZPS) au titre de la Directive CEE 92/43 dite « Directive habitats ».

Menaces

Les menaces pesant sur l’habitat dans son ensemble concernent notamment l’eutrophisation provoquée par les apports croissants de matières organiques en provenance du bassin versant, les marées noires et les dépôts de macro-déchets non biodégradables.
Les habitats élémentaires peuvent être touchés par des menaces plus spécifiques : nettoyage mécanique des hauts de plages après les dernières tempêtes de printemps pour les rendre « propres » et « accueillantes » au tourisme balnéaire, circulation d’engins lourds professionnels ou récréatifs sur des substrats fragiles, pêche à pied surexploitant les estrans lors des grandes marées et bouleversant le milieu (retournement des cailloux et blocs, labourage des fonds à l’aide d’engins manuels pour extraire les palourdes, les vers servant d’appâts…), dérangements occasionnés à l’avifaune par le développement de nouveaux loisirs (char à voile), anthropisation et artificialisation des berges d’estuaires etc..

Statut régional

L’habitat générique est répandu sur la façade littorale de Charente-Maritime mais la répartition précise des habitats élémentaires demande à être précisée :

17 : baie de l’Aiguillon, baie du Fier d’Ars (île de Ré), côte est de l’île d’Oléron, baie de Moëze, baie de Bonne-Anse, presqu’île d’Arvert, plages de la côte ouest de l’île d’Oléron, estuaires de la Charente, de la Seudre, de la Gironde

 

Dépressions humides arrière-dunaires

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

L’habitat générique regroupe l’ensemble des végétations des dépressions humides arrière dunaire. Le substrat sableux, meuble, très filtrant permet l’émergence de la nappe phréatique superficielle en période hivernale. Les eaux plus ou moins oligotrophes à mésotrophes sont souvent légèrement chlorurées. Le battement de la nappe étant souvent important, il en résulte un assèchement estival de la dépression. Seules les rares secteurs les plus bas ou ceux qui ont été artificiellement creusées restent en eau durant la saison sèche (mares aménagées par les chasseurs pour l’abreuvement du gibier par ex.). L’habitat se décline en 5 habitats élémentaires :

  • les fourrés à Saule des sables Salix arenaria (COR 16.26) occupent certaines dépressions arrière dunaires dont la nappe phréatique, alimentée par les pluies hivernales, inonde le fond de manière plus ou moins prolongée en hiver et au printemps. L’habitat forme une brousse basse de 1 à 1.5m de hauteur, souvent très dense, que n’arrivent à pénétrer que quelques rares espèces de bas-marais ainsi que, typiquement, la liane thermophile Rubia peregrina ;
  • les mares (COR 16.31) correspondent aux dépressions inondées de manière quasi permanente (un court assec estival reste possible) par des eaux oligotrophes, douces à saumâtres connaissant de fortes variations saisonnières de niveau. Elles hébergent une végétation aquatique se développant sous forme d’herbiers enracinés plus ou moins denses, pauvres en espèces, où les Characées et certains potamots halo-tolérants forment l’essentiel de la biomasse ;
  • les bas marais dunaires (COR 16.33) se présentent comme des jonçaies physionomiques ou des jonçaies-cariçaies où le Choin Schoenus nigricans forme parfois faciès et où l’Ecuelle d’eau Hydrocotyle vulgaris et, surtout, le Scirpe choin Holoschoenus romanus, sont rarement absents. En raison de la nature généralement basique du substrat (calcaires coquilliers), la flore présente de fortes affinités avec celles des bas-marais alcalins non littoraux (plusieurs orchidées rares, notamment, leur sont communes). La variabilité régionale de cet habitat élémentaire est remarquable (3 associations végétales connues) et son originalité floristique exceptionnelle (nombreuses plantes rares/ou protégées) ;
  • les prairies humides dunaires (COR 16.34) correspondent à des prairies basses, inondables temporairement lors des remontées de la nappe mais en général exondées, dominées par des Poacées (Agrostis, Cynodon) et diverses dicotylédones comme l’Oenanthe de Lachenal Oenanthe lachenalii, la Germandrée des marais Teucrium scordioides ou le Trèfle faux-fraisier Trifolium fragiferum ;
  • les roselières et cariçaies dunaires (COR 16.35) bordent les plans d’eau arrière-dunaires doux à saumâtres, à niveau variable. Elles forment en général des peuplements pauci- à monospécifiques dominés tantôt par le Phragmite, tantôt par le Scirpe maritime Bolboschoenus maritimus, plus rarement par de grands Carex ou par le Marisque Cladium mariscus.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Salicion arenariae Tüxen ex Passarge in Scamoni 1963 : fourrés à Saule des sables

Charion canescentis Krausch 1964 et Potamion pectinati (Koch 1926) Libbert 1931 : mares douces à saumâtres dunaires

Hydrocotylo vulgaris-Schoenion nigricantis de Foucault 1984 : bas-marais dunaires

Molinio arundinaceae-Holoschoenion vulgaris Br.-Bl. ex Tchou 1948 : prairies humides dunaires

Scirpion compacti Dahl & Hadac 1941 cor. Rivas-Martinez 1980 : roselières et cariçaies dunaires

COR 1991

16.26 Formations à Salix arenaria des dépressions dunaires
16.31 Mares des lèdes dunaires
16.32 Pelouses pionnières des lèdes
16.33 Bas-marais des lèdes
16.34 Prairies des lèdes
16.35 Roselières et cariçaies des lèdes

Directive Habitats 1992

  • 2170 Dunes à Salix repens ssp.argentea
  • 2190 Dépressions humides intradunales
    • 2190-1 Mares dunaires
    • 2190-3 Bas-marais dunaires
    • 190-4 Prairies humides dunaires
    • 2190-5 Roselières et cariçaies dunaires

Confusions possibles

La situation et l’écologie qui conditionnent l’habitat générique ne laissent la place à aucune confusion possible. En revanche, la distinction sur le terrain entre les prairies et les bas-marais requiert parfois une approche phytosociologique fine.

Dynamique

Ces habitats sont très étroitement liés au fonctionnement hydraulique général : périodicité et amplitude des fluctuations de la nappe phréatique, nature physico-chimique des eaux. La ségrégation des différents habitats élémentaires s’opérant sur un fin gradient d’hydromorphie, des modifications mêmes mineures de celle-ci (suite d’hivers et de printemps secs, par exemple) suffisent à précipiter un habitat vers un autre : l’enfoncement durable du plafond de la nappe provoque ainsi une perte de typicité du faciès de bas-marais et son introgression par diverses plantes banales, voire son boisement par des ligneux nomades (saules, ronces, frênes).

Espèces indicatrices

[plante2] *Blackstonia imperfoliata, Calamagrostis epigeios, *Carex serotina, *Carex trinervis, Centaurium erythraea, Centaurium pulchellum, *Dactylorhiza incarnata, *Epipactis palustris , Holoschoenus romanus, Hydrocotyle vulgaris, *Juncus anceps, Juncus maritimus, Juncus subnodulosus, *Liparis loeselii, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Ophioglossum vulgatum, *Orchis coriophora ssp.fragrans, *Orchis palustris, *Salix arenaria, Samolus valerandi, *Spiranthes aestivalis, Sonchus maritimus, Schoenus nigricans, *Teucrium scordium ssp.scordioides, *Trifolium lappaceum
[plante1] Anagallis tenella, Apium inundatum, Baldellia ranunculoides, Blackstonia perfoliata, Bolboschoneus maritimus, *Callitriche truncata, Carex flacca, *Juncus striatus, Oenanthe lachenalii, Phragmites australis, *Potamogeton coloratus, P.pectinatus
[amphibiens] Hyla meridionalis, Pelobates cultripes
[oiseaux] Acrocephalus arundinaceus, Acrocephalus scirpaceus, Cettia cetti, Ixobrychus minutus

Valeur biologique

Certains faciès de l’habitat possèdent une valeur biologique exceptionnelle dans le contexte du Poitou-Charentes : c’est le cas du bas-marais qui abrite une flore très originale, comprenant plusieurs espèces ayant virtuellement disparu des tourbières alcalines régionales ou, tout simplement, pratiquement inconnues ailleurs du territoire régional. Les orchidées sont particulièrement bien représentées avec 6 espèces, toutes plus ou moins rares et/ou bénéficiant d’un statut de protection régional ou national. Certaines Gentianacées (genres Blackstonia et Centaurium) y sont très diversifiées, de même les Joncacées (le Jonc à feuilles tranchantes Juncus anceps est strictement lié à cet habitat en PC). Les dépressions arrière-dunaires constituent aussi un habitat important pour plusieurs espèces animales rares : amphibiens tels que le Pélobate Pelobates cultripes et oiseaux (genre Acrocephalus, Blongios nain Ixobrychus minutus).

Menaces

Ces habitats déjà fort peu répandus sur le littoral charentais maritime ont subi des atteintes irréversibles du fait de remblaiements, de décharges, d’aménagements touristiques ou urbanistiques. En effet, situés en arrière de la dune grise, à l’abri des atteintes directes de la mer et des embruns, ils ont souvent été les premiers touchés par les aménagements. La sensibilité de l’habitat aux variations de la nappe phréatique le rend par ailleurs très dépendant des pompages agricoles et prélèvements divers effectués à proximité immédiate des cordons dunaires. L’invasion par des xénophytes (Séneçon en arbre) est une cause identifiée de l’extinction d’un des sites majeurs de cet habitat en arrière de la baie de Bonne Anse quelques années seulement après la réalisation de la station de la Palmyre.
Des causes plus accidentelles telles que le ras de marée qui a accompagné l’ouragan « Martin » de décembre 1999 sont susceptibles également de perturber durablement l’habitat (salinisation de la nappe, apport de vases et matières organiques dans des systèmes naturellement oligotrophes etc..).

Statut régional

Habitat présent uniquement sur le littoral de Charente-Maritime et des îles où il est partout très menacé. Toutes les sites de quelque importance ont été intégrés dans les inventaires ZNIEFF et NATURA 2000.

Sites remarquables et/ou représentatifs

17 : Réserve Naturelle des Marais d’Yves, Aytré, arrière-dune de la forêt de Saint-Trojan et des Saumonards sur Oléron

 

Dunes

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Il y a là toute une série d’habitats présentant un ensemble de caractéristiques communes. Ce sont des habitats littoraux, sur substrat meuble de sables coquilliers de formation récente (quelques milliers d’années pour les plus anciens), modelés par le vent et plus ou moins stabilisés.
Plusieurs facteurs permettent cependant de les différencier. L’influence de la mer, des apports de sel et du vent, diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la plage en même temps que la stabilité du substrat augmente. On peut passer ainsi rapidement de conditions d’aridité extrême à des milieux franchement hydromorphes.
Les types de végétations qui se succèdent selon des bandes plus ou moins parallèles au rivage vont des annuelles pionnières (haut de plage) aux boisements plus ou moins âgés (arrière-dune boisée, objet d’une fiche spécifique : « Forêts de Pin maritime »), en passant par des milieux où dominent les cryptogames, lichens et mousses. Il en résulte des adaptations spécifiques causes d’une endémicité relativement importante. L’influence de l’homme sur ces habitats pour avoir été assez tardive n’en est pas moins grandissante depuis plus d’un siècle.
Immédiatement au contact supérieur des laisses de haute mer apparaît un habitat linéaire assez instable et par conséquent plus ou moins développé au sein duquel dominent des populations parfois denses de Chiendent à feuilles de jonc Elymus farctus, c’est la dune embryonnaire. Localement, le Pourpier de mer Honckenia peploides peut être abondant. L’apparition de l’Oyat des sables Ammophila arenaria, celle de l’Euphorbe des dunes Euphorbia paralias et celle du Panicaut des dunes Eryngium maritimum permettent de définir la dune blanche. Ces deux premiers habitats sont regroupés sous l’appellation générique de « dunes mobiles » (COR 16.21).
L’halonitrophilie y est très variable, le recouvrement au sol toujours faible de l’ordre de 20 à 30%, la végétation dominée par des espèces vivaces, géophytes à rhizomes et hémicryptophytes. Les adaptations assurent une grande résistance au vent et à la forte mobilité du substrat en même temps qu’à l’aridité résultant de l’extrême perméabilité de la dune. On observe ainsi le très grand développement d’un double système racinaire (horizontal et vertical). Plusieurs espèces patrimoniales trouvent ici leur développement optimum, la Linaire à feuilles de thym, Linaria thymifolia, la Silène de Thore, Silene thorei ainsi que l’Armoise de Lloyd, Artemisia Lloydii ou encore l’Œillet de France, Dianthus gallicus.
À l’arrière, apparaissent des végétations pelousaires pérennes à mousses et lichens ou à dominante de phanérogames annuelles et vivaces selon les synusies saisonnières. L’ensemble prend un aspect qui lui a fait donner le nom générique de « dune grise ou dune fixée » (COR 16.22). Sur le littoral de la Charente Maritime on y distingue deux habitats, tous les deux considérés comme prioritaires par la Directive européenne des Habitats : les dunes grises des côtes atlantiques et les pelouses annuelles arrière dunaires. Les végétaux appartiennent à une seule strate basse au sein de laquelle dominent les chaméphytes associés à diverses herbacées. La présence des mousses et des lichens formant un tapis dense est susceptible d’entraîner un recouvrement important (jusqu’à 100%). Si la quantité d’eau disponible peut être suffisante durant les mois humides assurant par-là même le développement de nombreuses plantes annuelles qui germent avant l’hiver, fleurissent et fructifient au printemps suivant, l’aridité est extrême durant les mois d’été. Les lichens du genre Cladonia réduisent leur métabolisme,les graminées (Koeleria, Corynephorus…) cherchent à recueillir la moindre humidité en enroulant leurs feuilles en forme de gouttière, d’autres espèces comme l’Immortelle des sables Helichrysum stoechas limitent leur évapotranspiration foliaire, d’autres enfin (Sedum) ont accumulé lors de la saison des pluies l’eau dont elles ont besoin. Une espèce patrimoniale trouve ici son développement optimum, le Cynoglosse des dunes, Omphalodes littoralis.
À la lisière de la dune boisée, il est possible parfois d’observer une végétation arbustive moyenne à haute, formant une broussaille impénétrable ou un fourré dense au sein duquel deux espèces sont dominantes : le Troëne Ligustrum vulgare et le garou ou sain bois Daphne gnidium, il s’agit d’un habitat équivalent aux broussailles à Argousier (Hippophae rhamnoides) et Troëne des côtes de la Manche et de la mer du nord, ici dans une variante thermophile. Ces dunes avec fourrés et bosquets (COR 16.25) se rencontrent sur l’ile d’Oléron, ailleurs cet habitat est très fragmentaire.

Phytosociologie et correspondance typologiques

PVF 2004
Euphorbio paraliae-Ammophiletea australis Gehu & Géhu-Franck 1988 : dunes mobiles
Ammophiletalia australis Br.Bl.
Ammophilion arenariae Géhu 1988
EUPHORBIO PARALIAE-AGROPYRETUM JUNCEI
EUPHORBIO PARALIAE-AMMOPHILETUM ARENARIAE
SILENO THOREI-AMMOPHILETUM ARENARIAE
FESTUCO DUMETORUM-GALIETUM ARENARII
Koelerio glaucae-Corynephoretea canescentis Klika & Novak 1941 : dunes fixées
Artemisio lloydii-Koelerietalia albescentis Sissingh 1974
Euphorbio portlandicae-Helichrysion staechadis Géhu & Tüxen ex Sissingh 1974
ARTEMISIO LLOYDII-HELICHRYSETUM STAECHADIS
Thero-Airion Tüxen ex Oberdorfer 1957
Crataego monogynae-Prunetea spinosae Tüxen 1962
DAPHNO GNIDII-LIGUSTRETUM VULGARIS

COR 1991

16.21 Dunes mobiles
16.22 Dunes fixées
16.25 Dunes avec, fourrés, bosquets

Directive Habitats 1992

2110 Dunes mobiles embryonnaires
2120 Dunes mobiles du cordon littoral à Ammophila arenaria (dunes blanches)
2130 Dunes côtières fixées à végétation herbacée (dunes grises)
2130-2 Dunes grises des côtes atlantiques
2130-5 Pelouses rases annuelles arrière-dunaires

Confusions possibles

Excepté dans les secteurs fortement dégradés ou à évolution rapide, les systèmes dunaires sont assez facilement identifiables, néanmoins il est parfois difficile de fixer précisément les limites des habitats entre eux. Les cordons dunaires fossiles en situation côtière interne (=non strictement littoraux) peuvent parfois poser problème car le modelé est en général très atténué et la végétation de type prairial mésophile se trouve en continuité aves les systèmes prairiaux alentour.
Par ailleurs, au niveau de la dune fixée peuvent exister des risques de confusion des dunes grises des côtes atlantiques avec celles de la Mer du Nord et de la Manche qui appartiennent à d’autres groupements.

Dynamique

Les milieux dunaires sont soumis à une dynamique naturelle parfois très intense entraînant ici une sédimentation, ailleurs une érosion. De fait cette intensité varie beaucoup d’un secteur à l’autre et peut varier également au cours du temps, d’autant que l’homme cherche souvent à intervenir essentiellement dans la recherche d’une stabilisation de la dynamique sédimentaire (gestionnaire : l’ONF).

Espèces indicatrices

[plante2] Aetheorhiza bulbosa, Ammophila arenaria, Arenaria serpyllifolia ssp.macrocarpa, Artemisia campestris ssp.maritima var.lloydii, *Asparagus officinalis ssp. prostratus,*Avellinia michelii, Calystegia soldanella, Carex arenaria, Centaurea aspera, Clematis flammula, Corynephorus canescens, *Crepis suffreniana, *Dianthus gallicus, Elymus farctus, Ephedra distachya, Erodium lebelii, Eryngium maritimum, Euphorbia paralias, Euphorbia portlandica, Festuca juncifolia, *Galium arenarium, *Galium neglectum, Helichrysum stoechas, Herniaria ciliolata, Honckenia peploides, Koeleria albescens, *Linaria arenaria, *Linaria thymifolia, Matthiola sinuata, *Medicago marina, *Omphalodes littoralis, Ononis repens var.maritima, *Pancratium maritimum, Phleum arenarium, Senecio vulgaris fo.littoralis, *Silene vulgaris ssp. thorei, Viola kitaibeliana
[plante1] Aira praecox, Arenaria leptoclados, *Asterolinon linum-stellatum, Bupleurum baldense, *Carex liparocarpos, Cerastium diffusum, Cerastium semidecandrum, Desmazeria marina, Erodium cicutarium ssp.dunense, Lagurus ovatus, Leontodon taraxacoides, Mibora minima, Sedum acre, Stellaria pallida, Tuberaria guttata, Vulpia fasciculata, V.membranacea, *V.ciliata ssp ambigua
[briophytes] Rhynchostegium megapolitanum, Tortella flavovirens, Tortula ruraliformis
[lichens] Cladonia ciliata, Cladonia chlorophaea, Cladonia fimbriata, Cladonia foliacea subsp convoluta, Cladonia foliacea subsp foliacea, Cladonia furcata, Cladonia mediterranea, Cladonia portentosa, Cladonia rangiformis, Cladonia squamosa, Collema tenax, Leptogium corniculatum, Leptogium gelatinosum, Leptogium lichenoides, Peltigera canina, Peltigera rufescens
[champignons] Agaricus devoniensis, A. menieri, Geopora arenosa, Gyrophragmium dunalii, Gyroporus ammophilus, Inocybe psammophila, L. littoralis, Leucoagaricus idae-fragum, Morchella spongiola dunensis, Omphalina barbularum, Psathyrella ammophila, Stropharia halophila
[amphibiens] Pelobates cultripes
[reptiles] Lacerta lepida
[oiseaux] Anthus campestris, Charadrius alexandrinus
[coleopteres] Ammophila hirsuta, Ammophila sabulosa, Harpalus melancholicus, Pelor inflatus, Phylan gibbus, Polyphylla fulo, Tentyria curculionides, Xanthomus pallidus
[arachnides] Arctosa perita
[mollusques] Cochlicella acuta, Cochlicella barbara, Theba pisana
[orthopteres] Calephorus compressicornis, Dociostaurus jagoi, Platycleis affini, Sphingonotus caerulescens

Valeur biologique

L’ensemble de ces habitats possède un intérêt patrimonial majeur lié à la présence de nombreuses espèces végétales protégées au niveau national et régional, ou inscrites au Livre Rouge de la Flore Menacée de France : Œillet de France Dianthus gallicus, Cynoglosse des dunes Omphalodes littoralis (inscrit à l’Annexe II de la Directive Habitats), Lis des sables Pancratium maritimum, Linaire à feuilles de thym Linaria thymifolia, parmi d’autres.

Menaces

La surfréquentation estivale avec ses corollaires – piétinement de la dune, prélèvements et rudéralisation du milieu – constitue sans doute actuellement la principale menace ; il faut y ajouter la pratique de sports mécaniques (moto verte, quad, 4×4 …), celle du VTT ou des randonnées pédestre ou équestre, toutes en plein développement et dont la première au moins se déroule en totale infraction avec la loi. Des aménagements lourds : infrastructures routières, parkings, urbanisation peuvent être responsables de la disparition définitive du milieu.

Statut régional

Cet habitat strictement limité au littoral de la Charente Maritime a été intégré dans sa majorité aux inventaires ZNIEFF et Natura 2000.

Sites remarquables ou représentatifs

17 : baie de Bonne Anse, dunes de la forêt de la Coubre, côtes ouest et est de l’île d’Oléron, côte ouest de l’île de Ré

 

Végétation annuelle des laisses de mer

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Il s’agit d’habitats linéaires, ponctuels et discontinus, situés en haut de plage sur substrat de sables ou de galets et sur la partie sommitale de l’estran sur substrat vaseux. D’une manière générale ils se situent immédiatement au-dessus des HMVE (hautes mers de vive eau). Ils apparaissent de plus en plus fréquemment sous l’aspect de structures fragmentaires et en régression, ce qu’il faut mettre en relation avec un recul quasi général du trait de côte en même temps qu’à des interventions humaines.
Le dépôt des laisses de mer riches en matière organiques azotées détermine l’existence d’une végétation halonitrophile. L’existence de ces habitats est donc liée à des conditions stationnelles que l’on rencontre sur la plus grande partie du linéaire côtier ; la nature du substrat permet par contre de caractériser deux grands types d’habitats élémentaires :

  • les laisses de mer sur substrat sableux à vaseux : la végétation est constituée d’annuelles et de bisannuelles halonitrophiles. Il s’agit de thérophytes au comportement pionnier assurant un recouvrement limité du substrat (inférieur à 20%) dont le développement optimal est atteint en été pour disparaître en hiver. Plusieurs espèces sont crassulescentes (Roquette de mer, soudes…).
    On observe une variabilité d’ordre écologique ; sur sable, les espèces dominantes sont le Cakilier maritime Cakile maritima, l’Arroche des sables Atriplex laciniata, la Bette maritime Beta maritima alors que sur les milieux vaseux dominent avec la Bette maritime, l’Arroche hastée Atriplex hastata et les soudes Salsola kali, Salsola soda, Suaeda maritima.
    Les algues en décomposition maintiennent une humidité permanente abritant une masse de crustacés amphipodes du genre Talitrus. Ces puces de mer en se nourrissant des algues en décomposition assurent le recyclage de la matière organique. Les talitres, sauteurs, très actifs la nuit, fuient la marée montante et accompagnent la laisse de mer. D’autres Amphipodes, un cloporte Tylos europaeus, la Forficule des sables Labidura riparia, accompagnent les talitres. À noter également la présence de larves de Diptères (Cercyon littoralis, Fucellia maritima, Fucellia tergina dont les adultes (mouches) sont souvent le prétexte de demandes d’intervention de la part des vacanciers pour l’enlèvement des laisses.
  • les laisses de mer sur cordon de galets : la végétation basse herbacée à faible recouvrement est constituée de thérophytes au comportement pionnier ; parmi les espèces dominantes, on note l’Arroche hastée et la Bette maritime. Ici encore la faune associée est constituée essentiellement de Crustacés détritivores. Ces organismes sont largement exploités à marée haute par de nombreuses espèces d’oiseaux (chevaliers, bécasseaux…).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004
Cakiletea maritimae Tüxen & Preising ex Br.-Bl. & Tüxen 1952
Cakiletalia integrifolia Tüxen ex Oberdorfer 1950 corr. Rivas-Martinez,Costa & Loidi 1992 : communautés européo-atlantiques
Atriplicion littoralis Nordhagen 1940
BETO MARITIMAE-ATRIPLICETUM LITTORALIS
ATRIPLICI HASTATAE-BETETUM MARITIMAE
Atriplici laciniatae-Salsolion kali Nordhagen 1940
BETO MARITIMAE-ATRIPLICETUM LACINIATAE

Euphorbietalia peplis Tûxen 1950 : communautés méditerranéennes et thermo-atlantiques
Euphorbion peplis Tüxen 1950
MATRICARIO MARITIMAE-EUPHORBIETUM PEPLIS

COR 1991
15.36 Laisses de mer des prés salés atlantiques
16.12 Groupements annuels des plages de sable
17.2 Plages de galets avec végétation sur laisses de mer

Directive Habitats 1992
1210 Végétation annuelle des laisses de mer

  • CH Laisses de mer sur substrat sableux à vaseux des côtes Manche-Atlantique et mer du Nord
  • CH Laisses de mer sur cordons de galets et de graviers des côtes Manche-Atlantique et mer du Nord

Confusions possibles

Ces habitats pionniers temporaires ne peuvent prêter à confusion avec aucun autre habitat sauf contacts supérieurs avec la dune embryonnaire. Dans ces cas, le Chiendent à feuilles de jonc devient l’espèce dominante, le micro-relief est plus marqué et l’habitat persiste même durant la mauvaise saison (habitat structuré par des hémicryptophytes vivaces et non des thérophytes).

Dynamique

Il s’agit d’un habitat éphémère présent de la fin du printemps jusqu’au début de l’hiver. La mobilité du substrat le prive de toute dynamique interne propre. Dans les secteurs de côte sableuse en accrétion, il précède et prépare l’apparition du cordon dunaire embryonnaire à Chiendent à feuilles de jonc. En hauts de prés salés, il peut être colonisé par la prairie glauque à Chiendent piquant.

Espèces indicatrices

[plante2] Atriplex hastata, Atriplex laciniata, Atriplex littoralis, Cakile maritima, Beta maritima, *Euphorbia peplis, Glaucium flavum, Honckenya peploides, Salsola soda, Salsola kali, Suaeda maritima
[plante1] Elymus farctus, Elytrigia atherica, Matricaria inodora ssp.maritima
[oiseaux] Anthus petrosus, Arenaria interpres, Calidris alba, Charadrius hiaticula
[coleopteres] Callicnemis latreilli, Eugrapha trisygnata, Eurynebria complanata, Labidura riparia, Phaleria cadaverina, Psylliodes marcida
[lepidopteres] Agrotis ripae
[crustaces] Talitrus saltator, Tylos europaeus, Tylos latreilli

Valeur biologique

Ces habitats, zones de transition entre milieu aquatique et milieu terrestre, zone de recyclage du matériel organique en épaves, zone de gagnage pour de nombreux oiseaux du littoral, participent à l’équilibre dynamique des littoraux sédimentaires.
Une espèce végétale, considérée comme disparue de la quasi-totalité du littoral atlantique, alors qu’elle était donnée comme commune encore au début du XXéme siècle, vient d’être redécouverte sur le littoral de Charente-Maritime (Euphorbia peplis). Cette euphorbe est protégée au niveau national. Le perce-oreille (Labidura riparia) est en très forte régression sur l’ensemble du littoral. Les autres espèces végétales et animales ne présentent pas de caractère de rareté.
La forte productivité du milieu en fait une zone de nourrissage pour de nombreux oiseaux : Gravelots (Charadrius hiaticula, C. alexandrinus), Bécasseau variable (Calidris alpina), Pipit maritime (Anthus petrosus), Tournepierre à collier (Arenaria interpres)
Les transferts d’énergie de ces types d’habitats « d’interface » mériteraient des évaluations scientifiques approfondies.

Menaces

Ces hauts de plage sont fortement affectés par les rejets anthropiques et les dépôts de toutes natures : déchets des navires et des plaisanciers, hydrocarbures, matériel ostréicole ou mytilicole abandonné, engins de pêche…. l’ensemble étant désigné sous le terme de « macrodéchets ». Cette zone fait l’objet de nettoyages mécaniques totalement destructeurs pour les habitats, la cribleuse étant incapable de faire la part entre laisse de mer et macrodéchets. Le ramassage manuel est parfois réalisé par des brigades départementales qu’il serait nécessaire de former.
Ces habitats sont particulièrement sensibles aux marées noires.

Statut régional

Habitat strictement limité au littoral de la Charente Maritime où il est assez répandu mais partout ponctuel et en régression. Sa valeur patrimoniale est élevée.

Sites remarquables

17 : côtes abritées (est) des îles de Ré et d’Oléron ; anse des Boucholeurs, anse de Fouras

 

Fourrés des prés salés

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

En situations primaires, l’habitat existe sur les hauts schorres des fonds de baies dans la zone atteinte seulement par les hautes mers de vives eaux (coefficients de l’ordre de 90-100), sous la forme d’une frange plus ou moins large. En situations secondaires, dans les marais endigués, ses occurrences sont plus variables : linéaires le long des étiers ou en bordure de bassins salicoles ou conchylicoles récemment abandonnés ou encore exploités mais à gestion des rives peu intensive, voire peuplements spatiaux colonisant la totalité d’un ancien bassin lorsque l’hydraulique permet encore des arrivées occasionnelles d’eau marine. Le substrat est assez variable : généralement vaseux à sablo-vaseux, parfois enrichi en débris coquilliers (notamment dans les situations secondaires) ou en débris organiques grâce aux laisses de mer déposées par les grandes marées (situations primaires), il présente en général des périodes de dessication marquée en été.
Physionomiquement, il s’agit de fourrés bas à moyens (50cm à 150cm), dominés, selon les faciès, par l’une ou l’autre de 2 Chénopodiacées sous-frutescentes et crassulescentes :

  • la Salicorne ligneuse Sarcocornia fruticosa est un sous-arbrisseau méditerranéen-atlantique (limite nord en Bretagne), à nombreux rameaux dressés formant un buisson de couleur glauque caractéristique ;
  • la Soude arbrisseau Suaeda vera est un sous-arbrisseau de répartition également méditerranéenne-atlantique (mais qui remonte sporadiquement jusque sur le littoral de la Manche en Normandie), à nombreuses feuilles linéaires, subcylindriques et charnues.
    La stratification verticale est en général assez marquée, une strate herbacée ou ligneuse basse d’Agropyre piquant Elymus pycnanthus ou d’Obione Halimione portulacoides assurant la couverture du sol entre les arbustes.

    La phénologie, comme souvent pour les habitats de prés salés, est tardive, la floraison commençant en août et pouvant se prolonger jusqu’en octobre. La pollinisation est assurée par le vent (anémogamie) et la dispersion des semences par l’eau de mer (hydrochorie).

En Poitou-Charentes, l’habitat est représenté par 2 communautés végétales distinctes :

  • la communauté à Puccinellie maritime et Salicorne ligneuse (PUCCINELLIO MARITIMAE-SALICORNIETUM FRUTICOSAE), sur substrats sablo-vaseux du haut schorre ; plus halophile que nitrophile, elle succède dans le temps aux – ou se trouve en contact spatial supérieur avec les – nappes argentées d’Obione faux-pourpier qui couvrent de vastes surfaces sur les plateaux du moyen schorre ;
  • la communauté à Soude arbrisseau et Agropyre piquant (AGROPYRO PUNGENTIS-SUAEDETUM VERAE), à l’extrême limite supérieure du haut schorre, sur substrats très bien drainés (parfois sur sables purs), généralement enrichis en matière organique ; cette association, assez fortement nitrophile, marque en général la limite d’influence des marées et souligne d’un linéaire vert sombre la frontière entre les végétations de prés salés et les habitats plus continentaux. Elle est aussi très fréquente, à l’intérieur des digues, dans les marais ostréicoles ou salicoles, frangeant les bassins dont l’entretien est suffisamment extensif pour permettre le développement de la végétation ligneuse.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

SALICORNIETEA FRUTICOSAE Br. Bl. & Tüxen 1943

SALICORNIETALIA FRUTICOSAE Br. Bl. 1933

  • Halimionion portulacoidis Géhu 1976
    • PUCCINELLIO MARITIMAE-SALICORNIETUM FRUTICOSAE
    • AGROPYRO PUNGENTIS-SUAEDETUM VERAE

COR 1991

  • 15.623 Fourrés atlantiques d’arbrisseaux à Suaeda vera
  • 15.624 Fourrés atlantiques d’arbustes à Arthrocnemum

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 1420 Fourrés halophiles méditerranéens et thermo-atlantiques
    • 1420-1 Fourrés halophiles thermo-atlantiques

Confusions possibles

Sa structure et ses espèces ligneuses dominantes permettent en général d’éviter toute confusion. Une variété couchée de Sarcocornia fruticosa ressemble toutefois beaucoup à Sarcocornia perennis : la position le long du gradient topographique du pré salé, les espèces compagnes et, le cas échéant, l’observation des graines (tuberculeuses chez S.fruticosa, pubescentes chez S.perennis) permettent en général de trancher sur l’identité de l’habitat.

Des situations intermédiaires, d’interprétation délicate, semblent exister entre la communauté à Soude arbrisseau et Agropyre piquant et la prairie glauque à Agropyre piquant (habitat 15.3) : la dominance de l’un ou l’autre des types biologiques – chaméphyte ligneux dans le premier, géophyte à rhizome dans le second – est alors un bon guide pour trancher, de même que la présence d’espèces compagnes différentielles.

Dynamique

La dynamique naturelle interne de l’habitat est très faible du fait des fortes contraintes écologiques ; les liens observés entre les différentes communautés du schorre sont donc plus de l’ordre du simple contact spatial que l’indice d’une possible dynamique.

Espèces indicatrices

[plante2] Elymus pycnanthus, Sarcocornia fruticosa, Suaeda vera
[plante1] Halimione portulacoides, Puccinellia maritima, Sarcocornia perennis
[oiseaux] Carduelis cannabina, Luscinia svecica namnetum
[orthopteres] Epacromius tergestinus

Valeur biologique

La communauté à Puccinellie maritime et Salicorne ligneuse est inscrite au Livre Rouge des Phytocénoses terrestres du littoral français (catégorie UICN : « Vulnérable ») et considérée comme « en régression par les aménagements de salines et de bassins ostréicoles ». L’habitat – dans son ensemble – est considéré comme menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE dite « Directive Habitats ».
Sur le plan botanique, aucune espèce de forte valeur patrimoniale n’est connue régionalement au sein de l’habitat.

Menaces

La communauté à Puccinellie maritime et Salicorne ligneuse nécessite pour son développement l’existence de longues séquences d’atterrissement de prés salés qui permettent la pleine expression du gradient décroissant de submersion par les eaux marines. De telles séquences sont devenues rares sur le littoral de Charente-Maritime où la partie supérieure des séries est généralement tronquée par l’existence de digues. La communauté se retrouve également dans les marais aménagés mais est alors souvent réduite à un mince linéaire le long de certains bassins et, en général, avec une composition floristique moins typique. Dans certains cas exceptionnels toutefois d’abandon de marais aménagés, ni trop récent ni trop ancien, le PUCCINELLIO-SALICORNIETUM FRUTICOSAE peut couvrir la totalité du fond de certains bassins : il s’agit cependant d’une situation éphémère, condamnée à évoluer en quelques décennies vers des habitats plus « continentalisés » avec la ruine du réseau hydraulique, la cessation des arrivées d’eau marine et l’influence des eaux de pluie collectées par le bassin.
La communauté à Soude arbrisseau et Agropyre piquant ne semble en revanche pas directement menacée : elle s’adapte bien aux modifications d’habitats et s’implante facilement dans les marais aménagés, à condition toutefois que l’entretien ne soit pas trop « sévère ».

Statut régional

Habitat présent potentiellement sur l’ensemble de la frange littorale de Charente-Maritime et de ses îles. La communauté primaire à Salicorne ligneuse n’existe toutefois que dans certains sites privilégiés, surtout insulaires, où les séquences ne sont pas tronquées par l’endiguement :

17 : baie de Bonne Anse, pointe sud de l’île d’Oléron, Fier d’Ars (île de Ré)