Prairies flottantes à petits hélophytes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat occupe les rives des petits ruisseaux ou des plans d’eau et constitue souvent des nappes végétales flottantes. Il se rencontre au contact des roselières basses à moyennes ou hautes ou se développe directement depuis la rive. Ces prairies flottantes sont constituées d’espèces vivaces, hélophytes de petites tailles ou d’hémicryptophytes se développant en touffes ou en nappes au ras de l’eau grâce à l’émission de nombreux rhizomes ou stolons. Les espèces végétales que l’on rencontre au sein de ces nappes flottantes sont pour la plupart sociales et ont l’habitude de former des colonies distinctes. Elles sont plutôt tolérantes aux variations des conditions d’ensoleillement et supportent assez bien les perturbations mécaniques telles que le faucardage. Elles ont en effet la capacité à se régénérer rapidement. Les ruisseaux bordés par ce type d’habitat sont généralement des cours d’eau qui subissent de faibles variations de leur niveau d’eau et qui présentent un courant modéré à très faible. Cet habitat est fréquent sur les cours d’eau peuplés par des herbiers à Ranunculus penicillatus ou à Callitriche obtusangula et ayant une profondeur peu importante. Cette caractéristique impose parfois à la végétation de ces prairies flottantes, une alternance de phases inondée et exondée. Le substrat est d’origine alluvial c’est-à-dire plutôt limoneux à graveleux, riche en nutriments et toujours humide à gorgé d’eau. En revanche le sol est rarement très chargé en matière organique ou tourbeux.

Cet habitat présente peu de variations dans son apparence mais plutôt dans les abondances relatives au sein de sa composition spécifique, notamment en fonction de la vitesse du courant.

En bordure d’eaux courantes, le Cresson de fontaine Nasturtium officinale domine et l’Ache nodiflore Apium nodiflorum présent en faible quantité, reste submergée ou peu développée hors de l’eau. Dans les eaux où le courant est ralenti à faible, l’Ache nodiflore est alors de grande taille et se développe considérablement au détriment des autres espèces caractéristiques de l’habitat. Il peut envahir tout le lit du ruisseau en mélange avec la Petite Berle Berula erecta.

Là où le courant est très faible ou nul, la profondeur également faible et où les teneurs en matières organiques et nitrates sont élevées le Cresson de cheval Veronica beccabunga, la Menthe aquatique Mentha aquatica et le Myosotis des marais Myosotis scorpioides deviennent prédominants.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Glycerio-Nasturtietea Officinalis Géhu et Géhu-Franck 1987
Nasturtio -Glycerietalia fluitantis Pignatti 1953

Glycerio-Sparganion Br.-Bl. Sissingh in Boer 1942 : bords d’eaux stagnantes

Apion nodiflori Segal in Westhoff den Held 1969 : bords des cours d’eau

COR 1991

53.4 Petits hélophytes des eaux dormantes ou courantes

Confusions possibles

Cet habitat s’identifie facilement ce qui exclue toutes confusions avec d’autres habitats. Cependant, il s’agit d’un habitat linéaire, plutôt de faible largeur qui est souvent pénétré par des espèces d’habitats voisins tels que les mégaphorbiaies, les magnocaricaies ou les prairies humides, ce qui ne facilite pas toujours l’identification et la distinction de ces prairies flottantes à petits hélophytes. D’autre part, si les périodes d’assecs des cours d’eaux sont fréquentes et prolongées la végétation des roselières basses à moyennes de type Phalaridaie (CB : 53.16) peut s’installer et se mélanger au cortège spécifique de cet habitat.

Dynamique

Si le régime hydrologique des cours d’eau sur lesquels est présent cet habitat se modifie et notamment si le courant ralentit, on va pouvoir assister au développement des grands hélophytes des roselières basses à moyennes (CB : 53.14 à 53.17) et des roselières hautes (CB : 53.11 à 53.13). Les espèces des prairies flottantes peuvent alors subsister encore quelque temps en mélange avec celles des roselières et constituer un semblant de strate inférieure de ces dernières. L’habitat, assez fortement héliophile, est sensible au développement d’une couverture forestière dense. En cas d’extension de la forêt alluviale (ou, plus souvent, de plantations de peupliers), il régressera au point de disparaître totalement si l’ombrage devient trop intense.

Espèces indicatrices

[plante2] Apium nodiflorum, Berula erecta, *Catabrosa aquatica, Glyceria fluitans, Myosotis scorpioides, Nasturtium officinale, Sparganium emersum, Sparganium erectum ssp. neglectum, Veronica anagallis-aquatica ssp.anagallis-aquatica, Veronica beccabunga
[plante1] Alisma plantago-aquatica, Mentha aquatica
[briophytes] Fontinalis antipyretica, Rhynchostegium riparioides
[mammiferes] Neomys fodiens
[poissons] Gasterosteus aculeatus
[odonates] Calopteryx haemorrhoidalis , Calopteryx virgo meridionalis, Coenagrion mercuriale

Valeur biologique

Ce sont des habitats d’interface entre le milieu aquatique et le milieu terrestre qui ont une fonction importante dans le cycle annuel de développement d’insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères. Les plantes constitutives peuvent être utilisées comme supports de pontes par certaines espèces d’amphibiens et comme sites d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Ces petits hélophytes jouent un important rôle filtreur et épurateur auxquels certains cours doivent le maintien de leur qualité d’eau. Certaines communautés végétales peuvent servir à diagnostiquer rapidement le niveau trophique des eaux. Elles accueillent parfois des espèces végétales rares comme la Canche aquatique Catabrosa aquatica.

Menaces

La simplification et les modifications (recalibrage, enrochements, bétonnage…) apportées aux petits cours d’eau parfois considérés comme de « vulgaires fossés » portent gravement atteinte au maintien de ces habitats.
D’autre part les modifications du régime hydrique des cours d’eau (prélèvements d’eau en période d’étiage), se traduisant par des kilomètres d’assec, ne sont pas pour favoriser le maintien de cet habitat qui va alors être colonisé par des espèces moins hygrophiles plus compétitives ou laisser la place à des stades dynamiques plus évolués comme certains faciès de roselières sèches très appauvris.
La pollution généralisée des cours d’eau affecte gravement cet habitat qui peut totalement disparaître sur les parcours les plus pollués, notamment en aval des villes et villages. Plusieurs plantes indicatrices de conditions trophiques moyennes à faibles sont en nette régression de nos jours : Berula erecta, herbiers flottants de Menthe aquatique.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu reste assez commun. Certains faciès de l’habitat ont cependant considérablement régressé à la suite du recalibrage des petits cours d’eau, de la durée croissante des assecs estivaux, importants dans les secteurs fortement altérés par l’agriculture intensive, et de la pollution générale des milieux aquatiques.

Les sites les plus remarquables :

16 : sources et cours supérieur de la Touvre
17 : rives de la Seugne
86 : cours supérieur de la Clouère, de la Vonne. Tronçons non canalisés de la Dive du Nord. Bords de l’Auxance , de la Petite Blourde

 

Roselières hautes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les roselières hautes sont des habitats denses, généralement assez pauvres en espèces végétales car dominés par une espèce pouvant parfois constituer des peuplements presque purs. La végétation est structurée essentiellement par des hélophytes de grande taille et peut atteindre une hauteur de 3 mètres. Elle se développe sur un sol hydromorphe inondé (entre 0,2m et 1,8m de profondeur), souvent vaseux dans des eaux méso-eutrophes non ou légèrement acides. La richesse du sol en nutriments, l’importante disponibilité en eau et un éclairement intense sont les composantes nécessaires à l’expression et à la croissance rapide de végétaux de grande taille pourvus de puissants rhizomes. Ces hélophytes émettent chaque année une tige verte qui va mourir et sécher l’hiver suivant. Les restes secs subsistent jusqu’à leur remplacement par de nouvelles tiges vertes l’année suivante. Les roselières peuvent former des colonies très étendues au bord des eaux dormantes ou courantes. Elles participent au phénomène d’atterrissement en freinant et fixant les sédiments, mais aussi par la décomposition de la matière organique liée à leur importante production de biomasse favorisant l’envasement des rives. La richesse floristique dépend des conditions du milieu – sels nutritifs, lumière, inondabilité -, de facteurs biotiques – faucardage, brulis, curage – mais aussi de la connexion entre les différentes roselières. En effet, les roselières des mares isolées ou des lieux récemment inondés semblent présenter une richesse floristique moindre par rapport aux grandes roselières de marais ou des grandes vallées alluviales qui communiquent largement entre elles.

En Poitou-Charentes, cet habitat est représenté par trois formations végétales distinctes :

La phragmitaie Scirpo-Phragmitetum composée de peuplements denses de Roseau commun Phragmites australis. Cette espèce subcosmopolite est tolérante aux sols inondés à secs et à des eaux douces à saumâtres. Ainsi, ce type de roselière présente une forme régulièrement inondée ou une forme plus sèche sur des zones longuement asséchées l’été. Ces dernières sont parfois introgressées par des espèces d’autres habitats humides voisins tels que les mégaphorbiaies ou les prairies humides.
La scirpaie lacustre Scirpetum lacustris est dominée par le Jonc des Chaisiers Scirpus lacustris. Ce dernier ne tolère pas un assèchement trop prononcé ni trop prolongé et supporte une circulation assez vive de l’eau. Elle constitue souvent la ceinture la plus externe de la roselière.
Les typhaies individualisent deux faciès selon l’espèce de massette dominante : la typhaie à Masette à feuilles larges Typhaetum latifoliae est formée de peuplements plus pauvres, parfois purs de Massette à larges feuilles Typha latifolia. Cette espèce peut germer en absence d’oxygène et s’installe généralement dans des pièces d’eau artificielle (mares, étangs, fond de carrières inondées, gravières…). Elle tolère un assèchement important en été et est relativement insensible aux pollutions. La typhaie à Massette à feuilles étroites Typhaetum angustifoliae , moins liée à des biotopes perturbés que la précédente, occupe en général les bords d’eau stagnantes eutrophes, parfois saumâtres, notamment les fossés plus ou moins profonds à matrice vaseuse des grands marais arrière-littoraux.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

PHRAGMITI AUSTRALIS-MAGNOCARICETEA ELATAE Klika in Klika & V.Novak 1941
PHRAGMITETALIA AUSTRALIS Koch 1926
Phragmition communis Koch 1926

CORINE 1991

53.11 Phragmitaies (SCIRPO-PHRAGMITETUM)
53.12 Scirpaies lacustres (SCHOENOPLECTETUM LACUSTRIS)
53.13 Typhaies

Confusions possibles

Les roselières hautes ne posent généralement pas de problème d’identification. Certaines roselières basses à moyennes peuvent toutefois présenter dans certaines conditions favorables de trophie ou d’hydromorphie une structure très voisine de celle des roselières hautes : c’est le cas notamment de la glycéraie à Glyceria maxima et, surtout, de la phalaridaie à Baldingère Phalaris arundinacea (CB : 53.16), formation végétale à physionomie proche de la roselière à Phragmites australis, avec laquelle elle forme souvent une communauté mixte, notamment dans les systèmes dégradés ou perturbés (fort rabattement de nappe). Dans la dynamique d’aterrissement naturel d’une roselière, la phalaridaie succède souvent à la phragmitaie, moins tolérante aux fortes variations du plan d’eau.

Dynamique

Les roselières des bords d’étangs progressent de façon centripète, c’est-à-dire vers le milieu de la pièce d’eau. C’est le phénomène d’atterrissement qui conduit, si rien n’est fait, à la fermeture des mares et des petits étangs peu profonds. On observe habituellement une succession de différentes ceintures de végétation en allant du plus profond (côté milieu de la pièce d’eau ou du cours d’eau) vers le moins profond (la rive). La ceinture externe (côté eau libre) est formée par la scirpaie lacustre qui supporte les eaux vives et/ou profondes, vient ensuite la phragmitaie tolérante à la submersion prolongée, parfois en mélange avec une roselière basse à moyenne (CB : 53.14 à 53.17) en sous étage à laquelle la phragmitaie a succédé. Côté terrestre, les roselières hautes se mélangent parfois avec les massettes et peuvent être flanquées d’un peuplement dense de Baldingère Phalaris arundinacea (phalaridaie). Dans les systèmes fluviaux, les roselières, en freinant le courant et favorisant ainsi les dépôts alluviaux, conduisent à un rétrécissement du lit mineur, puis à la constitution d’un bras mort. L’atterrissement devient alors de plus en plus rapide.

L’accumulation de matières organiques peut conduire à l’installation de cladiaies-phragmitaies sur sols tourbeux (CB : 53.33).

La plantation de Peupliers au sein des roselières associée au drainage permet le boisement et peut conduire à une forêt de type aulnaie-peupleraie à grandes herbes (CB : 44.33) avec la persistance du Roseau commun Phragmites australis et de la Baldingère Phalaris arundinacea qui résistent longtemps à l’assèchement.

Espèces indicatrices

[plante2] Phragmites australis, Scirpus lacustris, Typha angustifolia, Typha latifolia
[plante1] *Euphorbia palustris, Rumex hydrolapathum, Scrofularia aquatica, Stachys palustris, Thalictrum flavum
[oiseaux] Acrocephalus arundinaceus, Acrocephalus scirpaceus, Ardea purpurea, Botaurus stellaris, Circus aeruginosus, Ixobrychus minutus, Locustella luscinioides, Panurus biarmicus, Porzana porzana, Rallus aquaticus
[amphibiens] Hyla arborea, Hyla meridionalis
[lepidopteres] Archanara sparganii, Laelia coenosa, Nonagria typhae, Phragmataecia castaneae, Rhizedra lutosa, Senta flammea
[mollusques] Succinea putris
[coleopteres] Lipara lucens

Valeur biologique

Les roselières hautes – surtout la phragmitaie – constituent un habitat privilégié, voire exclusif, de reproduction, d’hivernage ou d’alimentation pour de nombreux oiseaux dont plusieurs espèces présentent un statut de conservation défavorable en Europe : Butor étoilé, Blongios nain, Héron pourpré… Quelques espèces végétales rares telles que la Grande douve Ranunculus lingua (espèce végétale protégée au niveau national) sont également inféodées à cet habitat. D’autre part les roselières en tant qu’interfaces entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, permettent aux insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères d’accomplir leur cycle annuel de développement. Elles constituent des supports de pontes pour certaines espèces d’amphibiens et sont parfois des habitats d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Enfin, par leur résistance à la pollution, les roselières jouent un rôle écologique général de premier plan d’épuration et de dénitrification des eaux surchargées en nutriments ou en polluants par les activités humaines.

Menaces

La simplification et les modifications (recalibrage, enrochements, bétonnage …) apportées aux cours d’eau portent gravement atteinte au maintien de ces habitats et ainsi au fonctionnement écologique global du cours d’eau et plus généralement des zones humides auxquelles ils appartiennent.
Le recreusement des berges d’étangs et de mares entraîne souvent la transformation de rives à pente douce en berges abruptes qui ne permettront plus la colonisation de ces dernières par les roselières.
Bien que le phragmite soit résistant à la pollution, l’eutrophisation importante de l’eau perturbe sa croissance et fragilise ses tiges, conduisant souvent à l’altération de la structure verticale de la roselière.
L’entretien par faucardage régulier est parfois nécessaire pour l’entretien des roselières. Lorsque celui-ci nécessite l’intervention d’engins motorisés lourd, il doit être réalisé à l‘aide de matériel spécialisé muni de pneus basse pression afin d’éviter un tassement du sol trop important.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, l’habitat est assez fréquent sous ses différents faciès mais généralement dans un état altéré ou relictuel : faible surface (les grandes roselières à Phragmites d’une surface supérieure à 1 ha sont devenues exceptionnelles), structure simplifiée, composition floristique tronquée, cortège faunistique appauvri. La plupart des grands ensembles subsistant correspondent à des roselières très évoluées sur des substrats tourbeux et sont souvent en voie de boisement actif.

Les sites les plus remarquables :
17 : phragmitaies de l’estuaire de la Charente, de la Gironde
86 : roselières de Brion, St-Maurice-la-Clouère, Montreuil-Bonnin

 

Roselières basses à moyennes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les roselières basses à moyennes sont des ceintures végétales situées au bord des cours d’eau ou des eaux dormantes. Composées de petits hélophytes généralement non graminoïdes, elles sont représentées par un ensemble de communautés végétales souvent dominées par une ou plusieurs espèces sociales qui leur confèrent leur apparence. Cet habitat est composé d’espèces héliophiles plus ou moins basses, généralement situées dans une zone de transition entre le milieu aquatique continuellement submergé par l’eau et le milieu terrestre ou parfois sur des sols hygromorphes. Il se développe souvent sur substrats vaseux à limoneux dans des eaux mésotrophes à eutrophes et se rencontre la plupart du temps en formation linéaire ou en petites nappes soit en mélange avec les roselières hautes (phragmitaie) soit en contact avec ces dernières. Ce type de roselière présente une grande variabilité en fonction des propriétés physico-chimiques de l’eau et du substrat au sein desquelles elles se développent. En effet, cet habitat se décline en 14 associations végétales et 4 alliances phytosociologiques. Ces différents types de roselière sont classés en fonction de l’espèce dominante et sont décrits sous la forme de communautés d’espèces :

Communautés des zones à nappe à faibles variations de niveau :

  • communauté à Grande Berle Sium latifolium ( Rorippo amphibiae-Sietum latifolii ) des fossés envasés ;
  • communauté à Prêle des rivières Equisetum fluviatile ( Equisetetum fluviatilis ), des eaux assez profondes, froides ;
    – communauté à Pesse d’eau Hippuris vulgaris ( Hippuridetum vulgaris ) dans les eaux courantes à stagnantes, froides, claires et riches en nutriments ;
  • communauté à Grande glycérie Glyceria maxima ( Glycerietum maximae ), formation végétale plutôt haute généralement en bande étroite le long des petits ruisseaux voire des fossés, se rencontrant souvent dans les prairies humides dans des zones fréquemment inondées par des eaux eutrophes ;
  • communauté à Acore vrai ( Acoretum calami ) plutôt thermophile ;
  • communauté à Rubanier rameux ( Sparganietum erecti ) caractéristique des eaux stagnantes sur des vases riches en minéraux et en calcaires ;

Communautés pionnières des bordures perturbées d’eaux calmes

  • communauté à Sagittaire ( Sagittario-Sparganietum emersi ) dans les eaux méso-eutrophes à écoulement lent ou parfois stagnantes ;
  • communauté à Butome en ombelle ( Butometum umbellati ) des eaux courantes à stagnantes à fort battement, formation végétale généralement ouverte caractéristique des eaux alcalines et minéralisées.
  • communauté à Oenanthe aquatique et de Rorippe amphibie ( Oenantho aquaticae-Rorippetum amphibiae ) située parfois au bord des roselières hautes ;
  • communauté à Scirpe maritime, non littorale, sur vases eutrophes des bords d’étangs ( Polygono-Scirpetum maritimi ) ;

Communautés des rives de fleuves et rivières

  • communauté à Baldingère Phalaris arundinacea ( Phalaridetum arundinaceae ), considérée comme une forme dégradée des roselières hautes à Phragmites (CB : 53.11). La phalaridaie forme des peuplements purs ou parfois en mélange avec Phragmites australis. Elle peut supporter des sécheresses importantes et prolongées et résiste bien aux pollutions et aux perturbations diverses. Elle forme souvent des ceintures végétales sur des sols jamais inondés (roselière terrestre).

Communautés subhalophiles

  • communautés de scirpes halophiles ( Scirpion maritimi ) caractéristiques des eaux plus ou moins saumâtres, représentées par plusieurs groupements : à Schoenoplectus tabernaemontani, à Bolboschoenus maritimus, à Schoenoplectus triqueter… Ces formations se rencontrent exclusivement sur la frange littorale de la région Poitou-Charentes.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

PHRAGMITI AUSTRALIS-MAGNOCARICETEA ELATAE Klika in Klika et Novak 1949

PHRAGMITETALIA AUSTRALIS Koch 1926
Phragmition communis Koch 1926
Oenanthion aquaticae Hejny ex Neuhausl 1959
Phalaridion arundinaceae Kopecky 1961

SCIRPETALIA COMPACTI Hejny in Holub et al. 1967
Scirpion compacto-littoralis Rivas-Martinez 1980

CORINE 1991

53.14 Roselières basses à moyennes
53.15 Végétation à Glyceria maxima (GLYCERIETUM MAXIMAE)
53.16 Végétation à Phalaris arundinacea (PHALARIDETUM ARUNDINACEAE)
53.17 Végétation à scirpes halophiles (SCIRPION MARITIMI)

Confusions possibles

Cet habitat s’identifie facilement ce qui exclue toute confusion avec d’autres habitats. Cependant il peut parfois se rencontrer en mélange avec les roselières hautes à Phragmites australis (CB : 53.11) et former la strate inférieure de ces dernières.
D’autre part cet habitat, souvent présent en ruban le long des cours d’eau, peut se trouver pénétré par des espèces des prairies humides et des mégaphorbiaies voisines ce qui peut rendre l’identification plus difficile.

Dynamique

La dynamique naturelle va dépendre du maintien du régime hydrique des cours d’eau ou des étangs que ces roselières bordent. En effet, si la fréquence et l’importance des inondations diminuent, les conditions deviennent moins contraignantes pour d’autres espèces moins hygrophiles.
La dynamique progressive de cet habitat peut conduire à l’installation de grands hélophytes tels que les phragmites ou les massettes. Les formations à Grande Glycérie installées dans les fossés ou petits ruisseaux, laissent parfois la place à des cariçaies relativement pauvres semées de quelques saules.

Espèces indicatrices

[plante2] Acorus calamus, Alisma lanceolatum, Alisma plantago aquatica, Bolboschoenus maritimus, Butomus umbellatus, Equisetum fluviatile, Glyceria maxima, *Hippuris vulgaris, Oenanthe aquatica, Phalaris arundinacea, Rorippa amphibia, Sagittaria sagittifolia, *Sium latifolium, Schoenoplectus tabernaemontani, *Scirpus triqueter, Sparganium emersum, Sparganium erectum ssp. erectum, Sparganium erectum ssp. neglectum, Veronica anagallis-aquatica
[plante1] Baldellia ranunculoides, Eleocharis palustris, Oenanthe fistulosa
[briophytes] Fontinalis antipyretica, Octodiceras fontanum, Rhynchostegium riparioides

Valeur biologique

Ce sont des habitats d’interface entre le milieu aquatique et le milieu terrestre qui ont une fonction importante dans le cycle annuel de développement d’insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères. Elles peuvent être utilisées comme support de pontes par certaines espèces d’amphibiens et comme site d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Souvent résistantes aux pollutions et perturbations d’origines anthropiques, les roselières jouent un important rôle épurateur et dénitrifiant. Certaines de leurs espèces végétales structurantes présentes un caractère de rareté régionale marqué : Sium latifolium, Scirpus triqueter surtout et, à un moindre degré, Hippuris vulgaris, Schoenoplectus tabernaemontani ou Butomus umbellatus.

Menaces

La simplification et les modifications – recalibrage, enrochements, bétonnage – apportées aux petits cours d’eau parfois considérés comme de « vulgaires fossés » portent gravement atteinte au maintien de ces habitats et ainsi au fonctionnement écologique global du cours d’eau et plus généralement des zones humides auxquelles ils appartiennent.
D’autre part les modifications du régime hydrique des cours d’eau (prélèvements d’eau en période d’étiage), se traduisant
par des kilomètres d’assec, ne sont pas pour favoriser le maintien de ces habitats qui vont être colonisés par des espèces moins hygrophiles plus compétitives. Par ailleurs, les faciès de l’habitat liés aux biotopes neufs ou perturbés – carrières inondées, fossés « nettoyés » – présentent une forte résilience à la pollution et aux brusques variations de milieux.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est assez rare à assez commun. Cependant le recalibrage des petits cours d’eau marqués par ailleurs par des assecs estivaux importants dans les secteurs à agriculture intensive sont à l’origine de la forte régression de ces habitats.

 

Gazons amphibies vivaces

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie- écologie

Les gazons amphibies des grèves sont des habitats héliophiles, liés à une alternance de périodes très humides allant jusqu’à la submersion et de périodes sèches parfois très prononcées. Ces types de gazons comprennent deux ensembles de formations végétales bien distinctes : les gazons amphibies non méditerranéens installés sur les grèves des pourtours d’étangs et de mares, et les gazons amphibies méridionaux des micro-dépressions et des mares temporaires sur corniches, dalles rocheuses et, plus rarement, ornières forestières inondées.
L’installation des gazons amphibies des grèves d’étangs nécessite que les bords soient en pente douce afin de permettre un marnage plus ou moins important. Il s’agit d’un gazon formé essentiellement de plantes vivaces dicotylédones et de ptéridophytes (Pilulaire à globules) très clairsemées uni- stratifiées, laissant ainsi la possibilité aux annuelles de venir pénétrer cet habitat. Les espèces végétales qui s’expriment dans ce type d’habitat sont très spécialisées, car elles doivent être adaptées à une alternance de périodes de submersion prolongées et de périodes d’assecs parfois importantes sur des substrats drainants, souvent oligotrophes, acides ou parfois basiques, à granulométrie grossière à fine (limon). La phénologie est souvent très tardive (fin d’été-automne) en relation avec les variations de la lame d’eau en été. Beaucoup d’espèces formeront des fleurs et des fruits lors de la période d’exondation (étiage).
Cet habitat présente une grande variabilité régionale liée à la texture du substrat et comprend :

  • une communauté à Scirpe des marais et Littorelle Eleocharo palustris-Littorelletum uniflorae et une communauté à Littorelle et Isoète à feuilles ténues Littorello uniflorae-Isoetetum tenuissimae sur substrats sableux siliceux (arènes granitiques ou gréseuses) non enrichis en matières organiques
  • une communauté à Pilulaire à globules Pilularietum globuliferae sur substrats limoneux non enrichis en matières organiques ;
  • une communauté à Scirpe flottant Scirpetum fluitantis , à Millepertuis des marais et Potamot à feuilles de renouée Hyperico elodis-Potametum polygonifolii ou à Scirpe à tiges nombreuses Eleocharitetum multicaulis sur substrats organiques plus ou moins inondés.
    Il existe par ailleurs des formes paucispécifiques de cet habitat représentées par les seules populations de la Littorelle uniflore.
    Les gazons amphibies méridionaux correspondent à des pelouses vivaces méso-hygrophiles installées au niveau de suintements et de sources sur roches granitiques ou gréseuses. Cet habitat est très localisé et se développe en mosaïque au sein de pelouses méso-xérophiles sous un climat thermo-atlantique. Les espèces qui composent cet habitat sont surtout des herbacées méso-hygrophiles dont des Ptéridophytes (Isoètes, ophioglosses) et des Bryophytes (hépatiques du genre Riccia et mousses des genres Bryum et Philonotis) avec un recouvrement variable mais formant souvent des pelouses ouvertes. La phénologie est plutôt printanière précoce, ces pelouses étant installées sur des sols squelettiques n’offrant aucune rétention d’eau possible ; les espèces végétales telles que l’Isoète épineux Isoetes histrix et l’Ophioglosse des Acores Ophioglossum azoricum développent leurs organes reproducteurs avant la dessiccation estivale. Lors de certaines années marquées par une forte sécheresse hivernale, cette végétation peut être totalement inexistante.
    En région Poitou-Charentes, cet habitat méditerranéen n’existe que sous une seule forme : la communauté intérieure thermo-atlantique à Isoète épineux, Cresson des Pyrénées et Ophioglosse des Açores Ophioglosso azorici-Isoetetum histricis .

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

LITTORELLETALIA UNIFLORAE Koch 1926

Elodo palustris-Sparganion (=Hydrocotylo vulgaris-Baldellion ranunculoidis) Br.-Bl. & Tüxen ex Oberdorfer 1957

  • Eleocharitetum multicaulis
  • Eleocharo palustris-Littorelletum uniflorae
  • Hyperico elodis-Potametum polygonifolii
  • Littorello uniflorae-Isoetetum tenuissimae
  • Pilularietum globuliferae
  • Scirpetum fluitantis

ISOETETALIA DURIEUI Br.-Bl. 1936
Isoetion durieui Br.-Bl. 1936 (=Ophioglosso lusitanici-Isoetion histricis)
Ophioglosso azorici-Isoetetum histricis

CORINE 1991*

22.31 Communautés amphibies pérennes non méditerranéennes (LITTORELLETATLIA)
22.34 Gazons amphibies méridionaux (ISOETALIA)

DH 1992

3110 Eaux stagnantes à végétation vivace oligotrophique planitiaire à collinéenne des régions atlantiques, des Littorelletea uniflorae
3120 Pelouses méso-hygrophiles oligotrophiques thermo-atlantiques à Isoète épineux et ophioglosses

Confusions possibles

Les gazons amphibies des grèves d’étangs et les gazons méridionaux sont des habitats très particuliers qui présentent peu de risques de confusion. La discrétion des pelouses à Isoètes et Ophioglosse rend parfois l’habitat difficilement repérable fondu dans la masse des pelouses méso-xérophiles voisines. L’identification peu aisée de l’Isoète épineux et le risque de confusion avec les jeunes pousses de Scille d’Automne peut rendre la lecture de la composition de cet habitat incomplète ou erronée.

Dynamique

Les gazons amphibies des grèves d’étangs sont assez stables car les conditions de ce type de milieu sont très contraignantes pour l’installation des végétaux non adaptés, notamment des espèces de roselières, potentielles à ce niveau. L’enrichissement du substrat en matières organiques peut conduire à des groupements plus turficoles.

La végétation des mares temporaires méditerranéennes est fortement liée au maintien des conditions hydriques du milieu. Ainsi, on peut observer de grandes variations inter annuelles tant au niveau spatial et qu’à celui de la composition spécifique (espèces à éclipse). Si les conditions deviennent plus sèches, l’habitat évoluera vers une forme de pelouses méso-xérophiles. D’autre part l’abandon des pratiques pastorales traditionnelles favorise l’envahissement du milieu par des espèces des landes sèches ou des fourrés à Prunellier et Ajonc d’Europe qui peuvent rapidement provoquer l’extinction de l’habitat.

En règle générale la sécheresse estivale et la faible profondeur du sol induisent une évolution relativement lente de ce type de groupement.

Espèces indicatrices

[plante2] Apium inundatum, Baldellia ranunculoides, Eleocharis acicularis, Eleocharis multicaulis, Eleogiton fluitans, Hypericum elodes, *Isoetes histrix, *Isoetes velata subsp. tenuissima, *Juncus heterophyllus, *Littorella uniflora, *Luronium natans, *Marsilea quadrifolia, *Ophioglossum azoricum, *Pilularia globulifera, *Ranunculus nodiflorus, *Ranunculus ololeucos
[plante1] *Briza minor, Chamaemelum nobile, *Illecebrum verticillatum, Moenchia erecta, Montia fontana subsp. chondrosperma, Ranunculus paludosus, Rorippa stylosa, Scilla autumnalis
[briophytes] Amblystegium riparium, Bryum alpinum, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Philonotis fontana, Riccia beyrichiana

Valeur biologique

Les gazons amphibies non méditerranéens des grèves d’étangs tout comme les gazons amphibies méditerranéens présentent une valeur patrimoniale régionale très élevée. Les gazons amphibies des grèves sont des habitats rares et spécialisés, pouvant abriter des espèces végétales rares et menacées, présentant un statut de protection au niveau européen (Marsilea quadrifolia, Luronium natans), national (Pilularia globulifera, Isoetes velata subsp. tenuissima..) ou régional (Ranunculus ololeucos).
Les gazons amphibies méditerranéens sont des habitats originaux très localisés et concentrés sur de petites surfaces. Ce sont des habitats abritant des espèces végétales rares et menacées, notamment des ptéridophytes, bénéficiant d’un statut de protection au niveau européen comme l’Ophioglosse des Açores (inscrit également comme taxon prioritaire sur le Livre Rouge de la Flore Menacée de France) ou national comme l’Isoète épineux et la Littorelle.

Menaces

Les menaces qui pèsent sur ces milieux sont surtout de nature anthropique. Les activités de loisirs et de tourisme qui existent souvent autour des plans d’eau nuisent à la conservation de ces formations amphibies par la stabilisation des niveaux d’eau et le piétinement intensif des rives qu’elles induisent. La pisciculture de plus en plus intensive entraîne une eutrophisation du milieu (apports de matières nutritives, nitrates, phosphates, biocides…). Une surpopulation de poissons fouisseurs tels que les carpes et tanches provoque une turbidité importante et constante des eaux anéantissant pratiquement toute végétation immergée. Le reprofilage des berges en pentes abruptes signifie la destruction totale de l’habitat et l’impossibilité pour celui-ci de pouvoir recoloniser le milieu.
Quant aux gazons amphibies méridionaux, leur préservation est souvent mise en péril par des projets liés à l’urbanisation, la surfréquentation (tourisme, loisirs) entraînant un piétinement important, le développement de sport en pleine nature (quads, moto-cross, 4×4, VTT…) et par une dynamique naturelle de la végétation après l’abandon du pastoralisme. D’autre part, les apports en matières organiques, en modifiant les conditions d’oligotrophie, risquent de conduire à la disparition des plantes typiques de l’habitat au profit d’espèces végétales nitrophiles plus compétitives.

Statut régional

Habitat rare et en régression, plus fréquent toutefois dans les Deux-Sèvres (partie armoricaine), le sud de la Vienne (étangs) et le nord-est de la Charente. Les pelouses à Isoète et Ophioglosse sont extrêmement localisées et ne couvrent que quelques ares pour tout le Poitou-Charentes.

Les sites les plus remarquables :

16 : étang des Sèches, étang de Nieul
17 : landes de Montendre, bois au sud de Rochefort
79 : vallées autour d’Argenton-Château, étangs de la Gâtine
86 : étangs d’Asnières-sur-Blourde, de la Puye, de Saint-Léomer, vallée de la Gartempe à Lathus

 

Dépressions inondées à utriculaires

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat occupe de petites dépressions naturelles ou des fosses issues d’une ancienne exploitation de tourbe, au sein de marais acides ou neutro-alcalins. Plus rarement, il existe aussi dans des mares creusées lors de l’extraction de matériaux minéraux (meulière, pierres calcaires…). Les communautés végétales associées sont donc peu exigeantes vis-à-vis de la minéralisation du substrat. Il s’agit d’habitats couvrant en général de faibles superficies, dont l’optimum écologique est atteint lorsque la lame d’eau est peu profonde (environ 30 cm) et que le niveau de trophie se situe entre des conditions oligotrophes et mésotrophes. Les eaux sont souvent de couleur brune car relativement riches en acide humique (dystrophie) sur un substrat qui peut être vaseux ou tourbeux. Les mares où prospère l’habitat, bien exposées au soleil, peuvent subir parfois des assèchements estivaux sans que cela nuise toutefois à sa pérennité dès lors que ceux-ci ne sont pas trop prononcés. La végétation est généralement pauvre en espèces et présente une certaine variabilité physionomique liée à la minéralisation du substrat. Le recouvrement, en général faible, est structuré par des végétaux supérieurs de petite taille, rampants et dominant un tapis bryophytique plus ou moins dense.
En Poitou-Charentes, on distingue 3 communautés végétales différentes. L’une d’entre elles est plutôt acidiphile et supporte des pH relativement bas (pH=4). Cette communauté composée de sphaignes (Sphagnum cuspidatum) et d’utriculaires (U. minor et U. australis) est caractéristique des mares acides, des dépressions et des chenaux des tourbières acides à sphaignes ( Sphagno cuspidati-Utricularietum minoris ).
Les 2 autres communautés s’expriment lorsque les conditions du substrat sont plutôt neutro-alcalines (jusqu’à pH=8). Elles se rencontrent généralement au sein des mares, des étangs, des dépressions ou fosses de tourbage et des bas marais alcalins. Lorsque le substrat est peu acide, oligo-mésotrophe et riche en acide humique, on rencontrera plutôt des communautés à Rubanier nain (Sparganium minimum) et Utriculaires (Utricularia minor et U. australis) ( Sparganietum minimi ). En revanche s’il s’agit de mares ou dépressions situées au sein de bas-marais alcalins, donc en conditions plus basiques, on notera plutôt la présence de communautés à Petite Utriculaire (Utricularia minor) et à bryophytes pleurocarpes des genres Calliergonella, Drepanocladus ou Scorpidium ( Scorpidio scorpidioidis-Utricularietum minoris) .

Phytosociologie et correspondances typologiques

Utricularietea intermedio-minoris Pietsch ex Krausch 1968

Utricularietalia intermedio-minoris Pietsch ex Krausch 1968

  • Communautés acidiphiles :
    Sphagno cuspidati-Utricularion minoris Müller & Görs 1960
  • Communautés neutro-alcalines :
    Scorpidio scorpidioidis-Utricularion minoris Pietsch ex Krausch 1968

COR 1991

22.45 Mares de tourbières à sphaignes et utriculaires

Directive Habitats 1992
3160 Mares dystrophes naturelles

Confusions possibles

Les mares dystrophes à utriculaires peuvent être confondues avec d’autres communautés à utriculaires (Utricularia vulgaris, Utricularia australis) qui font partie de l’alliance phytosociologique de l’Hydrocharition des mares et lacs eutrophes. Ces dernières s’expriment dans des eaux verdâtres à gris sale plus ou moins troubles, pauvres en acides humiques, plus profondes et avec des niveaux de trophie plus importants (eaux méso-eutrophes).
Le cortège floristique est très différent de celui des mares dystrophes naturelles ou dépressions inondées à utriculaires et inclut en général des espèces des communautés à potamots (Potametea). L’habitat correspond alors aux « Plans d’eau eutrophes avec dominance de macrophytes submergés » (COR 22.12 & 22.13 X 22.41 et EUR 3150).

Dynamique

Il s’agit d’un habitat relativement stable présentant une dynamique naturelle lente lorsqu’il se trouve au sein de dépressions naturelles de tourbières acides ou neutro-alcalines. En revanche lorsqu’il s’agit d’anciennes fosses d’extraction (de tourbe) ou de chenaux artificiels, la colonisation par des bryophytes, divers hélophytes tels que les Carex spp., Juncus spp., Cladium mariscus et finalement par les ligneux (Salix spp.) est possible et peut conduire à la disparition du groupement au profit d’autres formations végétales. En règle générale, la sécheresse estivale et la faible profondeur du sol induisent toutefois une évolution relativement lente de ce type de groupement.

Espèces indicatrices

[plante2] *Sparganium minimum, *Utricularia australis, *Utricularia intermedia, *Utricularia minor
[odonates] Cordulia aenea, Leucorrhinia albifrons, Leucorrhinia caudalis, Leucorrhinia pectoralis, Libellula quadrimaculata, Somatochlora flavomaculata, Somatochlora metallica
[briophytes] Amblystegium riparium, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Drepanocladus lycopodioides, Scorpidium scorpidioides, Sphagnum spp.

Valeur biologique

Les mares dystrophes naturelles ou dépressions inondées à utriculaires sont des habitats souvent relictuels et originaux, encore très mal connus dans la région. Ils abritent une flore spécialisée dont la plupart des espèces caractéristiques sont rares et menacées. Leur intérêt pour les amphibiens est élevé car elles sont généralement peu propices aux poissons (faible profondeur, assèchement estival, déconnexion du réseau hydraulique). Par ailleurs, ce sont des habitats pour un certain nombre d’espèces d’insectes dont les larves sont aquatiques telles que les odonates. Certains d’entre eux sont caractéristiques des milieux oligotrophes

Menaces

Les menaces qui pèsent sur cet habitat sont plus d’origine anthropique que liées à la dynamique propre de la végétation.
La modification des conditions hydriques (drainage, diminution du niveau des nappes de surface …) et du niveau trophique par apports de matières nutritives (nitrates, phosphates, matières organiques …) a un impact très négatif sur l’habitat. Les projets de pisciculture ou d’équipements de loisirs qui visent souvent à une rentabilisation économique des zones humides ont en général des conséquences drastiques sur cet habitat très fragile par les aménagements qu’ils supposent.

D’autre part, le cortège floristique de l’habitat comprend essentiellement des plantes peu compétitives telles que les utriculaires, soumises très facilement, notamment à basse altitude, à l’invasion par des espèces végétales moins spécialisées mais plus adaptables.

Photo (c) J. Terrisse

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, cet habitat est très rare, très localisé et n’occupe que des surfaces infimes.

Les sites les plus remarquables :

16 : Double charentaise
17 : landes de Montendre (mares de Corignac), landes de Cadeuil
86 : mares du Pinail, fosses de tourbage de la vallée de la Dive du Nord, étangs du sud-est du département

 

Végétation des sources

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie-écologie

Les sources sont les lieux de résurgence des eaux douces souterraines. Les infiltrations d’eau stockée dans les nappes phréatiques ressurgissent spontanément sous forme de sources lorsque des couches imperméables du sous-sol affleurent à la surface ou lorsque les roches qui le constituent présentent des anfractuosités ou une porosité permettant l’écoulement de l’eau vers un niveau inférieur. En fonction de la géologie locale et du relief, la physionomie des sources peut prendre la forme de sources jaillissantes (résurgences à écoulement rapide issues des failles souvent profondes), de suintements (ruissellement ou écoulement plus lents dus à des fissures plus petites ou à la porosité de la roche), de mouillères, de bourbiers, de mares ou de marécages (submersion de la source ou émergence de l’eau dans une zone de dépression naturelle). Dans la région, la majorité des sources ont néanmoins été aménagées en lavoirs ou en abreuvoirs, ou sont l’objet de captages et ont, de ce fait, perdu en partie leur aspect naturel et leur intérêt biologique.

Sortant des profondeurs du sous-sol, l’eau des sources est souvent fraîche et claire, appauvrie en oxygène et en matière organique (oligotrophe à mésotrophe) et est peu soumise aux variations de la température externe, ce qui crée, localement, des conditions microclimatiques relativement constantes. Elle présente ainsi plusieurs caractères propres, propices à l’expression d’une biodiversité spécialisée que l’on regroupe dans un habitat élémentaire unique « Végétation des sources ». Néanmoins, selon la nature de la roche qui compose le sous-sol ou du substrat sur lequel elle s’écoule, cette eau peut être naturellement peu chargée en éléments minéraux dissous (source d’eau douce) ou au contraire, être très minéralisée (source d’eau dure), ce qui constitue le principal critère de différenciation entre les sources et permet de dissocier les associations végétales présentes dans ces eaux ou au contact direct de celles-ci. D’autres caractéristiques biotiques qui influencent la composition des groupements sont ensuite retenues pour différencier certaines sources à l’intérieur de ces deux grandes catégories comme par exemple l’éclairement (sources prairiales/infra-forestières) et, accessoirement, la vitesse d’écoulement de l’eau ou sa stagnation.

On distingue ainsi plus précisément :

  • les sources d’eau neutre ou acide, généralement pauvre en bases et oligotrophe, plus rarement enrichie en nitrates et en phosphates (eutrophe), émergeant des roches imperméables (granit, gneiss, schistes cristallins) et des substrats acides (sables et argiles siliceuses), souvent à l’origine de la formation de rus ou de ruisselets, présentes principalement sur les têtes de bassins versants que constituent les socles primaires de la Gâtine des Deux-Sèvres et des parties orientales de la Vienne et de la Charente.

    La végétation des sources d’eau douce est constituée par des phanérogames vivaces, majoritairement des amphiphytes continentales, et par des bryophytes aquatiques formant des massifs ou des tapis plus ou moins denses sur les zones de suintement ou de stagnation des eaux ainsi que sur les marges des sources jaillissantes (ruisselets). Les phanérogames sont représentées par deux cortèges distincts. Le premier, qui regroupe les espèces héliophiles parmi lesquelles la Montie des fontaines Montia fontana subsp. amporitana, la Renoncule à feuille de lierre Ranunculus hederaceus ou le Populage des marais Caltha palustris, se localise de préférence au sein de milieux ouverts (prairies marécageuses, chemins fangeux, bords dégagés des ruisseaux, mouillères…). En conditions franchement plus sombres ou semi-sciaphiles (bois humides ou berges ombragées), il est remplacé par un autre cortège qui englobe la Dorine à feuilles opposées Chrysosplenium oppositifolium, la Stellaire des bourbiers Stellaria alsine ou la Cardamine flexueuse Cardamine flexuosa. Toutes ces espèces indicatrices sont généralement accompagnées par des peuplements de mousses (Fontinalis sp.) pouvant parfois être dominants, voire exclusifs ;

  • les sources d’eau calcaire, plus ou moins fortement minéralisée (carbonate de calcium), généralement oligotrophe, émergeant des couches sédimentaires, perméables et solubles, qui réapparaît en raison de la porosité de la roche ou de sous couches imperméables (argiles, dépôts de graviers et de sable, assises gréseuses), cantonnées sur les plateaux calcaires du Bassin aquitain et du Bassin parisien et marquées par une très forte originalité (sources pétrifiantes ou incrustantes).

    La végétation des sources d’eau dure est constituée pour l’essentiel de mousses et d’algues très spécialisées. Ces végétaux, formant des tapis plus ou moins recouvrants, participent activement à la fixation du carbonate de calcium en piégeant le gaz carbonique de l’eau. La réaction physico-chimique qu’ils favorisent conduit à la formation de tuf (dépôts calcaires non consistants) ou de travertins (roche calcaire devenue dure). De telles formations se localisent sur les affleurements ou les parois rocheuses calcaires en situation d’humidité constante (couverts forestiers, zone d’abris sous roche). Quelques phanérogames (des Carex) ou cryptogames (des Equisetum) parviennent à investir cet habitat mais ils ne forment en général qu’une strate herbacée très clairsemée.

Les eaux de sources sont également colonisées par des micro-organismes et par de nombreuses espèces animales, adaptées et dépendantes des facteurs hydriques et microclimatiques que confère l’habitat. Parmi les groupes d’espèces les plus représentatifs figurent des invertébrés aquatiques (crénobiontes) ou des escargots d’eau douce (Bytinella), qui se sont spécialisés pour tirer profit des conditions spécifiques de ces niches écologiques à l’exemple de certains qui exploitent les anfractuosités des rochers ruisselants (fauna hygropetrica).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004 :

  • MONTION FONTANAE – CARDAMINETEA AMARAE– Br.-Bl. et Tüxen ex Klika et Hadäc 1944
    • Cardamino amarae-Chrysosplenietalia alternifolii Hinterlang 1992 : communautés sur substrats carbonatés à humo-tourbeux acides
      • Pellion endiviifoliae Bardat et al. prov. : peuplements dominés par des Hépatiques à thalle des sources neutro-alcalines
      • Riccardio pinguis-Eucladion verticillati Bardat et al.prov. : communautés thermophiles, à Bryophytes tufigènes, sur sols riches en calcium
      • Caricion remotae Kästner 1941 : communautés collinéennes, intra-sylvatiques, dominées par des Phanérogames
    • Montio fontanae-Cardaminetalia amarae Pawlovski 1928 : communautés sur substrats siliceux
      • Epilobio nutantis-Montion fontanae Zechmeister 1994 : communautés collinéennes acidiclines à neutrophiles, héliophiles

COR 1997 :

  • 54. 11 Sources d’eaux douces pauvres en bases
  • 54. 12 Sources d’eaux dures

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats :

7220 « Sources pétrifiantes avec formation de travertins »

Confusions possibles

En présence des espèces indicatrices constituées par les phanérogames, l’habitat des sources d’eau douce est plus facilement identifiable mais il devient particulièrement difficile à repérer lorsque les espèces constitutives sont des bryophytes uniquement. Qui plus est, les espèces héliophiles, qui constituent l’occurrence la moins rare de l’habitat, sont peu nombreuses, souvent en peuplements monospécifiques et généralement discrètes, à l’exception du Populage des marais dont la floraison précoce est souvent massive mais qui peut simplement indiquer la présence d’une prairie humide (37.25). En outre, il peut aussi être confondu avec les communautés flottantes, bien plus courantes et moins exigeantes, qui se développent en général au voisinage immédiat des sources et qui constituent l’habitat élémentaire « Petits hélophytes des eaux dormantes ou courantes » (53.4, classe des GLYCERIO – NASTURTIETEA). Le risque de confusion est accentué par les ressemblances morphologiques qui existent entre la Renoncule à feuille de lierre Ranunculus hederaceus, espèce indicatrice, et la Renoncule de Lenormand Ranunculus omiophyllus, qui est plus souvent rattachée à cet autre habitat.

Néanmoins, la physionomie générale de l’habitat générique (lieux d’émergence des eaux souterraines) et l’attention particulière portée à la détermination des espèces indicatrices ou au contraire discriminantes, permettront dans la plupart des situations de dissocier les habitats élémentaires qui coexistent parfois sur les zones de sources. Le faciès constitué par les espèces plus ou moins sciaphiles est quant à lui plus facilement identifiable de par la taille et la morphologie des espèces constitutives.

Enfin, bien qu’il soit autant disséminé que le précédent et de superficie encore plus modeste, l’habitat des sources d’eau dure ne peut être confondu. La formation de dépôts de tufs ou de travertins sur les suintements rocheux permet en général son identification parmi les autres habitats élémentaires qui peuvent être présents sur le même milieu comme par exemple ceux des bas marais alcalin (54-2), des pelouses calcicoles (34.32) ou encore des dalles rocheuses calcaires (62.3)

Espèces indicatrices

[plante2] Callitriche stagnalis, Caltha palustris, Cardamine flexuosa, Carex panicea, Carex remota, *Carex strigosa, *Chrysosplenium oppositifolium, Equisetum palustre, Equisetum telmateia, Juncus articulatus, Juncus bulbosus, *Lysimachia nemorum, *Montia fontana subsp. amporitana, *Ranunculus hederaceus, Ranunculus repens, *Stellaria alsine
[plante1] Apium nodiflorum, *Catabrosa aquatica, Epilobium obscurum, Glyceria fluitans, *Impatiens noli-tangere, Myosotis scorpioides, Nasturtium officinale, *Pinguicula vulgaris, *Ranunculus omiophyllus, Veronica beccabunga, Veronica montana
[briophytes] sources et suintements d’eau calcaire : Amblystegium tenax, Bryum pseudotriquetrum, Conocephalum conicum, Cratoneuron filicinum, Eucladium verticillatum, Pellia endiviifolia, Rhynchostegium riparioides Riccardia pinguis
sources et suintements d’eau neutre ou acide : Bryum alpinum, Bryum pseudotriquetrum, Campylium polygamum, Drepanocladus aduncus, Pellia epiphylla, Philonotis fontana
[poissons] Gasterosteus aculeatus
[mollusques] Bythinella ferussina, B. jourdei, B. vimperi, B. warwzineki, B. turriculata, Islamia moquiniana, Physa fontinalis
[orthopteres] Pteronemobius heydenii
[odonates] Calopteryx virgo, Coenagrion mercuriale, Cordulegaster boltoni

Dynamique

Les formations qui se développent au contact des sources d’eau douce sont naturellement instables et dépendantes des facteurs écologiques très stricts qui caractérisent l’habitat. De ce fait, elles constituent souvent des microsites au sein de milieux d’une surface bien plus importante et toute perturbation portant, par exemple, sur la température, la clarté, la qualité ou l’écoulement de l’eau, conduira automatiquement au remplacement des associations ou des espèces caractéristiques par des formations moins exigeantes. En revanche, lorsque les conditions nécessaires à l’expression de l’habitat se maintiennent durablement, la dynamique végétale, qui résulte de l’apport progressif de matières organiques, peut permettre l’apparition de Sphaignes et d’habitats très intéressants comme la lande humide ou la tourbière acide.

Les sources d’eau dure, pétrifiantes ou incrustantes, sont en revanche plus stables. Le processus de fixation du calcaire peut être accéléré par le développement d’algues ou de bactéries ou au contraire peut ne pas intervenir et favoriser le maintien durable des populations de mousses.

Valeur biologique

Les sources naturelles constituent des biotopes originaux et ponctuels qui occupent de très petites surfaces à l’échelle régionale. Elles subissent par ailleurs une très forte pression anthropique du fait de l’utilisation humaine et agricole de cette ressource en eau.
Cela explique pourquoi, d’un point de vue floristique, les espèces de cet habitat, dont certaines comme le Populage des marais étaient autrefois assez communes, se sont aujourd’hui raréfiées, la plupart d’entre elles étant même fortement menacées de disparition, et avec elles, la plupart des espèces faunistiques très spécialisées qui en dépendent.
Pour ces raisons, quelle que soit l’espèce ou l’association végétale présente – formation des eaux acides, neutres, ou basiques – elle représente en soi un habitat très rare et très localisé en Poitou-Charentes.
A ce titre, de nombreuses espèces végétales caractéristiques de l’habitat sont inscrites sur la Liste Rouge Régionale – Ranunculus hederaceus, Montia fontana ssp. fontana, Chrysosplenium oppositifolium, Stellaria alsine -, ce qui lui confère une valeur patrimoniale élevée.

Menaces

Les menaces qui portent sur les formations végétales des sources sont nombreuses et pratiquement toutes d’origine humaine. En premier lieu, l’ensemble des causes qui influencent le débit ou l’écoulement naturel de l’eau ou qui altèrent sa température et sa qualité telles que le pompage excessif des nappes phréatiques à des fins de consommation, d’irrigation ou d’arrosage, la mise en culture des zones de sources (drainage ou assèchement) ou au contraire leur aménagement pour contenir l’eau (création de réservoirs, d’étangs ou de lavoirs). Les plantations de peupleraies participent aussi à la régression importante de la végétation typique des sources et des suintements et, plus marginalement, l’exploitation des carrières calcaires ou le piétinement excessif des sources pétrifiantes (loisirs) ou prairiales (bétail).

La conservation de cet habitat passera avant tout par le maintien de la fonctionnalité écologique globale de la source dont l’objet est de pérenniser l’écoulement et d’assurer une qualité suffisante de l’eau.

Statut régional

L’habitat est très disséminé sur l’ensemble de la région :

  • en pays calcaires, la plupart des sources ont été captées ou aménagées (lavoirs, fontaines), entraînant une très forte artificialisation de l’habitat ;
  • les sources acides des terrains primaires (nord 79, frange orientale de 16 et 86), plus nombreuses à l’origine, sont un peu moins rares, surtout celles liées aux prairies pâturées. Le faciès intra-forestier de l’habitat est en définitive celui qui offre encore aujourd’hui les cortèges les plus typiques et les moins appauvris.

Quatre espèces caractéristiques des suintements et ruisselets intra-forestiers

 

Lit mineur des rivières (et végétation immergée associée)

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les rivières du Poitou-Charentes sont des rivières de plaine, c’est-à-dire assez peu soumises à de forts courants et à des reliefs ou déclivités importants. La largeur et la profondeur des cours d’eau sont plutôt réduites au niveau des têtes de bassin et plus importantes au niveau des zones moyennes et inférieures des cours d’eau.

Les cours d’eau de la région se partagent entre deux grands bassins hydrologiques : bassin de la Loire (Vienne, Creuse, Sèvre-Niortaise…) et bassin de l’Adour-Garonne (Charente, Seudre…). Du nord au sud, la Sèvre-Niortaise, la Charente, la Seudre et la Gironde sont les quatre seuls fleuves de la région à se jeter dans l’océan au niveau de la façade atlantique picto-charentaise.

Les ruisselets et ruisseaux de tête de bassin ont généralement un courant, sont plutôt étroits (moins de 5 mètres de large), leur fond est constitué de gros matériaux rocheux (graviers, roches, galets…), l’eau y est plutôt claire avec peu de matières en suspension et encore bien oxygénée (Epipotamon, zone à Ombre). Ces petits cours d’eau deviennent très ombragés lorsque la ripisylve est bien développée. En contexte de grandes cultures, les ruisseaux, autrefois sinueux, ont été souvent recalibrés et ressemblent aujourd’hui à de vulgaires fossés, à tel point qu’ils ne sont plus considérés comme des cours d’eau par la population locale et par le monde agricole. Des herbiers à Ache nodiflore (Heliosciadum nodiflorum) et à Cresson (Nasturtium officinale) tapissent parfois abondamment la surface de ces cours d’eau. Les ruisselets, d’abords simples, rejoignent leurs affluents jusqu’à former des rivières larges (5 mètres et plus) et profondes, le courant est plus lent et le fond, formé de dépôts sédimentaires et alluvionnaires, présente une granulométrie plus fine (sables, vase). La température estivale est plus importante (<20°C), le niveau d’oxygénation faible et l’eau contient de nombreuses matières organiques en suspension. La ripisylve, lorsqu’elle est encore présente, fournit de l’ombrage au pied de la berge seulement et le reste du cours d’eau est généralement ensoleillé. Les rivières sont de plus en plus importantes au fur et à mesure que l’on se rapproche de la confluence avec le fleuve. Les dépôts alluvionnaires sont parfois si abondants que des bancs de sables ou de graviers peuvent se former. En fonction de la dynamique fluviale et donc de la capacité d’érosion du cours d’eau, une végétation pionnière va pouvoir s’installer sur ces bancs de sable. Lorsque l’île se fixe définitivement, les premiers ligneux (saules arbustifs) s’installent et préparent le développement d’une future forêt alluviale.

Le courant des rivières de plaine peut être hétérogène au sein d’un même cours d’eau. Ainsi se succèdent naturellement des zones de radiers peu profondes, avec un substrat décapé à granulométrie grossière (roches, galets) et un courant plutôt fort sélectionnant des espèces animales et végétales rhéophiles, et des zones de courant plus lent, profondes, à fond plutôt sablo-limoneux (vases). Les obstacles (roches, herbiers…) canalisent le courant et permettent l’existence de zones d’eaux plus calmes.
La variation de la composition spécifique des végétations de rivière est principalement liée au niveau de trophie de l’eau, celle-ci augmentant généralement selon un gradient amont/aval : les ruisseaux de tête de bassin sont généralement pauvres en éléments nutritifs, alors que les grandes rivières ont un niveau trophique plutôt élevé.

Quatre principaux types de végétation sont ainsi classiquement distingués en fonction de leur exigences trophiques :

  • la végétation acidiphile des eaux oligotrophes à mésotrophes : les rivières dont les eaux sont acides à neutres s’écoulent généralement sur des roches siliceuses (schistes, granite, grès…) et se caractérisent par des herbiers peu denses à Callitriche hamulata, Potamogeton polygonifolius, Myriophyllum alterniflorum, Ranunculus penicillatus, accompagnés d’une algue rouge (Batrachospermum spp.), jusqu’au sein des petits ruisselets et ruisseaux des têtes de bassin. De nombreuses espèces de bryophytes colonisent les rochers inondables. Cette végétation peut présenter des variations en fonction de l’éclairement, la topographie, la granulométrie du substrat, la taille du cours d’eau et du degré d’oligotrophie plus ou moins prononcé.
  • la végétation des eaux claires, riches en bases (calcaire) : elle se caractérise par la présence d’espèces ne supportant pas la turbidité de l’eau (espèces oligosaprobes) telles que Berula erecta, Callitriche obtusangula, Nasturtium officinale, Helosciadium nodiflorum, Sparganium emersum avec les algues Chara vulgaris et Nitella mucronata. Une mousse, Cratoneuron filicinum, colonise les pierres émergées. Cette végétation s’organise en herbiers denses, étagés sur plusieurs strates. A noter que les formes submergées de certaines espèces amphibies, telles que la Menthe aquatique Mentha aquatica, la Berle Berula erecta, le Myosotis des marais Myosotis scorpioides, la Sagittaire Sagittaria sagittifolia se mélangent volontiers aux herbiers. Avant l’arrivée des ragondins dans notre région, cette végétation était dominée par des massifs denses de Scirpe lacustre, Schoenoplectus lacustris.
  • la végétation des eaux mésotrophes : en contexte neutre à basique, les herbiers des ruisseaux et ruisselets sont composés de végétaux supérieurs (phanérogames) comme Ranunculus penicillatus et Callitriche platycarpa, alors que les bryophytes sont principalement représentées par Fontinalis antipyretica. Cet ensemble peut se trouver en mélange avec des stades végétatifs d’espèces amphiphytes telles que Mentha aquatica fa. submersa, Ranunculus peltatus, R. trichophyllus.
  • la végétation des eaux eutrophes : dans les rivières larges, très éclairées, elle se développe surtout au niveau des radiers, où le courant s’accélère ; elle est constituée d’herbiers très denses, remarquablement fleuris à Renoncule flottante, Ranunculus fluitans, accompagnée par des plantes plus discrètes, telles que Myriophyllum spicatum et Potamogeton nodosus. Dans les zones à courant plus lent, s’ajoutent d’autres plantes comme Ceratophyllum demersum et Nuphar lutea, accompagnées par des espèces amphibies comme Nasturtium officinale ou Veronica beccabunga et malheureusement, depuis peu, par deux plantes invasives, Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides. Ces strates peuvent être complétées par une strate épiphytique supplémentaire composée d’algues (algues filamenteuses), parfois fortement développée.

Chacun de ces types de végétations peut connaître une variabilité importante en fonction de l’éclairement, de la topographie, de la granulométrie, de la mobilisation du fond de la rivière, de l’écoulement et du courant.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

  • POTAMETEA PECTINATI Klika in Klika & Novák 1941
    • Batrachion fluitantis Neuhäusl 1959 : communautés submergées des eaux courantes, oligotrophes et oligocalciques à eutrophes et calciques

CORINE 1991

  • 24.14 Zone supérieure (épipotamon) des rivières de plaine. Zone à Barbeau
  • 24.15 Zone moyenne et inférieure (métapotamon et hypopotamon) des rivières de plaine. Zone à Brème
  • 24.16 Cours d’eau intermittents
  • 24.21 Bancs de graviers sans végétation
  • 24.22 Bancs de graviers végétalisés
  • 24.31 Bancs de sables sans végétation
  • 24.32 Bancs de sables végétalisés
  • 24.51 Vases alluviales dépourvues de végétation
  • 24.41 Végétation des rivières oligotrophes acidiphiles (Myriophyllum alterniflorum, Callitriche hamulata)
  • 24.42 Végétation des rivières oligotrophes riches en calcaire (Potamogeton coloratus…)
  • 24.43 Végétation des rivières mésotrophes (Berula erecta, Groenlandia densa, Callitriche obtusangula)
  • 24.44 Végétation des rivières eutrophes (Ranunculus fluitans, Myriophyllum spicatum)

Directive Habitats 1992

  • 3260 Rivières des étages planitiaire à montagnard avec végétation du Ranunculion fluitantis et du Callitricho-Batrachion
    • 3260-1 Rivières (à Renoncules) oligotrophes acides
    • 3260-2 Rivières oligotrophes basiques
    • 3260-3 Rivières à Renoncules oligo-mésotrophes
      à méso-eutrophes, acides à neutres
    • 3260-4 Rivières à Renoncules oligo-mésotrophes
      à méso-eutrophes, neutres à basiques
    • 3260-5 Rivières eutrophes (d’aval), neutres à basiques,
      dominées par des Renoncules et des Potamots
    • 3260-6 Ruisseaux et petites rivières eutrophes
      neutres à basiques

Confusions possibles

La construction de barrages et de seuils sur certaines rivières rendent les eaux stagnantes ou très faiblement courantes, ce qui permet parfois le développement d’herbiers d’espèces végétales caractéristiques des milieux stagnants telles que les mares et les étangs. Les confusions restent possibles quant à l’identification des différentes déclinaisons de cet habitat (herbiers) en raison du continuum de niveau trophique existant au sein d’un hydrosystème. Enfin, lorsque les espèces caractéristiques sont faiblement représentées au sein du groupement la caractérisation de l’habitat peut se révéler difficile.

Dynamique

Cet habitat est généralement stable et régulé par les variations saisonnières du débit des cours d’eau. Ces variations vont en effet rajeunir chaque année le milieu par arrachage des espèces liées à une forte dynamique fluviale. Lorsque cette dernière s’amoindrit, les bancs de sable ont tendance à se fixer et se végétaliser, constituant une île sur laquelle les ligneux vont pouvoir progressivement s’installer pour constituer une forêt alluviale. La modification de certains facteurs (éclairement, profondeur,
écoulement, qualité de l’eau…) liée souvent aux activités humaines qui ont cours au niveau du bassin versant (eaux de ruissellement chargées en matières nutritives, notamment azotées, seuils de moulins, pompage, arrachage des haies, drainage…) peut conduire des groupements végétaux oligotrophes ou mésotrophes vers un groupement végétal caractéristique d’un niveau trophique supérieur (eutrophe), généralement moins original.

Valeur biologique

Les herbiers sont composés généralement d’espèces végétales assez communes à communes, mais sont à l’origine d’une partie importante de la diversité biologique de la rivière. En effet, cet habitat permet le développement parfois important de nombreux insectes aquatiques liés à la rivière. Il constitue un abri et un habitat d’alimentation pour les poisons. Les rivières constituent l’habitat de vie indispensable pour de nombreuses espèces animales telles que les poissons mais aussi, pour certains mammifères (Castor, Loutre, Campagnol amphibie…), les libellules des eaux courantes, des insectes aquatiques (trichoptères, plécoptères, éphéméroptères, diptères…), des crustacés (décapodes, écrevisses, branchiopodes…), des mollusques (limnées, bivalves), des vers de vase, etc…

Les bancs de sable ou de graviers sont le support favorable à l’installation d’une végétation rare et originale tels que les gazons amphibies des grèves et des vases (végétation à littorelle, végétation à Bidens, etc…).
Une fois fixés suite à l’installation d’une végétation pionnière arbustive (saules arbustifs par exemple) qui va résister à la dynamique fluviale, ces bancs de sables peuvent constituer des îles propices au développement des ligneux constituant les forêts alluviales, un type d’habitat menacé au niveau européen.

Menaces

La régularisation des cours d’eau modifiant ainsi leur régime hydrologique et leur cycle annuel (étiage, crues,…) est de nature à perturber leur fonctionnement écologique. Cette régularisation est souvent la conséquence de la présence de seuils ou de petits barrages, de canalisation, de la rectification et de la simplification des petits cours d’eau, l’imperméabilisation des berges, le bétonnage, le soutien d’étiage (par des retenues d’eau collinaire), le drainage de surfaces agricoles, les pompages dans le lit mineur et en nappe alluviale, etc.

L’apport intensif de produits phytosanitaires et d’engrais au niveau du bassin versant d’une rivière est souvent à l’origine d’une eutrophisation excessive, qui constitue une forme de pollution de la rivière. Cela se traduit par une banalisation des espèces animales et végétales, donc par un appauvrissement de la vie de la rivière.

Enfin la présence d’espèces envahissantes telles que la Jussie peut fortement nuire au fonctionnement écologique des petits cours d’eau, en privant les communautés animales et végétales aquatiques de lumière et d’oxygène.

Espèces indicatrices

[plante2] Berula erecta fa. submersa, Callitriche hamulata, Callitriche obtusangula, Callitriche platycarpa, Ceratophyllum demersum, Elodea canadensis, (Elodea nuttalii), Glyceria fluitans fa fluitans, Groenlandia densa, Mentha aquatica fa. submersa, *Myriophyllum alterniflorum, M. spicatum, P. berchtoldii, *P.coloratus, Potamogeton nodosus, P. pectinatus, *P. perfoliatus, Potamogeton polygonifolius, Ranunculus aquatilis, *Ranunculus fluitans, Ranunculus peltatus, Ranunculus penicillatus ssp.pseudofluitans, Ranunculus trichophyllus, Sparganium emersum fa. longissimum, Zanichellia palustris
[plante1] Apium nodiflorum, Butomus umbellatus fa. fluitans, Callitriche stagnalis, Eleogiton fluitans, Juncus bulbosus, (Ludwigia peploides), (L.grandiflora), *Luronium natans, Myosotis gr.scorpioides, Nasturtium officinale, Nuphar lutea, Phalaris arundinacea, Potamogeton crispus, Schoenoplectus lacustris fa. fluitans, Sparganium erectum ssp. erectum
[briophytes] Amblystegium riparium, Brachythecium rivulare, Chiloscyphus polyanthos, Cinclidotus danubicus, Cinclidotus fontinaloides, Fissidens crassipes, Fontinalis antipyretica, Octodiceras fontanum, Philonotis sp., Rhynchostegium riparioides, Riccardia chamaedryfolia, Riccia fluitans, Ricciocarpos natans
[mammiferes] Arvicola sapidus, Castor fiber, Lutra lutra, Mustela lutreola, Neomys fodiens
[oiseaux] Alcedo atthis, Motacilla cinerea
[amphibiens] Pelophylax ridibundus
[poissons] Zone à Brème : Abramis brama, Alosa alosa, Alosa fallax, Blicca bjoerkna, Cyprinus carpio, Esox lucius, Lampetra fluviatilis, Perca fluviatilis, Petromyzon marinus, Rhodeus amarus, Rutilus rutilus, Salmo salar, Scardinius erythrophtalmus, Tinca tinca
Zone à Barbeau : Alburnus alburnus, Barbus barbus, Chondrostoma nasus, Leuciscus cephalus, Leuciscus leuciscus
Zone à Ombre : Barbatula barbatula, Cottus gobio, Lampetra planeri, Phoxinus phoxinus, Salmo trutta fario
[mollusques] Adononta anatina, Corbicula fluminea (exogène, envahissant), Limnées, Margaritifera margaritifera, Physes, Pisidium sp., Planorbes, Potamida littoralis, Pseudanodonta complanata, Pseudunio auricularius, Sphaerium corneum, Theodoxus fluviatilis, Unio crassus, Unio mancus
[crustaces] Atyaephyra desmareti, Austropotamobius pallipes, Gammarus sp., Orconectes limosus (exogène)
[odonates] zone aval et médiane : Boyeria irene, Calopteryx splendens, Coenagrion mercuriale, Erythromma lindenii, Gomphus flavipes, Gomphus graslinii, Gomphus simillimus, Gomphus vulgatissimus, Libellula fulva, Macromia splendens, Onychogomphus forcipatus, Onychogomphus uncatus, Oxygastra curtisii, Platycnemis latipes, Platycnemis pennipes
zone amont : Calopteryx haemorrhoidalis, Calopteryx virgo meridionalis, Cordulegaster boltoni
[orthopteres] Paracinema tricolor, Pteronemobius lineolatus
[coleopteres] Ephemeroptera spp, Plecoptera spp., Trichoptera spp
Annélidés Sangsue, Planaire, Oligochètes (Tubifex sp.)

Statut régional

Les végétations immergées des rivières de plaines sont relativement abondantes et disséminées de façon homogène en région Poitou-Charentes.

Sites typiques ou remarquables :

16 : vallée de la Charente

17 : vallées de la Charente, de la Boutonne, de la Seugne

79 : vallées du Thouet, de l’Autize

86 : vallées de la Vienne, de la Gartempe et ses affluents, de la Creuse

 

Habitats aquatiques artificiels

Rédacteur : Anthony le Fouler

Physionomie-écologie

Les habitats aquatiques artificiels décrits ici sont des fossés et des canaux. Il s’agit de cavités creusées en long pour faciliter l’écoulement des eaux et permettre dans les vallées alluviales et les grands marais plats l’exploitation des terres et la protection des habitations face à la montée des niveaux d’eau lors des crues hivernales. Les canaux ne diffèrent des fossés que par leur fonction de navigation. Pour faciliter celle-ci, les canaux sont généralement d’une largeur et d’une profondeur plus importantes. Dans le contexte des marais doux des régions basses en 79 et 17 (Marais Poitevin, marais arrière-littoraux charentais), ces cavités creusées par l’homme forment un vaste réseau d’accumulation d’eaux plus ou moins stagnantes. Il se décompose en 3 niveaux de fonctions différentes :

Le réseau primaire est constitué de grands canaux navigables pour des embarcations de taille modeste (péniches de transport de marchandises ou de personnes). Il joue aussi le rôle de collecteur et de distributeur des eaux des réseaux inférieurs.

Le réseau secondaire se compose de canaux de gabarit inférieur et assure la connexion entre des compartiments hydrauliquement indépendants. Il est accessible au moyen d’embarcations de petite taille (barques, canoës, kayaks).

Le réseau tertiaire regroupe l’ensemble des fossés et petits canaux formant la majeure partie du chevelu du marais. La navigation y est parfois impossible du fait de leur section réduite et de l’accumulation importante de sédiments et d’embâcles charriés par les crues hivernales ou accumulés sur place.

Les marais doux sont endigués sur leur contour afin de gérer les niveaux d’eaux du réseau et d’éviter l’entrée d’eaux salées défavorables à l’exploitation agricole classique. Ce système n’est néanmoins pas complètement clos. En hiver, les eaux douces, provenant des cours d’eau, alimentent le marais. Les excès sont systématiquement évacués en aval afin de protéger les activités économiques et sociales en place.

En été, ces apports sont réduits et l’évapotranspiration par la végétation est à son apogée. Ceci conduit à une forte baisse et une faible variation des niveaux d’eau du marais en été, et ce malgré la fermeture des systèmes de vannage à l’aval. A cela s’ajoute l’effet des très contestés prélèvements d’eaux pour l’irrigation de cultures céréalières sur les terres hautes ou asséchées. Pendant la période estivale, le niveau d’eau peut atteindre alors des valeurs basses critiques pour la conservation de la flore et la faune des marais.

En conséquence de la grande variation de ces facteurs, la végétation des fossés et canaux est très diversifiée. Il faut noter que les sédiments apportés par les crues successives ont enrichi les milieux et favorisé les plantes adaptées à l’eutrophisation.

Une végétation fixée flottante ou immergée peut s’installer lorsque les périodes d’assec ne sont pas trop prolongées. Celle-ci est plus fréquente dans les réseaux primaire et secondaire, peu ou pas sujets à l’assec. Des nénuphars (Nymphaea alba, Nuphar lutea) ainsi que des potamots (Potamogeton pectinatus, P. crispus) et exceptionnellement la Grenouillette (Hydrocharis morsus-ranae) peuvent être rencontrés en surface. Les myriophylles (Myriopyllum sp.), les cératophylles (Ceratophyllum sp.) et les callitriches (Callitriche sp.) occupent la largeur de la lame d’eau.

A l’opposé, en cas d’assec ou de comblement important des fossés, les hydrophytes sont incapables de se maintenir. Le fond des fossés et canaux du réseau tertiaire est alors colonisé par de grandes hélophytes (Phragmites australis, Glyceria maxima, Phalaris arundinacea, Iris pseudacorus) et des plus petites (Nasturtium officinale, Berula erecta, Helioscadium nodiflorum, Sparganium erectum, Caltha palustris).

Pour éviter la perte de fonctionnalité hydraulique du marais causé par le comblement sédimentaire et organique des fossés, ces derniers sont plus ou moins régulièrement curés par des syndicats intercommunaux et des associations syndicales. Ce rajeunissement du milieu, parfois accompagné d’un éclaircissement de la ripisylve, stimule la germination de graines d’hydrophytes pionnières remarquables (Chara sp., Hottonia palustris).

Le Marais Poitevin deux-sèvrien qui conserve encore un paysage de prairies et de boisements alluviaux est connu sous le nom de Venise Verte. Cette appellation fait en partie référence aux nappes de lentilles qui recouvrent presque intégralement ses eaux calmes. Un examen attentif de ce tapis permet de découvrir 4 espèces de lentilles dont le plus petit végétal à fleur du monde : la Lentille sans racine Wolffia arrhiza. Une fougère aquatique américaine a récemment rejoint ce cortège : Azolla filiculoides.

Les berges des fossés et canaux sont colonisées par les hélophytes précitées. Une strate arbustive peut être présente et dans ce cas dense et composée de ronces (Rubus caesius), d’aubépine (Crataegus monogyna) ou encore de l’Eglantier (Rosa canina). Le Groseillier sauvage Ribes rubrum est parfois rencontré dans les fossés ombragés en voie d’atterrissement. La strate arborée est composée d’essences adaptées aux zones humides (Alnus glutinosa, Fraxinus angustifolia, F. excelsior, Acer negundo) et conduite en têtard, donnant un aspect typique au linéaire de haies bordant les fossés et canaux des marais doux.

Les fossés de bords de route ou de parcelle agricole, hors marais, peuvent présenter une flore commune (roselières, cressonnière) mais l’intermittence des écoulements d’eau ne permet pas le développement d’une végétation strictement aquatique.

Phytosociologie et correspondances

PVF 2004

Nc.

COR 1991

89.2 Habitats aquatiques superficiels

  • 89.21 Canaux navigables
  • 89.22 Fossés et petits canaux

Conjonctions possibles avec les habitats 22.13, 22.4, 31.8, 53.1, 53.3 et 84.1 dont certains sont d’intérêt communautaire (voir fiches correspondantes)

Confusions possibles

Les habitats aquatiques artificiels décrits ici doivent être distingués des habitats aquatiques artificiels salins qui font l’objet d’une fiche descriptive spécifique. Sinon, aucune confusion n’est possible avec un autre habitat anthropique.

Dynamique

Comme vu précédemment, la végétation d’un fossé ou d’un canal dépend fortement de son niveau de comblement. Chaque année, une partie de la végétation produite meurt, les feuilles mortes des aulnes et des frênes tombent. La mauvaise dégradation de cette matière morte, du fait de son recouvrement par les eaux, conduit saison après saison au comblement du fossé jusqu’à son atterrissement complet en absence de curage. La vitesse de comblement est d’autant plus rapide que la section du fossé ou du canal est petit. Les crues hivernales, aujourd’hui rares du fait des importants prélèvements d’eau réalisés dans le marais et en amont tout au long de l’année, déposent à leur passage d’importantes quantités de sédiments, accélérant encore le processus d’atterrissement du réseau hydraulique. Le curage intervient alors pour évacuer les vases accumulées et rajeunir le milieu.

L’ombrage est également un facteur influençant de manière importante la dynamique végétale des fossés et des canaux. Plus celui-ci sera élevé, plus cette dynamique sera ralentie. L’ombrage est fonction de la qualité et de la fréquence d’entretien de la ripisylve.

En définitive, plus un réseau hydraulique présentera une diversité de niveau de comblement et d’ombrage des fossés et plus sa végétation sera riche et diversifiée.

Espèces indicatrices

[plante1] (Azolla filiculoides), Berula erecta, Callitriche stagnalis, Caltha palustris, Ceratophyllum demersum, Glyceria maxima, Helioscadium nodiflorum, *Hottonia palustris, Hydrocharis morsus-ranae, Iris pseudacorus, Lemna gibba, L. minor, (L. minuta), (Ludwigia grandiflora), (L. peploides), Lythrum salicaria, Myriophyllum spicatum, Nasturtium officinale, Nymphaea alba, Nuphar lutea, Phalaris arundinacea, Phragmites australis, Potamogeton crispus, P. pectinatus, Scirpoides holoschoenus, Sparganium erectum, Wolffia arrhiza
[mammiferes] Arvicola sapidus, Lutra lutra, Neomys fodiens
[oiseaux] Alcedo atthis, Ardea cinerea, Ardea purpurea, Botaurus stellaris, Cygnus olor
[reptiles] Natrix maura, Natrix natrix.
[amphibiens] Rana esculenta,R. dalmatina
[odonates] Erythromma lindenii, Gomphus flavipes, Libellula fulva
[mollusques] Helix pomatia, Hygromia limbata, Succinea putris, Vertigo antivertigo, Vertigo moulinsiana
[coleopteres] Rosalia alpina

Valeurs biologiques

Compte tenu de la diversité des communautés végétales pouvant s’y établir, ce type de milieu, aussi artificialisé qu’il puisse paraître, présente un grand potentiel biologique. Certaines de ces communautés sont d’intérêt européen (tapis de Characées, végétations enracinées flottantes ou immergées) et certaines plantes sont en régression comme l’Hottonie des marais Hottonia palustris et la Grenouillette Hydrocharis morsus-ranae.

Ces habitats en conjonction sont autant de niches écologiques
pour la faune. De nombreux oiseaux (Hérons cendré et pourpré, Butor étoilé, Cygne tuberculé, Canard Colvert, Martin pêcheur) s’y nourrissent d’amphibiens (Grenouilles agile et verte) et de poissons (anguilles, lamproies, Brochet). Certaines libellules y sont plus ou moins inféodées, comme la Libellule fauve, le Gomphe à pattes jaunes ou encore la Naïade aux yeux bleus. Les fossés servent aussi d’abreuvoir pour les grands mammifères tels que le Chevreuil et le Sanglier.

Menaces

La valeur biologique des fossés et des canaux peut être altérée par de nombreux agents.

L’absence de clôture donne le libre accès au fossé aux bovins sur tout son linéaire. En le piétinant, ils causent des effondrements de la berge, accélérant ainsi son comblement. L’impact des bovins est d’autant plus important que les berges sont fragilisées par les nombreuses galeries creusées par les ragondins, un rongeur introduit dans nos milieux naturels au XIXème siècle et redoutable consommateur de végétaux aquatiques.

D’autres organismes ont été introduits en France et provoquent des désordres écologiques importants sur les réseaux hydrauliques. Les écrevisses américaines creusent aussi de profonds terriers et contribuent à cet effondrement des berges. Grandes consommatrices de végétaux aquatiques et d’œufs de poissons, elles peuvent transformer en cas de pullulation un réseau de fossés en véritable « désert biologique ».

La plupart des plantes aquatiques introduites sur notre territoire sont parvenues à intégrer les cortèges végétaux autochtones sans causer de troubles écologiques (cas d’Azolla filiculoides). D’autres, comme la Jussie, prolifèrent jusqu’à exclure tout autre organisme vivant. Ces plantes font l’objet d’une lutte acharnée et de plus en plus coordonnée pour, non pas les exterminer mais, éviter ses proliférations de masse, le temps qu’elles entrent en équilibre avec les autres organismes, à l’instar de l’Elodée du Canada dans les années 50.
Dans une mesure difficilement quantifiable, les embarcations dégradent les berges par le clapotis généré à leur passage et ce particulièrement pendant le pic estival de fréquentation touristique.

A cet important problème d’érosion des berges s’ajoutent les pollutions chimiques et parfois une gestion inadaptée ou non coordonnée des fossés. Un curage la même année de l’ensemble des fossés d’un même secteur conduit à une homogénéisation des profils et à une réduction de la biodiversité. Aussi, le pouvoir collecteur et distributeur des fossés est parfois trop important ou trop faible, réduisant d’autant le rôle tampon du marais. Et des travaux d’élagage voire d’abattage de vieux arbres têtards remarquables sont réalisés en pleine période de nidification des oiseaux.

Statut régional

L’habitat est présent sur l’ensemble de la région mais est plus fréquent dans sa partie ouest.

16 : vallées de la Charente, du Né

17 : canaux et fossés des marais arrière-littoraux

79 : canaux et fossés de la Venise Verte

86 : vallées de la Vienne, du Clain

ATTENTION : la version papier et complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.

Eau avec végétation immergée non vasculaire

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie-écologie

L’habitat « Eau avec végétation immergée non vasculaire » appartient sur le plan structurel aux habitats constituant la strate inférieure de la végétation aquatique des eaux calmes. Il se présente sous la forme de tapis entièrement immergés ou affleurants, de taille et de profondeur variables (de 20 centimètres jusqu’à 20 mètres), fixés sur le fonds des eaux dormantes, claires et généralement permanentes.

Cet habitat est constitué exclusivement par un ou plusieurs hydrophytes non vasculaires – des algues – ce qui le distingue de l’habitat « Eau avec végétation immergée vasculaire » (22-42). Cette différenciation d’ordre biologique réunit dans le même habitat les espèces d’une seule et même famille de plantes aquatiques, les characées, appartenant à un groupe primitif de végétaux, les charophytes, caractérisé par l’absence de tissus vasculaires ainsi que par certains modes de développement et de multiplication spécifiques (oospores, bulbilles) et présentant la particularité de fixer certains minéraux comme le calcaire. En revanche, les éléments de différenciation morphologique entre les espèces au sein des genres Chara et Nitella sont beaucoup plus complexes, ce qui rend leur classification délicate et nous conduit à considérer d’autres caractères communs. D’une manière générale, ces espèces indicatrices sont toutes annuelles, relativement thermophiles, à développement printanier ou estival, plus rarement automnal, toujours héliophiles, souvent exclusives, pouvant alors constituer des populations denses monospécifiques, parfois sociables, dans ce cas toujours organisées en tapis distincts au sein du même milieu, et particulièrement dépendantes de la qualité et de la stagnation de l’eau. La plupart des espèces de characées ont néanmoins développé des adaptations propres en fonction de la permanence ou non de l’eau et du pH ou de la nature du substrat (sable, graviers, limons, tourbe…).
Ainsi, les localisations préférentielles de l’habitat concernent des milieux de nature et de dimensions très variables mais généralement récents : étangs, mares, fossés, bas marais ou landes, bras déconnectés de rivières, dépressions de carrières ou encore ornières de chemin ; les conditions sont ensoleillées ou semi ombragées, le contexte basique, les eaux neutres à faiblement acides et toujours oligo-mésotrophes, c’est-à-dire relativement pauvres en matières nutritives. De simples flaques ou trous d’eau effectués sur des milieux peu pollués mais plus évolués (exploitation de tourbe, coupes forestières) permettent la réapparition de ces tapis.

En Poitou-Charentes, deux ensembles distincts sont identifiables ;

  • les communautés des eaux permanentes, riches en calcaire et peu polluées présentes dans les grands marais de plaines, parfois tourbeux, constituent l’habitat le plus représentatif (Charion fragilis). D’autres espèces et associations basiphiles dépendent de conditions neutres à légèrement eutrophes et plus temporaires (Charion vulgaris).
  • les communautés des eaux permanentes des étangs, mares, carrières, ornières de coupes forestières qui abritent les espèces et associations des eaux oligo-mésotrophes sur substrats acides (Nitellion flexilis), tels que les étangs à Littorelles ou les landes humides.
    D’autres espèces se rencontrent également dans les mares dunaires ou les eaux salées et subsaumâtres (espèces halophiles). Mais ces dernières, du fait de la spécificité des habitats auxquels elles se rattachent respectivement, ne sont pas retenues dans l’habitat élémentaire « Eau avec végétation immergée non vasculaire » qui se limite uniquement aux tapis de Characées des eaux douces de l’intérieur des terres.

Phytosociologie et correspondances

PVF 2004

CHARETEA FRAGILIS F. Fukarek ex Krausch 1964 : herbiers d’algues enracinées, pionniers, des eaux calmes, douces à saumâtres, claires, oligotrophes à méso-eutrophes, généralement pauci- à monospécifiques.

  • Nitelletalia flexilis Segal et Krausel 1969 : communautés des eaux « molles », acides à neutres, oligocalciques à mésocalciques.
  • Charetalia hispidae Sauer ex Krausch 1964 : communautés des eaux « dures », mésotrophes à méso-eutrophes, basiques et souvent calciques, pauvres en phosphates.

COR 1991

  • 22. 44 Tapis immergés de Characées (Charatea fragilis)
    • 22.441 Tapis de Chara
    • 22.442 Tapis de Nitella (Sphagno-Utricularion)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 3140-1 « Communautés à characées des eaux oligo-mésotrophes basiques »
  • 3140-2 « Communautés à characées des eaux oligo-mésotrophes faiblement acides à faiblement alcalines »

Confusions possibles

En raison du type biologique des espèces indicatrices (hydrophytes non vasculaires) et de la physionomie de cet habitat (formations denses et immergées), il ne peut être confondu avec un autre. Cependant, en présence de formations des eaux saumâtres ou salées (22-12) ou de mares dunaires (16-31), il convient de les rattacher à ces habitats respectifs.

Par ailleurs, l’existence de plantes vasculaires associées ou au contact des massifs de characées marque un stade transitoire dans la dynamique végétale. Dans ce cas, il conviendra d’apprécier en fonction des espèces présentes et de l’importance des populations celui des habitats qui correspond le mieux.

Espèces indicatrices

[algues] Eaux basiques : Chara aspera, Chara connivens, Chara globularis, Chara hispida, Chara major, Chara vulgaris, Nitellopsis obtusa, Tolypella glomerata
Eaux neutro-acidoclines : Chara braunii, Chara delicatula, Chara fragifera, Nitella flexilis, Nitella gracilis, Nitella hyalina, Nitella mucronata, Nitella opaca, Nitella syncarpa, Nitella tenuissima, Nitella translucens, Tolypella intricata
Eaux saumâtres : Chara baltica, Chara canescens, Chara galioides, Lamprothamnium pappulosum, Tolypella nidifica
Eaux très eutrophisées : Chara vulgaris, Chara connivens
[amphibiens] Lissotriton helveticus, Rana temporaria, Triturus cristatus, Triturus marmoratus
[odonates] Anax imperator, Coenagrion scitulum, Orthetrum spp, Sympetrum spp.

Dynamique

Les formations de characées représentent un stade pionnier et précaire dans la dynamique progressive de la végétation des eaux calmes.

Disposant d’un assez fort pouvoir colonisateur, les characées sont souvent les premières macrophytes à investir les milieux neufs où elles peuvent alors recouvrir des surfaces importantes. Étant par ailleurs peu limités par la profondeur, les tapis de characées peuvent assez rapidement constituer de véritables prairies immergées tapissant le fond des eaux claires stagnantes.

En présence de plusieurs espèces indicatrices, la compétition profite à celles de taille plus grande, obligeant les autres à un déplacement vers les marges encore libres. Certaines espèces de plus petite taille parviennent néanmoins à coexister par places en raison d’un développement plus précoce.

La colonisation totale du milieu par une ou plusieurs de ces espèces constitue le stade d’évolution optimal de cet habitat et peut parfois se maintenir durablement dans cette configuration.

Cependant, ces espèces, héliophiles, sont à plus ou moins long terme concurrencées par les hydrophytes vasculaires immergées ou flottantes, mieux adaptées et plus compétitives. L’immixtion ou la présence de telles espèces, associées ou au contact des tapis de characées, marque ainsi un stade transitoire qui préfigure leur éviction progressive.

Cette disparition intervient de manière plus ou moins rapide en fonction de la superficie du milieu, de la permanence ou de la profondeur d’eau, du niveau trophique (acide ou basique) et de la dynamique propre des formations végétales avec lesquelles les characées sont en compétition.

Valeur biologique

En raison de leur place dans la dynamique naturelle de la végétation des eaux calmes (espèces ou associations pionnières voir éphémères), les populations de characées sont naturellement peu courantes et, selon le stade d’évolution du milieu, peuvent occuper des espaces relativement restreints.

De plus, ces formations ont des exigences écologiques propres qui les rendent très dépendantes de la qualité, de la clarté ou de la permanence de l’eau et de la nature du substrat. Véritable indicateur biologique, la présence de characées témoigne en soi de l’intérêt potentiel du milieu pour des espèces de plantes vasculaires des eaux oligo-mésotrophes basiques à acides, elles-mêmes patrimoniales.
Pour ces raisons notamment, les formations de characées denses ou diversifiées ont une valeur patrimoniale élevée. Dans cette configuration, elles sont devenues rares ou très rares (selon les espèces) et constituent des stations souvent réduites et menacées, en régression à l’échelle régionale.

En outre, à l’instar des formations immergées vasculaires, les massifs ou prairies de characées assurent la fonction d’habitat pour beaucoup d’espèces faunistiques (odonates, coléoptères…) et sont un lieu de reproduction privilégié pour les amphibiens (tritons, grenouilles) dont beaucoup sont également vulnérables en Poitou-Charentes.

Menaces

Indépendamment de la compétition entre les espèces floristiques, qui aboutit au remplacement plus ou moins lentement des tapis de characées par des espèces vasculaires, l’habitat est, à plus court terme, directement menacé par toute altération des facteurs écologiques dont il dépend.
Parmi les causes majeures de la régression ou de la disparition de ces tapis, la pollution des eaux par les herbicides et les engrais (nitrates et phosphates) est prédominante, la plupart des Characées étant très sensibles à l’eutrophisation. Certains modes de gestion des plans d’eau, comme le chaulage ou l’exploitation intensive, qui agissent sur le pH ou sur la clarté de l’eau, ou au contraire l’absence d’intervention humaine entraînant un envasement progressif, sont également défavorables au maintien des tapis de characées.

Par ailleurs, cet habitat est particulièrement touché par la prolifération d’espèces invasives telles que l’Ecrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii). Ce crustacé consomme massivement des characées en période de mue et peut à lui seul décimer des populations entières. Il représente actuellement la principale menace pour les formations présentes dans les milieux encore relativement préservés de toute pollution (complexes tourbeux). La conservation de cet habitat passera en priorité par la maîtrise des apports organiques, la régulation des herbiers compétitifs et la lutte contre les espèces invasives avérées.

Statut régional

Habitat dont les variations régionales sont aujourd’hui mal connues mais qui semble très disséminé sur l’ensemble de la région.

ATTENTION : la version papier complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.

Eau avec végétation flottante fixée

Rédacteur : Olivier Collober

Phytosociologie – écologie

La classification des habitats des eaux calmes repose sur la structure de la végétation aquatique qui présente des strates bien distinctes. Les formations relevant d’un même type structurel sont réunies dans le même habitat. La physionomie de cet habitat correspond à une formation plus ou moins dense constituée par une espèce typique de plante aquatique, hydrophytes exclusivement, rarement plusieurs, fixée sur le fond de façon permanente ou temporaire et disposant d’un appareil végétatif adapté aux milieux lentiques (plans d’eau), flottant, totalement ou partiellement étalé en surface et formant, durant l’été, un tapis visible sur les eaux stagnantes des lacs (carrières, gravières, sablières, retenues), des étangs et des mares, et les eaux dormantes ou faiblement courantes des fossés (conches des marais), des canaux et des bras morts de rivières.

La présence d’une seule espèce se rapportant au type suffit pour qualifier l’habitat élémentaire, quelle soit ou non au sein d’une association végétale. C’est une espèce sociale, généralement vivace (hydrohémicryptophyte ou hydrogéophyte), plus rarement annuelle (hydrothérophytes), toujours relativement thermophile et fortement marquée par des différences anatomiques ou physiologiques traduisant une adaptation au milieu aquatique (écomorphologie) telles un polymorphisme foliaire entre les feuilles flottantes et immergées ou plus largement présentant un phénomène d’hétérophyllie (Polygonum amphibium en phase terrestre). Les autres espèces des eaux calmes, compagnes régulières ou occasionnelles de l’association végétale comprenant l’espèce type, ne sont pas constitutives de cet habitat et s’en distinguent sur le plan structurel en ce qu’elles constituent des strates de végétation bien distinctes. Il en est ainsi des hydrophytes totalement immergés ou affleurants et des espèces évoluant librement en surface qui se rattachent respectivement aux habitats « eau avec végétation immergée vasculaire » et « eau avec végétation flottante libre ».

Plusieurs de ces espèces peuvent coexister au sein de l’habitat et former une mosaïque de formations paucispécifiques, mais la majorité d’entre elles ont des exigences écologiques propres et vivent dans des milieux très diversifiés, ce qui rend leur classification difficile si l’on ne tient pas compte, pour cela, des facteurs édaphiques et écologiques qui les distinguent. En premier lieu, la géologie du bassin versant et l’influence des activités humaines menées sur celui-ci qui conditionnent la nature des eaux alimentant les nappes et les rivières où les espèces indicatrices de l’habitat se développent, sont déterminants et doivent donc être considérés l’influence minérale et le pH du substrat (acide, neutre ou basique) et le niveau trophique de l’eau (présence plus ou moins forte d’éléments nutritifs assimilables par les plantes). Souvent, des transitions moins marquées peuvent exister entre les groupements et, le cas échéant, le rattachement à l’habitat d’une espèce présentant, par exemple, une forte amplitude écologique ne pourra pas être effectué sans le recours aux autres plantes du cortège floristique (immergées ou flottantes librement). En second lieu, la profondeur d’eau ou sa permanence sont parfois retenues pour différencier les habitats au sein de chacune de ces catégories.

Habitats des eaux acides oligotrophes à mésotrophes représentatifs de la végétation lacustre présente au contact des socles granitiques, des grès, des gneiss et des schistes où dominent les roches magmatiques et métamorphisées naturellement pauvres en éléments minéraux solubles à l’exemple des Deux-Sèvres armoricaines (Gâtine et Bressuirais) et des argiles à silex ou à meulières (Réserve naturelle du Pinaïl) :

  • Groupements oligotrophes de Potamots

Formations plus ou moins clairsemées des bassins d’eau peu profonde siliceuse (étangs, mares, fossés) – colonisée par le Potamot à feuilles de renouée Potamogeton polygonyfolius, plusieurs espèces de renoncules aquatiques (Ranunculus ololeucos, Ranunculus omiophyllus, Ranunculus tripartitus), le Plantain d’eau flottant Luronium natans, le Rubanier nain Sparganium minimum – strictement oligotrophe, à niveau fluctuant mais généralement permanente, constituant souvent de petits plans d’eau à l’intérieur des landes, des carrières, parfois des sous- bois. Certaines de ces espèces plus tolérantes à des apports en matière organique se développent en conditions méso-oligotrophes en marge des ruisseaux et des petites rivières connectés aux têtes de bassin versant.

  • Tapis de Trapa natans, de Potamogeton natans, de Polygonum amphibium

Formations plus ou moins denses et recouvrantes des eaux stagnantes à faiblement courantes oligo-mésotrophes et mésotrophes en terrain acide ou neutre, présentes sur les étangs à fond argileux, argilo-sableux et siliceux. Lorsqu’elles cohabitent au sein du même milieu, ces formations sont organisées en ceintures ou en taches distinctes selon la profondeur plus ou moins grande de l’eau. Dans sa configuration optimale, l’habitat regroupe les trois espèces, le Potamot nageant (Potamogeton natans) occupe la zone la plus profonde, viennent ensuite la Châtaigne d’eau (Trapa natans), en périphérie, puis la Renouée amphibie (Polygonum amphibium) sur les marges à proximité des berges. Certaines de ces espèces se rencontrent également parfois sur les bras mort et les radiers des cours d’eau de taille moyenne en conditions mésotrophes.

Habitats des eaux mésotrophes à eutrophes neutres ou basiques naturellement plus chargées en minéraux dissous, constituant des herbiers plus ou moins denses sur les rivières et les canaux à faible courant et dans les plans d’eau à fonds imperméables des terrains sédimentaires, argilo-calcaires ou marneux du bassin parisien et du bassin aquitain :

  • Tapis de Nénuphars

Formations souvent très recouvrantes de Nénuphar blanc (Nymphea alba) et / ou de Nénuphar jaune (Nuphar lutea) colonisant les zones les plus profondes des étangs et des rivières à courant lent et affectionnant les milieux ouverts. Le Nénuphar blanc semble plus présent dans les eaux mésotrophes et plus sensible à l’enrichissement des eaux en matières nutritives que son homologue, le Nénuphar jaune qui peut supporter une eutrophisation assez importante. Ces espèces ont chacune une sous-espèce liée à des conditions plus acides et plus pauvres mais qui ne sont pas présentes dans notre région.

  • Tapis de Nynphoides peltata

Formation souvent clairsemée caractéristique des eaux calmes, peu profondes et biens minéralisées, qui affectionne les alluvions et les fonds vaseux riches en limons des canaux et des rivières et accessoirement les étangs, les mares et les fossés naturellement riches en matières organiques.

  • Communautés flottantes des eaux peu profondes

Communautés dominées par les callitriches ou par des renoncules aquatiques ayant des racines immergées et des feuilles flottantes ou par Hottonia palustris. Ces communautés, principalement caractéristiques des eaux peu profondes voisines de la neutralité et sujettes à des fluctuations du niveau de l’eau ou susceptibles d’être occasionnellement à sec, se rencontrent dans les bras morts des rivières, les fossés des marais, les étangs ou les mares plus ou moins riches en éléments nutritifs (mésotrophes à eutrophes).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

POTAMETEA PECTINATI Klika in Klika et V. Novak 1941
NYMPHAEION ALBAE Oberdorfer 1957
Communautés à structure complexe (éléments flottants et submergés) des eaux calmes, stagnantes à faiblement courantes, moyennement profondes (1 à 4 m), mésotrophes à eutrophes

POTAMION POLYGONIFOLII Hartog et Segal 1964 ;
Communautés des eaux stagnantes à faiblement courantes oligotrophes à mésotrophes

RANUNCULION AQUATILIS Passarge 1964
Communautés des eaux peu profondes, calmes, stagnantes à faiblement courantes, capables de supporter une émersion estivale

CORINE 1991

22.43 Végétations enracinées flottantes (formations dominées par des plantes aquatiques enracinées avec feuilles flottantes)
22.431 Tapis flottants de végétaux à grandes feuilles (Nymphaeion)
22.432 Communautés flottantes des eaux peu profondes (CALLITRICHO-BATRACHION)
22.433 Groupements oligotrophes de potamots, (POTAMION GRAMINEI)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3150-1 « Plans d’eau eutrophes avec végétation enracinée avec ou sans feuilles flottantes »
3150-4 « Rivières, canaux et fossés eutrophes des marais naturels »

Confusions possibles

Dans sa configuration élémentaire, les risques de confusion de cet habitat avec un autre habitat aquatique sont relativement faibles excepté lorsque les formations végétales qui le composent présentent un faciès dégradé de plantes éparses caractérisé par un faible taux de recouvrement et sont en association avec des espèces qui relèvent d’un autre habitat élémentaire (végétations immergées ou flottant librement en surface).
Dans ces situations, lorsque l’espèce indicatrice présente un caractère patrimonial, il semble préférable de retenir l’habitat élémentaire même si celui-ci n’est pas dans sa configuration optimale. Dans le cas contraire, la qualification de l’habitat dépendra de la prédominance des espèces présentes et de la physionomie générale des formations végétales. D’autres formations ne sont pas retenues dans cet habitat en raison de leurs spécificités comme les mares des lèdes dunaires (16.31) et les mares dystrophes naturelles à utriculaires (22.414).

Dynamique

L’évolution naturelle des milieux d’eaux stagnantes, dormantes ou faiblement courantes tend naturellement vers le comblement.
Dans la mesure où les espèces à feuilles flottantes occupent la strate supérieure des eaux et parce qu’il s’agit d’espèces souvent sociales, spécialisées, qui peuvent constituer des formations très recouvrantes privant de la lumière indispensable à la photosynthèse et excluant ainsi les autres espèces aquatiques comme les hydrophytes immergés, elles sont faiblement soumises à la compétition naturelle. En présence de plusieurs espèces indicatrices au sein d’une même communauté végétale, la compétition interspécifique conduit à une dissociation latérale des populations qui se répartissent en taches ou en ceintures distinctes. A ce stade d’évolution, l’habitat, représenté par une ou plusieurs espèces monospécifiques, est moins rapidement évolutif en conditions oligotrophes que dans un contexte mésotrophe ou eutrophe consécutivement à une plus forte production végétale ou à l’apport de sédiments provenant du bassin versant qui accélère le comblement et l’abaissement du niveau d’eau.

Espèces indicatrices

[plante2] *Callitriche brutia, Callitriche obtusangula, Callitriche platycarpa, Callitriche stagnalis, *Hippuris vulgaris, *Hottonia palustris , (Ludwigia grandiflora), (Ludwigia peploides), *Luronium natans,* Marsilea quadrifolia, Myriophyllum verticillatum, Nuphar lutea, Nymphaea alba, *Nymphoides peltata, Polygonum amphibium, Potamogeton natans, Ranunculus aquatilis, *Ranunculus circinatus, *Ranunculus hederaceus, *Ranunculus ololeucos, *Ranunculus omiophyllus, Ranunculus peltatus subsp peltatus , Ranunculus trichophyllus, *Ranunculus tripartitus, *Stratiotes aloides, *Trapa natans
[plante1] (Azolla filiculoides), Hydrocharis morsus-ranae, *Potamogeton coloratus, Potamogeton polygonifolius, Spirodela polyrhiza, *Utricularia australis, *Utricularia vulgaris
[briophytes] Riccia fluitans, Ricciocarpus natans
[amphibiens] Rana lessonae, Triturus cristatus, Triturus marmoratus
[odonates] Aeshna isoceles, Anax parthenope, Coenagrion pulchellum, Erythromma lindenii, Erythromma najas, Libellula quadrimaculata
[mollusques] Acroluxus lacustris

Valeur biologique

La valeur patrimoniale de l’habitat est très élevée. D’une part, il n’est pas fréquent de trouver cet habitat en bon état de conservation. D’autre part, il abrite un nombre conséquent d’espèces végétales protégées (Marsilea quadrifolia, Luronium natans, Ranunculus ololeucos, Trapa natans, Nymphoides peltata, Hottonia palustris) et / ou rares ou en forte régression (Polygonum amphibium), ce qui témoigne des menaces très importantes qui pèsent actuellement sur les plans d’eau oligotrophes ou oligo-mésotrophes ou sur les plans d’eau naturellement eutrophes et incidemment sur l’ensemble des formations végétales qui les caractérisent. En outre, même en présence d’espèces plus communes (nénuphars), ces formations végétales en tapis plus ou moins recouvrants jouent un rôle fondamental dans l’écosystème des eaux calmes (oxygénation, abris naturel, nourriture, développement larvaires…) et participent activement au maintien de la biodiversité des milieux aquatiques. Ainsi, la plupart de ces formations sont exploitées par des populations d’espèces faunistiques (anatidés, amphibiens, odonates), dont beaucoup sont elles-mêmes vulnérables ou en danger, et constituent pour elles un ultime refuge.

Menaces

Les formations végétales de l’habitat dépendent principalement de la qualité de l’eau et de la hauteur de la nappe, la dégradation de ces facteurs (fertilisation des étangs, pollutions, eutrophisation des eaux, comblement naturel, envasement, assèchement temporaire, effondrement des berges) étant très souvent à l’origine de la régression ou de la disparition des espèces indicatrices et de leur remplacement par d’autres espèces moins exigeantes ou mieux adaptées aux changements écologiques (lentilles, plantes amphibies, hélophytes). L’enrichissement en substances nutritives fait apparaître des formations caractéristiques de milieux eutrophes (nuphars) qui entrent en concurrence avec les communautés des eaux oligotrophes et finissent par les supplanter. Une bonne gestion qualitative et quantitative de l’eau sur les bassins versants et sur la structure des cours d’eau est donc essentielle pour conserver de telles formations. D’autres menaces résultant du mode de gestion des plans d’eau (chaulage, pisciculture intensive) ou de l’immixtion d’espèces invasives ou exotiques végétales (Ludwigia peploides et Ludwigia. grandiflora) très compétitives ou animales (carpes amour, ragondins) qui s’en nourrissent sont également des causes de la disparition et de la dégradation de ces formations. Enfin, la destruction pure et simple (comblement, rupture d’alimentation en eaux ou herbicides) participe pour une part importante à la régression quantitative de cet habitat.

Statut régional

Habitat dispersé dans l’ensemble du Poitou-Charentes, plus répandu toutefois dans certaines régions :

16 : étangs des landes de la Double, étangs du Confolentais
17 : fossés et canaux des marais arrière-littoraux
86 : étangs et landes du sud-est
79 : mares et étangs de la partie armoricaine

ATTENTION : la version papier complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.